Lors d’une rencontre entre les ministres de l’Intérieur des deux pays à Tunis, mercredi, « on s’est mis d’accord pour se partager les groupes de migrants présents sur la frontière », a indiqué un porte-parole du ministère tunisien.
Le ministère de l’Intérieur libyen a annoncé, dans la nuit, la conclusion d’un accord bilatéral « pour une solution consensuelle, afin de mettre fin à la crise des migrants irréguliers, bloqués dans la zone frontalière ». Côté tunisien, le communiqué officiel s’est borné à annoncer que Kamel Feki, ministre tunisien de l’Intérieur, avait reçu Imed Trabelsi, son homologue libyen, soulignant le besoin d’une « coordination des efforts pour trouver des solutions qui tiennent compte des intérêts des deux pays ».
Environ 300 migrants originaires d’Afrique subsaharienne étaient encore bloqués dans la région frontalière parmi lesquels douze femmes enceintes et 65 enfants et mineurs. Ces derniers étaient dans des conditions très précaires, sur une langue de terre au bord de la mer, dans la zone tampon de Ras Jedir, d’après des humanitaires qui ont indiqué que l’essentiel des aides (nourriture, eau, soins médicaux) leur était apporté depuis le 20 juillet par le Croissant-Rouge libyen avec le soutien des agences onusiennes.
« La Tunisie va prendre en charge un groupe de 76 hommes, 42 femmes et huit enfants », a précisé Faker Bouzghaya, porte-parole tunisien. L’accord prévoit que les Libyens prendront en charge le reste des migrants bloqués, entre 150 et 200. « Le transfert du groupe a eu lieu le 9 août dans des centres d’accueil à Tataouine et Médénine avec la participation du Croissant-Rouge » tunisien (CRT), a ajouté Faker Bouzghaya.
Dans un nouveau communiqué jeudi 10 août, le ministère libyen a annoncé qu’« il n’y avait plus aucun migrant irrégulier dans la zone frontalière » après l’accord. « Des patrouilles sont organisées en coordination » entre les deux pays pour « sécuriser la frontière ».
Après la mort, le 3 juillet, d’un Tunisien lors d’une rixe avec des migrants à Sfax, épicentre de l’émigration clandestine en Tunisie, « au moins 2 000 ressortissants subsahariens » ont été « expulsés » par les forces de sécurité tunisiennes vers les frontières libyenne et algérienne, selon plusieurs sources humanitaires.
Le 12 juillet, le CRT avait mis à l’abri environ 630 personnes récupérées à Ras Jedir et en avait pris en charge environ 200 autres, refoulées initialement vers l’Algérie, selon des ONG. Mais les semaines suivantes, divers médias ont documenté avec des témoignages de migrants, des garde-frontières libyens et d’ONG, que 350 migrants se trouvaient toujours à Ras Jedir. Des centaines d’autres migrants ont aussi afflué en Libye, en provenance de Tunisie, à la hauteur de al-Assah, à 40 kilomètres au sud de Ras Jedir, errant sans nourriture ni eau, jusqu’à ce que des gardes libyens leur portent secours.
L’ONU avait dénoncé, début août, « l’expulsion de migrants de Tunisie vers la Libye », appelant à ce que « les expulsions cessent immédiatement ». Les autorités tunisiennes ont réfuté, deux jours plus tard, « les allégations sur des expulsions », évoquant des « imprécisions, voire des contrevérités ». Depuis début juillet, « au moins 27 migrants » sont morts dans le désert tuniso-libyen et « 73 sont portés disparus », a indiqué jeudi 10 août une source humanitaire. La Libye, qui héberge plus de 600 000 migrants irréguliers, a été épinglée par plusieurs rapports de l’ONU sur de graves violences à leur encontre.