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Normalisation entre Tel-Aviv et Riyad : Entre annonces brumeuses et réactions de dénonciation

Tel-Aviv a adressé samedi ses vœux à Ryad à l’occasion de la fête nationale de l’Arabie saoudite, au moment où les discussions sur une éventuelle normalisation entre les deux capitales semblent s’accélérer.
Normalisation entre Tel-Aviv et Riyad : Entre annonces brumeuses et réactions de dénonciation

« Nous adressons nos sincères félicitations et bénédictions au roi, au gouvernement et au peuple du royaume d’Arabie saoudite à l’occasion de la 93e fête nationale », peut-on lire sur le compte X en arabe et en anglais du ministère des Affaires étrangères israélien.

Un porte-parole de la diplomatie israélienne a précisé à l’AFP que c’était la première fois qu’un message de félicitations à cette occasion était publié sur le compte X en anglais du ministère israélien des Affaires étrangères, mais qu’il avait déjà été publié en arabe. « Que Dieu vous apporte la bonté et les bénédictions à la lumière de la sécurité, de la sûreté et de la prospérité, avec nos vœux de voir prévaloir une atmosphère de paix, de coopération et de bon voisinage », poursuit le texte.

Vendredi, Benjamin Netanyahu a annoncé qu’Israël et l’Arabie saoudite étaient proches d’une paix « historique » lors de son discours à la tribune de l’ONU, rappelant la normalisation en 2020 des relations avec trois pays arabes.

Mohammed ben Salmane, prince héritier d’Arabie saoudite, surnommé MBS, avait lui aussi récemment déclaré, dans une interview à la télévision américaine Fox News, que les deux pays se « rapprochaient chaque jour » d’une normalisation de leurs relations.

Israël et l’Arabie saoudite n’entretiennent pas de relations diplomatiques même si les contacts se sont multipliés depuis 2020 avec la normalisation des relations d’Israël avec les Emirats arabes unis, Bahreïn, le Maroc et le Soudan dans le cadre des accords dits d’Abraham.

Les partenaires de coalition du Premier ministre israélien ont salué son discours prononcé vendredi devant l’Assemblée générale des Nations unies – il avait évoqué à la tribune l’imminence de la normalisation des liens entre Israël et l’Arabie saoudite. Ils ont toutefois insisté sur le fait qu’ils ne soutiendront pas les concessions attendues d’Israël à l’égard des Palestiniens qui seraient pourtant un élément déterminant de l’accord.

Ainsi, Itamar Ben Gvir, chef de la faction Oztma Yehudit, a indiqué que son parti, en plus d’une deuxième formation d’extrême-droite, quitteraient la coalition si de telles concessions devaient être faites.

Des réponses qui soulignent le manque de marge de manœuvre de B. Netanyahu en ce qui concerne les négociations sur un accord alors que les États-Unis et l’Arabie saoudite ont clairement établi que l’État juif devrait offrir quelque chose de significatif pour faire avancer une solution à deux États dans le cadre de l’accord de normalisation avec le royaume du Golfe.

« Si des concessions sont faites en direction des Palestiniens, nous ne resterons pas au gouvernement – pas seulement nous, mais Hatzionout HaDatit aussi. Netanyahu ne pourra conclure un tel accord qu’avec [Benny] Gantz, » a estimé le ministre de la Sécurité nationale, se référant au président de la formation d’opposition HaMahane HaMamlahti qui a d’ores et déjà exclu la possibilité de rejoindre le gouvernement de B. Netanyahu pour garantir la finalisation d’un pacte de paix avec l’Arabie saoudite.

Otzma Yehudit et Hatzionout HaDatit détiennent 14 sièges et, sans eux, la coalition perdrait sa majorité.  « Otzma Yehudit soutient la normalisation – sur cette question, Netanyahu a notre soutien plein et entier », a-t-il continué. « Mais nous n’accepterons aucune concession faite aux Palestiniens. J’ai dit au Premier ministre de ne pas nous oublier », a dit I. Ben Gvir.

Bezalel Smotrich, ministre des Finances et chef de Hatzionout HaDatit, a aussi salué la performance de B. Netanyahu aux Nations unies mais il a subtilement indiqué ce qu’il souhaiterait offrir en échange de la normalisation avec l’Arabie saoudite. « Ensemble, avec l’aide de Dieu, nous apporterons la paix pour la paix. Nous continuerons à garantir la sécurité d’Israël, à nous implanter dans toutes ses régions, à nous développer aux côtés de tout le Moyen-Orient et du monde entier », a-t-il écrit sur X. Ce responsable du nombre record d’approbations, par le gouvernement, de nouvelles constructions dans les implantations israéliennes en Cisjordanie avait déjà fait savoir, le mois dernier, qu’il n’accepterait aucune concession faite aux Palestiniens.

Le terme « paix pour la paix » avait été utilisé par B. Netanyahu pour décrire les Accords d’Abraham, en 2020 – des accords qui avaient permis d’incarner au mieux son idée, qui était de voir Israël normaliser ses liens avec les États arabes avant de trouver un accord de paix avec les Palestiniens et non après.  Toutefois, dans le cadre de ces accords, B. Netanyahu avait été dans l’obligation de faire des concessions pour mener à bien les efforts de normalisation, acceptant notamment de mettre en suspens son plan d’annexion de larges pans de la Cisjordanie dans le cadre de l’établissement de relations diplomatiques avec les Émirats arabes unis.

Plusieurs autres députés de la coalition ont utilisé la même formule de « la paix pour la paix » lorsqu’ils ont salué le discours prononcé vendredi par le Premier ministre à la tribune des Nations unies. Cela a notamment été le cas de Yariv Levin, ministre de la Justice, élu du Likud. « Nous avançons la paix pour la paix. Nous réactualisons la vision de la paix entre Israël et le monde arabe », a-t-il écrit sur Facebook. Shlomo Karhi, ministre des Communications, a pour sa part rendu hommage à « un discours puissant du Premier ministre Netanyahu. Avec lui, nous allons faire avancer la paix avec force et sur la base de la vérité. Un nouveau Moyen-Orient de Paix pour la paix ».

Le député du Likud Danny Danon, ancien envoyé israélien à l’ONU, a semblé être le seul député de la coalition désireux de reconnaître qu’un accord avec l’Arabie saoudite nécessitera des gestes à l’égard des Palestiniens. Toutefois, il a insisté lors d’un entretien accordé à la chaîne publique Kan qu’il s’agirait de mesures purement économiques. « La question saoudienne ne doit pas être subordonnée à la question palestinienne », a-t-il affirmé.

A la chaîne Kan, Gilad Erdan, ambassadeur israélien aux Nations unies, a rappelé qu’en 2020, B. Netanyahu avait convenu de retarder son plan d’annexion de la Cisjordanie – jusqu’en 2024 – en échange de la normalisation avec les Émirats. « Le même genre de concession est d’autant plus possible quand on parle d’un accord de paix susceptible de mettre un terme au conflit entre Israël et les pays arabes, à l’exception des Palestiniens. Cela isolera les Palestiniens, ils seront seuls. Dans ces circonstances, je sais que les ministres du gouvernement sauront prendre en considération ce qui mérite de l’être », a ajouté G. Erdan.

Yair Lapid, leader de l’opposition, a critiqué B. Netanyahu pour ne pas avoir évoqué cette demande de programme nucléaire civil dans son discours des Nations unies, allocution où le Premier ministre a salué avec emphase l’accord potentiel de normalisation. Ajoutant que B. Netanyahu avait ignoré la requête soumise par les États-Unis de stopper le plan de refonte radicale du système judiciaire israélien avancé par son gouvernement et qu’il avait ignoré « le fait que l’État d’Israël est déchiré à cause de ce gouvernement ».  Et de souligner, enfin, qu’« il ne tente même pas de guérir les fractures et d’unir le peuple. C’est triste ». 

Le président Isaac Herzog, qui a tenté de négocier un compromis sur le plan de refonte du système judiciaire, a évité d’aborder le sujet dans sa réponse au discours de B. Netanyahu. « La vision de la paix régionale – avec l’Arabie saoudite en son centre – est l’alternative historique à la menace terroriste que fait planer l’Iran au Moyen-Orient… C’est un message important du discours prononcé par le Premier ministre à l’Assemblée générale et je le salue », a-t-il dit.

Évoquant la question palestinienne dans son allocution, B. Netanyahu a indiqué que « les Palestiniens pourraient tirer de grands bénéfices d’une paix plus large. Ils doivent être intégrés dans ce processus mais ils ne doivent pas pouvoir avoir un droit de veto dans ce cadre. »  « Et je crois aussi que faire la paix avec un plus grand nombre d’États arabes renforcera finalement les perspectives de paix entre Israël et les Palestiniens », a-t-il ajouté.

« Nous devons voir où nous allons. Nous espérons parvenir à un accord qui facilitera la vie des Palestiniens et qui permettra à Israël de jouer un rôle au Moyen-Orient », avait souligné M. Ben Salmane, exprimant son désir d’améliorer la vie des Palestiniens – sans garantir pour autant l’établissement d’un État palestinien. Une sortie médiatique qui a été critiquée par la résistance palestinienne, toutes factions confondues.

Du côté de l’Autorité palestinienne (AP), c’est l’intervention de B. Netanyahu à l’ONU qui a été critiquée.  « Le Premier ministre du gouvernement d’occupation, Benjamin Netanyahu, ne nous a pas surpris avec son discours aux Nations unies, qui était, comme d’habitude, un discours arrogant et raciste à un degré dégoûtant – plein de mensonges et de contradictions avec tous les faits », a déclaré Mahmoud al-Habash, juge suprême de la charia de l’AP et conseiller de Mahmoud Abbas pour les affaires religieuses et les relations islamiques, au journal Times of Israel.

« Le Premier ministre du gouvernement d’occupation a utilisé la méthode qui consiste à mentir encore et encore jusqu’à ce que les gens vous croient, puis à continuer à mentir jusqu’à ce que vous vous croyiez vous-même », a expliqué M. al-Habash. « Cette méthode a été honteusement exposée devant la communauté internationale et plus personne ne croit à ces mensonges et à ces déformations des faits, au point que la salle des Nations unies était complètement vide pendant son discours parce que le monde n’est plus capable d’entendre le torrent de mensonges, d’arrogance et de déconnexion de la réalité dans lequel vit Netanyahu », a-t-il poursuivi. « L’évidente vérité est ce que le président de l’Autorité palestinienne, Mahmoud Abbas, a dit dans son discours d’hier : quiconque pense que la paix peut être réalisée au Moyen-Orient sans que le peuple palestinien n’obtienne ses droits nationaux légitimes (…) se fait des illusions ». Et M. Al-Habash d’ajouter qu’il ne pourra y avoir de stabilité régionale tant que les droits des Palestiniens seront violés.

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