Cette journée est la première organisée au niveau national après l’adoption de la loi via l’arme constitutionnelle du 49.3, le 16 mars. Les critiques visent particulièrement le président de la République qui n’a en rien apaisé la tension que la réforme des retraites, adoptée au forceps, a généré.
Les manifestants contre la réforme des retraites étaient nettement plus nombreux dans de nombreuses villes, d’après les chiffres des syndicats comme ceux des autorités. Une semaine après un huitième round en demi-teinte, les cortèges font de nouveau le plein. À Rouen, la préfecture a dénombré 14 800 manifestants, un record depuis le début du mouvement social, tandis que la CGT en a revendiqué 23 000. Les premiers cortèges étaient fournis, davantage que lors de la dernière journée de mobilisation, mais sans atteindre les records, comme à Clermont-Ferrand où ils étaient selon les autorités 13 500, ou à Agen (4 000) et Bayonne (9 500).
Participation également en forte hausse à Lyon (22 000 à 55 000), Brest (20 000 à 40 000) ou Montpellier (18 000 à 40 000), où la mobilisation est toutefois restée en-deçà des sommets enregistrés lors des précédentes journées, surtout le 31 janvier et le 7 mars. Le regain par rapport à la précédente journée de mobilisation était aussi observé dans des villes moyennes comme Agen (4 000 à 6 000), Laval (5 200 à 9 600) ou Valenciennes (3 100 d’après la police).
Si les estimations variaient le plus souvent du simple au double, certaines villes se distinguaient par des écarts plus prononcés, notamment Saint-Etienne (6 200 à 35 000), Nice (5 200 à 40 000) et, comme à l’accoutumée, Marseille où la préfecture a compté 16 000 manifestants, soit dix-sept fois moins que les 280 000 avancés par la CGT.
Quelque 800 000 personnes manifestaient jeudi à Paris pour la neuvième journée de mobilisation contre la réforme des retraites, a annoncé la CGT à l’AFP, alors que le chiffre des autorités n’était pas immédiatement disponible. C’est le chiffre le plus élevé avancé par le syndicat depuis le début du mouvement, le précédent record dans la capitale remontant au 7 mars, avec 700 000 manifestants, selon la CGT (81 000, selon la préfecture).
La présence des jeunes dans la rue a aussi été importante. Étudiants, lycéens qui étaient silencieux lors des dernières manifestations se sont réveillés et sont descendues massivement dans les rues. L’Unef, principal syndicat d’étudiants, avance le chiffre de 150 000 jeunes présents.
Avec 3,5 millions de manifestants ont manifesté jeudi en France, selon le syndicat CGT, la mobilisation a battu un record à Paris et est en hausse par rapport à la 8e journée de mobilisation le 15 mars, où 480 000 personnes étaient descendues dans la rue en France, selon la Place Beauvau. C’est pourquoi les syndicats ont annoncé une dixième journée de grèves et de manifestation, le 28 mars, et des rassemblements syndicaux de proximité ce week-end, pour protester contre la réforme des retraites. « Alors que l’exécutif cherche à tourner la page, ce mouvement social et syndical pérenne et responsable confirme la détermination du monde du travail et de la jeunesse à obtenir le retrait de la réforme », ont-ils affirmé à la fin de la journée de manifestations.
Des heurts ont opposé jeudi à Nantes, Rennes et Lorient des manifestants aux forces de l’ordre, qui ont répondu aux dégradations et jets de projectiles par des tirs de gaz lacrymogène, ont constaté des journalistes de l’AFP. À Nantes, des manifestants se sont introduits dans le tribunal administratif, saccageant l’accueil et brisant vitres et portes, a constaté l’AFP. Les pompiers ont rapidement éteint un départ de feu dans une salle d’audience. À Rennes, les premiers heurts ont éclaté entre jeunes masqués et encapuchonnés, qui s’étaient postés en amont de la tête du cortège, et l’imposant dispositif policier. Des tensions plus ou moins fortes étaient également constatées à Toulouse, Lille, Bordeaux ou Dijon.
Des actions violentes qui sortent du cadre formel de la mobilisation syndicale, c’est ce qui risque de se multiplier dans les jours qui viennent. A différents endroits du cortège parisiens, des poubelles ont été brûlées, jeudi, et les forces de l’ordre sont intervenues à plusieurs reprises.
Peu avant le départ du cortège parisien, Laurent Berger, secrétaire général de la CFDT a noté un « regain de mobilisation » et appelé « à la non-violence », ajoutant que « jusqu’au bout, il va falloir garder l’opinion » qui est une « pépite ». À ses côtés, Philippe Martinez, son homologue de la CGT, a estimé qu’E. Macron avait «jeté un bidon d’essence sur le feu » avec son interview, rappelant que les syndicats avaient écrit au chef de l’État pour l’alerter sur la « situation explosive » du pays.
Le leader communiste Fabien Roussel a appelé jeudi, lors de la manifestation parisienne contre la réforme des retraites, à « tout faire pour bloquer l’outil de travail » et « mettre le pays à l’arrêt ». Depuis Marseille, Jean-Luc Mélenchon appelle les manifestants à « ne se laisser intimider d’aucune façon », dénonçant un Emmanuel Macron jouant « la stratégie de la paralysie, de la provocation et du chaos ».
Les grèves ont entrainé de nombreuses perturbations, notamment dans les transports. À la SNCF, seule la moitié des TGV Inoui et Ouigo et le tiers des TER circulaient, tandis que la RATP faisait état d’un trafic « très perturbé » dans le métro parisien, avec une trentaine de stations « fermées au public ». Les voies de la gare de Lyon à Paris ont également été envahies par plusieurs centaines de manifestants, interrompant la circulation des trains. Si l’exécutif espère que la mobilisation « s’étiole » après la manifestation de jeudi, et que tout rentre dans l’ordre « ce week-end », l’intersyndicale ne désarme pas : elle se retrouvera jeudi soir au siège de la CFDT à Paris.