Le Think tank marocain s’est intéressé aux implications de l’intervention russe sur l’économie du Maroc et de l’Afrique. «Les effets de la guerre sur les importateurs d’énergie africains, qui sont aussi des importateurs de denrées alimentaires, sont fortement négatifs», indiquent dans un Policy Brief les économistes Abdelaaziz Ait Ali, Fahd Azaroual, Oumayma Bourhriba et Uri Dadush, qui estiment que «le Maroc est la plus grande économie africaine la plus susceptible de subir un choc négatif important du fait de la guerre».
Ils rappellent ainsi que les importations de pétrole, de gaz et de charbon du Maroc ont atteint 6,4% du PIB en 2019, soit environ le double de la part de l’Égypte et de l’Afrique du Sud, qui ont aussi d’importantes exportations d’énergie. «Le Maroc est également un gros importateur de céréales. Le coût des céréales importées en pourcentage du PIB était de 1,4 % en 2019, mais en raison d’une mauvaise récolte prévue en 2022, les importations pourraient être 50% plus importantes ou trois fois plus importantes que les importations de 2021», souligne le document. «Cela signifie que l’effet combiné de la hausse des cours du pétrole et des céréales, s’ils se maintiennent, pourrait coûter au Maroc entre 1% et 2% du revenu national cette année», précise-t-on.
L’étude rappelle qu’outre l’impact sur la balance extérieure du Maroc, la flambée des cours du pétrole et des denrées alimentaires aggravera le déficit budgétaire déjà élevé, estimé à 6,5% du PIB cette année, indique la même source, relevant que le gaz reste subventionné par l’État dans le royaume. La hausse des prix intensifiera également les pressions inflationnistes, comme dans le cas de l’essence et d’autres carburants dont les prix sont libéralisés. Dans ce sens, «alors que les syndicats font pression sur les autorités pour qu’elles ajustent les salaires afin de compenser la hausse des prix, l’inflation semble destinée à être encore plus élevée».
L’impact de la guerre sera ressenti par ailleurs dans plusieurs pays africains.
D’après les économistes du PCNS, la plupart des importateurs d’énergie africains sont des économies pauvres et peu industrialisées, avec des secteurs agricoles importants. «Ils ne sont pas relativement aussi dépendants des importations d’énergie et de céréales que le Maroc, mais ils ont moins de marge de manœuvre budgétaire pour réagir, et une proportion plus importante de leur population est proche des seuils de pauvreté, et plus exposée aux chocs des prix alimentaires, que ce n’est le cas au Maroc», rappellent-ils. Tout en notant que les effets de la guerre au niveau sectoriel sur l’Afrique, qui sont négatifs pour la plupart des pays, seront probablement amplifiés par l’effet de la détérioration des conditions macroéconomiques, alors que la hausse des cours du pétrole et des taux d’intérêt internationaux pour lutter contre l’inflation, le creusement des écarts sur les actifs à risque en raison de la persistance de l’incertitude et le ralentissement de l’économie européenne se répercuteront éventuellement sur l’Afrique. «Les pays africains qui ont accès aux marchés internationaux pourraient voir leurs coûts d’emprunt augmenter de 1 ou 2%. Cela ne devrait pas poser de problème aux pays à faible dette extérieure et des déficits courants gérables, comme le Maroc. Cela étant, de nombreux pays d’Afrique, en particulier ceux qui sont tributaires des financements publics, ont atteint des niveaux élevés de dette extérieure dans le sillage de la pandémie et sont désormais particulièrement exposés.» Toutefois, les pays africains pourront atténuer les chocs de cette guerre, soutient le Policy Brief. «Selon l’ampleur et la durée des sanctions contre la Russie et la réaction de cette dernière, l’Afrique pourrait voir se présenter de nouvelles possibilités d’exportation vers l’Europe (son marché le plus important) et la Russie, avec une réorientation des exportations européennes vers la Russie et les exportations russes vers l’Europe», explique la note. Celle-ci cite notamment, parmi les secteurs qui pourraient être ainsi affectés figurent les fruits et légumes et le poisson en Russie et les engrais en Europe. «Les exportations marocaines d’engrais, par exemple, qui représentaient 4,5% du PIB en 2019, concurrencent celles de la Russie sur les marchés européens, alors que les exportations marocaines de fruits et légumes et de poisson, qui représentent 2,6% du PIB marocain, concurrencent les exportations européennes en Russie.»
Alors que l’invasion russe de l’Ukraine entre dans sa deuxième semaine, les quatre économistes disent espérer que la guerre soit «aussi courte et aussi peu sanglante que possible». «Quel que soit le scénario, un régime de sanctions contre la Russie et des mesures de rétorsion de la part de cette dernière sont susceptibles de persister au cours des années à venir. Les importateurs d’énergie et de denrées alimentaires en Afrique resteront exposés à ces vents contraires», concluent-ils.
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