Depuis l’aube de samedi, on avait annoncé au moins 41 martyrs dans les raids aériens et les bombardements d’artillerie israéliens sur les régions nord et sud de l’enclave. 92 Palestiniens ont été tués et 219 ont été blessés, pendant les dernières 48 heures, indique le ministère de la Santé à Gaza. 5 Palestiniens sont tombés en martyrs dans un raid sur une tente hébergeant la famille al-Qadi dans la région al-Mawasi, à Khan Younes. 4 autres, dont 2 enfants, ont succombé dans un raid sur une autre tente de la famille Abou Nada. La maison des Abou Chamala a aussi été bombardée dans le camp de Khan Younes. Sur la même zone, des raids nocturnes ont fait au moins 20 enfants blessés ont rapporté des sources locales. 6 martyrs ont été signalés dans l’hôpital européen depuis ce matin.
Dans Gaza-ville, un nombre indéterminé de martyrs ont été recensés dans un raid de drone sur une tente dans la rue Abou Hasriya. Un couple au moins, Mohamad Khalifa et son épouse ont été tués. Deux autres martyrs ont été dégagés des décombres d’une maison bombardée dans la rue al-Saka dans le quartier Zeytoun au sud-est de Gaza-ville. Des tirs depuis un drone ont été signalés sur les régions est de la ville. Il est aussi question de pilonnage depuis des vedettes maritimes en direction du nord-ouest de Gaza-ville. A Beit Lahia, 4 palestiniens ont péri dans un raid sur la région al-Atatra.
Depuis l’effondrement de la trêve, 595 enfants palestiniens ont été tués, assure le Centre palestinien des droits de l’homme. Ce qui porte à 18.044 le chiffre des enfants martyrs depuis le 7 octobre 2023.
« L’armée israélienne recoure de plus en plus à des +ordres d’évacuation+ qui sont, en fait, des ordres de déplacement forcé », a fustigé Ravina Chamdassani, porte-parole du Haut-Commissariat de l’ONU aux droits de l’homme. « Cela a entraîné le transfert forcé de Palestiniens à Gaza vers des zones de plus en plus restreintes, où ils ont peu, ou pas, accès aux services vitaux », a-t-elle noté.
Plus petit, l’espace restant aux Palestiniens est, pour l’essentiel, un champ de ruines : les Nations unies estiment que 80% des infrastructures civiles de Gaza ont été totalement ou partiellement détruites. La plupart des hôpitaux ont été endommagés ou sont hors service, les écoles servent de refuges aux personnes déplacées et une partie importante de la population est condamnée à vivre dans des tentes et autres abris de fortune.
Sur le terrain, l’armée d’occupation a créé une large zone tampon qui épouse le contour des frontières de la bande de Gaza, y compris au sud, près de l’Egypte, la cadenassant encore plus face notamment aux risques de contrebande transfrontalière d’armes. Elle dit avoir transformé environ 30% du territoire en « zone de sécurité opérationnelle », un no man’s land dont les habitants palestiniens sont bannis. D’après un calcul de l’AFP à partir des cartes publiées par l’armée sioniste, le périmètre concerné représente en fait environ 187 km2, soit un peu plus de la moitié du territoire. Les troupes israéliennes ont aussi mis en place trois couloirs militarisés (Philadelphie, Morag et Netzarim) dans la largeur du territoire, sectionnant celui-ci en plusieurs tronçons.
Dans la zone tampon qu’elle contrôle désormais, l’armée israélienne a systématiquement détruit les bâtiments civils, selon des témoignages de soldats ayant requis l’anonymat, recueillis par l’ONG israélienne anti-occupation Breaking the Silence et des médias internationaux. « Nous les avons détruits un par un d’une manière très méthodique », a déclaré un soldat israélien, présenté comme un lanceur d’alerte, à la chaîne américaine CNN.
« La stratégie menée par Israël dans la bande de Gaza est une stratégie qui consiste à rendre le territoire invivable », analyse Agnès Levallois, maîtresse de conférence à la Fondation pour la recherche stratégique.
Après depuis 18 mois de guerre dévastatrice, le territoire et ses 2,4 millions d’habitants se trouvent dans une situation humanitaire critique. « La famine n’est pas seulement un risque, mais semble se développer rapidement dans presque toutes les régions de Gaza », a averti cette semaine un collectif d’ONG internationales. Depuis le 2 mars, Israël bloque toute livraison humanitaire, accusant le Hamas de détourner l’aide. Le mouvement palestinien dément, accusant en retour Israël d’utiliser « la famine comme arme de guerre ». Selon le Bureau des Affaires humanitaires de l’ONU (Ocha), l’enclave palestinienne est aujourd’hui probablement plongée dans « la pire » situation humanitaire depuis le début de la guerre.
En juin dernier, les acteurs du secteur humanitaire avaient évoqué des Palestiniens si démunis qu’ils en étaient parfois réduits à se nourrir d’aliments pour animaux ou d’herbe, et à boire des eaux usées. Alors que les protéines sont rares, certains se résignent à manger des tortues marines, rapporte l’AFP.
Divisions israéliennes
En Israël, les médias ont rapporté que le nombre de Israéliens ayant signé des pétitions appelant à la fin de la guerre à Gaza approche des 140 000. « Depuis la publication de la lettre des pilotes et des équipages appelant au retour immédiat de tous les otages israéliens et à la fin de la guerre à Gaza, une vague de réservistes et de civils a commencé à organiser des messages de solidarité », indique le site Rebuilding Israel sur X. « Jusqu’à présent, 48 organisations et 137.884 personnes ont signé, et ce nombre augmente chaque minute », ajoute la même source
Pour sa part, le Maariv a rapporté que 62 % de l’opinion publique israélienne soutient un accord avec le Hamas qui comprendrait un échange unique des prisonniers, une cessation des hostilités et le retrait de l’armée d’occupation israélienne de la bande de Gaza. En revanche, 21% se sont opposés à cette idée, tandis que 17% ont déclaré ne pas avoir d’opinion sur la question, selon un sondage publié vendredi par le journal israélien. Un tel accord a été soutenu par 89 % des électeurs des partis d’opposition et seulement 29 % des électeurs des partis de la coalition au pouvoir, alors que 46 % y sont opposés. Il s’est également avéré que 39 % des électeurs du Likoud s’opposent à un tel accord, tandis que 34 % le soutiennent.
Interrogé sur cette fronde qui a éclaté et s’est élargie avec la publication de près d’un millier de réservistes de l’armée de l’air d’une pétition réclamant cet accord, Mohanad Moustafa, expert des questions israéliennes, estime que « cette action civile n’a pas atteint le niveau de pression nécessaire pour changer les politiques du gouvernement ». Au micro de la chaine qatarie al-Jazeera, il a fait valoir que « son impact demeure limité tant qu’elle n’est pas suivie par une désobéissance civile ou des grèves dans le secteur économique qui obligent le gouvernement à payer un prix politique ». Toutefois ajoute-t-il, « l’action au sein de l’institution militaire pourrait avoir un impact réel » d’autant que le taux des réservistes qui refusent de rejoindre le service s’approche des 70%.
L’expert constate après consultation du contenu des pétitions qui ont été signées par des médecins militaires, des vétérans de guerre, des intellectuels, des académiciens et autres, que « le conflit ne tourne pas seulement autour du retour des otages ».
« Il s’est transformé en une guerre sur l’identité d’Israël », juge-t-il. Selon lui, « un important courant au sein de la société israélienne accuse la droite de vouloir conquérir l’Etat, non pas militairement, mais politiquement et idéologiquement, en restreignant les libertés, en affaiblissant les institutions politiques et en opérant un renversement constitutionnel progressif sous la couverture de la guerre ».
« Ce courant estime que la poursuite de la guerre sert les intérêts de l’extrême-droite car elle octroie à Netanyahu la possibilité d’amorcer la formation de l’Etat et son identité sans opposition efficace, en profitant du climat d’urgence pour faire passer des projets qui menacent la nature démocratique et institutionnelle d’Israël », ajoute M. Moustafa. Avant de conclure que « les contestataires estiment que l’arrêt de la guerre n’est pas seulement une exigence pour sauver les otages mais aussi pour sauver Israël du danger de se transformer en un Etat gouverné par un système de droite qui veut imposer sa vision unilatérale à tout le monde ».