« C’est la première fois que le soutien à l’islam politique a augmenté de manière significative depuis les soulèvements arabes de 2011 », affirment les enquêteurs qui précisent que « bien que ces tendances puissent ne pas se poursuivre, si c’était le cas, l’islam politique pourrait regagner son importance en tant que force politique majeure dans la région » du Moyen-Orient et de l’Afrique du Nord (MENA).
Selon le Baromètre Arabe, l’islam politique n’a pas été largement soutenu dans la région MENA malgré le succès électoral du mouvement islamiste après 2011. En 2012-2014, une majorité de citoyens dans les pays étudiés ne s’est pas déclarée favorable au droit de regard des religieux sur les décisions du gouvernement. Il n’y a qu’au Soudan (47 %) et au Yémen (48 %) que plus de quatre citoyens sur dix se sont prononcés en faveur d’un tel rôle pour les chefs religieux.
Pour la plupart, cette perception est restée inchangée à la fin de la décennie. En 2018-2019, il n’y a qu’au Soudan qu’au moins la moitié des personnes interrogées se sont déclarées favorables à ce que les chefs religieux aient leur mot à dire sur les décisions du gouvernement. De même pour la période entre 2012 et 2014, le soutien n’a pas changé de plus de cinq points dans six des neuf pays étudiés. « Les exceptions étaient le Maroc, où le soutien a chuté de neuf points, et le Liban et l’Irak, où le soutien a augmenté de 11 points et de 10 points, respectivement », fait savoir le Baromètre. Ce dernier souligne que les partis islamistes jouent un rôle beaucoup moins important dans la politique de la région que dans les années qui ont suivi les soulèvements arabes. « Les Frères musulmans sont désormais interdits en Égypte, Ennahda a fait l’objet d’une répression en Tunisie et le PJD a perdu les élections législatives au Maroc », a-t-il rappelé.
Les données du Baromètre Arabe suggèrent fortement la possibilité de l’ouverture de la voie à un plus grand attrait pour l’islam politique. Depuis 2018-2019, le soutien à l’idéologie de l’islam politique est en hausse. En 2021-2022, environ la moitié ou plus dans cinq des dix pays où les citoyens ont été interrogés ont convenu que les religieux devraient avoir une influence sur les décisions du gouvernement, y compris 77 % en Mauritanie, 62 % au Soudan, 57 % en Libye et 54 % en Irak. Ce n’est qu’en Tunisie (23 %), au Liban (22 %) et en Égypte (20 %) que moins de quatre personnes sur dix souhaitent que les chefs religieux jouent un rôle dans la prise de décisions gouvernementales.
De plus, ces niveaux représentent une augmentation par rapport aux niveaux observés en 2018-2019 dans six des neuf pays qui ont été inclus dans les deux vagues. L’augmentation est la plus importante en Libye (27 points), suivie par la Jordanie (15 points), le Maroc (14 points) et le Soudan (10 points), tandis que des hausses plus faibles existent en Palestine ( 7 points) et en Irak (6 points).
Dans l’ensemble, ces résultats suggèrent que le soutien à l’islam politique est aujourd’hui en hausse. En revanche, cela ne signifie pas nécessairement que l’islam politique en tant qu’idéologie deviendra le mouvement populaire qu’il était à l’époque. « Comme pour la hausse de la religiosité observée au cours des cinq dernières années, il est possible que cette tendance s’inverse à l’avenir », soulignent les experts.