Même en l’absence de consignes des Comités de résistance populaire, les cortèges de manifestants se formaient à Khartoum jeudi après-midi. Il faut dire que l’accès à internet a été progressivement coupé dans le pays. Dans la matinée de jeudi, le groupe de surveillance Netblocks constatait une coupure générale chez tous les opérateurs.
Cela n’a en rien altéré la volonté des manifestants de crier leur colère contre la junte au pouvoir.
À quelques centaines de mètres du palais présidentiel de Khartoum, où siège le Conseil souverain, les forces de sécurité ont tiré des grenades lacrymogènes sur des manifestants, rapporte l’AFP. Quatre morts sont à déplorer alors que les secours ont été empêchés d’intervenir… L’armée avait déployé de nouveaux moyens pour empêcher la manifestation en s’aidant de containers de cargo posés dans la nuit en travers des ponts permettant de rejoindre le centre de la capitale. Un verrouillage systématique de Khartoum était ciblé. Seuls deux ponts, plus petits et à l’écart, sont restés ouverts au trafic, selon des témoins. Les routes menant au quartier où se trouvent les centres du pouvoir ont également été bloquées, rapportent des journalistes soudanais qui circulent en ville. Des caméras ont été installées sur les artères principales et l’avenue menant à l’aéroport est coupée par des barbelés. De plus, des unités de la police, mitraillette à la main, régulent la circulation des véhicules qui s’aventurent vers le cœur de la capitale.
Ces derniers jours, les membres les plus en vue des comités ont été arrêtés, surtout là où ils sont le mieux organisés, à Khartoum Nord et Omdurman, de l’autre côté du Nil. Les services de renseignement ont d’ailleurs le droit « temporairement », depuis lundi, de surveiller, d’arrêter et de détenir des civils, ce qui n’était plus le cas depuis la chute du régime d’Omar el-Béchir en 2019. En dépit de tout cela, la contestation populaire gagne en force. Des cortèges avaient défilé la nuit de mercredi à jeudi dans les quartiers périphériques, avec des mégaphones, en prélude à la manifestation de jeudi.
Sur le plan politique et international, le dossier soudanais peine à évoluer. Le président du Conseil de souveraineté, le général Abdelfatah al-Burhane, ainsi que le premier ministre Abdallah Hamdok, sont toujours très sollicités. Si le premier est frontalement décrié par les manifestants, le second qui peine à former un gouvernement de technocrates a tendance à se démonétiser aux yeux des Soudanais qui l’appellent à rester fidèles à l’esprit de la révolution qui a fait chuter le régime dictatorial d’Omar El Béchir.
Le chef de la mission de l’ONU au Soudan, le ministre saoudien des Affaires étrangères, l’ambassadeur égyptien et le secrétaire général de la Ligue arabe ont tous fait savoir qu’ils avaient parlé à l’un ou à l’autre. Mais tous en sont restés à des termes généraux et n’ont fait aucune annonce. Selon la presse soudanaise, ils s’efforceraient surtout de convaincre A. Hamdok de renoncer à démissionner, comme cela serait toujours son intention. Le départ du chef du gouvernement, libéré il y a un mois, signerait l’arrêt d’un processus de transition difficile et menacerait d’instabilité le pays. On notera que le parti Oumma a élaboré un document pour une sortie de crise sur lequel il lui reste encore à bâtir un consensus auprès de ses partenaires des Forces de la liberté et du changement. La situation politique est donc toujours au point mort. Ce qui conduit à dire que le pays est à la dérive…
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Le Soudan à la dérive : La junte tire sur les manifestants…
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