« L’Occident le reconnaît et les États-Unis en parlent ouvertement : ils sont en état de guerre existentielle avec la Russie », a indiqué Vladimir Poutine. Il a également nuancé que la Russie faisait face seule à une coalition d’États occidentaux déterminée à l’affaiblir : « En d’autres termes, la Russie est seule face à l’ensemble de l’Occident. Il fallait donc en ce sens prendre très au sérieux l’évolution possible de la situation ».
L’idée d’entamer une opération militaire spéciale dès 2014 ne correspondait pas aux capacités stratégiques de la Russie à l’époque, a affirmé le maitre du Kremlin. « En 2014, c’était pratiquement irréaliste. Le pays n’était pas prêt à une telle confrontation directe avec l’ensemble des pays occidentaux », a-t-il révélé. Cette prudence s’expliquait aussi par un contexte international encore incertain et un équilibre des forces défavorable à Moscou. « Nous ne pouvions pas ne pas y croire ni procéder à des changements radicaux sans faire le travail nécessaire dans le domaine de la sécurité et de la constitution de forces armées, ainsi que dans les domaines de l’économie et des finances. Nous ne nous sommes pas préparés spécifiquement à cela. Nous nous efforcions sincèrement de résoudre le problème du Donbass par des moyens pacifiques », a-t-il encore spécifié.
V. Poutine a déclaré que Moscou avait nourri des espoirs sincères dans les accords de Minsk, signés dans le but de résoudre le conflit dans le Donbass par la voie diplomatique. Il a reconnu que la Russie avait placé une certaine confiance, teintée de prudence, dans ses partenaires occidentaux quant à l’exécution des accords de Minsk : « On voulait y croire ». Ce choix reflétait l’état d’esprit du pays à cette époque : privilégier une issue pacifique en amont du recours à la force. Il a affirmé que cette confiance avait été trahie, affirmant que les engagements pris n’avaient pas été respectés : « Il s’est avéré plus tard, que nous avons tout simplement été dupés ».
Abordant les événements de 2014, le chef d’État a justifié le devoir de la Russie à tendre la main à la Crimée comme une nécessité humanitaire et stratégique. Il a présenté ce choix comme une obligation morale visant à protéger les populations locales qui, selon lui, auraient été abandonnées sans une telle action. « Nous avons tout simplement été obligés de prendre la décision en 2014 de soutenir les habitants de la Crimée et de Sébastopol. Car si on agissait autrement, cela aurait signifié qu’on les laissait se faire massacrer », a-t-il souligné. Il a reconnu que cette décision avait immédiatement entraîné de lourdes conséquences, notamment l’instauration de sanctions occidentales. Toutefois, il a indiqué que les autorités russes avaient anticipé ces réactions et assumaient pleinement la voie choisie.
V. Poutine a également noté que les sanctions imposées par les pays occidentaux depuis 2014 avaient paradoxalement renforcé l’économie russe. Selon lui, ces mesures ont poussé la Russie à développer ses capacités intérieures et à effectuer un « saut qualitatif » dans plusieurs secteurs clés. Il a déclaré que le pays était aujourd’hui mieux armé pour affronter les défis extérieurs et maintenir son autonomie stratégique. La Crimée a été réintégrée à la Russie à la suite du référendum de 2014 où 95,6 % des électeurs ont voté favorablement. Un événement que Moscou considère comme une expression démocratique de la volonté populaire. Le président russe a, à plusieurs reprises, déclaré que la question de la souveraineté de la Crimée était définitivement réglée. La reconnaissance internationale de cette réalité constitue l’un des axes de la diplomatie russe actuelle.
Sur le terrain, la guerre continue. Ainsi, le ministère russe de la Défense a rapporté avoir déjoué une attaque du régime de Kiev, abattant 123 drones et huit obus ukrainiens. Cependant, des frappes ont causé la mort de trois civils, dont deux femmes, dans la région de Koursk et blessé plusieurs autres, dont trois hommes dans un bus dans la région de Belgorod.
Le 3 mai, les forces de défense russes ont détruit et intercepté 170 drones ukrainiens, ainsi que huit missiles de croisière franco-britannique Storm Shadow et de trois missiles antinavires ukrainiens Neptune au-dessus de six régions russes. Plusieurs civils ont été blessés et plusieurs maisons d’habitation ont été endommagées par les débris. Par ailleurs, un drone ukrainien a frappé l’une des chapelles de la région de Belgorod, frontalière de l’Ukraine, provoquant l’incendie de ses dômes.
La paix attendra
Plusieurs pays occidentaux envisagent la possibilité d’un accord de paix en Ukraine qui permettrait de geler le conflit sans pour autant reconnaître officiellement les territoires passés sous administration russe, notamment la Crimée et d’autres régions, selon le Financial Times. Cette approche viserait à offrir à Kiev une opportunité de réengagement futur, que ce soit par des moyens militaires ou diplomatiques.
Le quotidien britannique souligne que la formulation finale d’un tel accord sera déterminante. Certains experts suggèrent qu’un modèle d’armistice inspiré de celui de la guerre de Corée serait préférable à un traité de paix entérinant la situation actuelle sur le terrain, en particulier si cela implique une reconnaissance explicite des modifications territoriales. Toujours d’après le Financial Times, il est fort probable que l’Ukraine doive accepter, pour une durée indéterminée, la perte de la Crimée ainsi que d’autres régions intégrées à la Fédération de Russie.
La diminution attendue du soutien militaire américain, déjà perceptible à la fin du mandat de l’administration Biden, réduirait considérablement les capacités ukrainiennes sur le terrain. Les Européens, pour leur part, cherchent à combler ce vide, mais ne disposent pour l’instant ni des moyens ni de la coordination nécessaires, selon le journal britannique.
Le président américain Donald Trump a affirmé publiquement le 25 avril que la Crimée resterait une partie de la Russie dans le cadre d’un éventuel règlement du conflit. Il a estimé par ailleurs que Volodymyr Zelensky accepterait cette réalité de facto. Lors d’une rencontre au Vatican le 26 avril, D. Trump aurait confié à V. Zelensky que les États-Unis étaient disposés à reconnaître la Crimée comme territoire russe, tout en précisant qu’une telle reconnaissance ne serait pas exigée de la part de l’Ukraine.
La position de la Russie demeure ferme. Sergueï Lavrov, ministre russe des Affaires étrangères, a rappelé que la Russie ne négociait pas sur l’intégrité de son territoire et que le président américain comprenait cette position. La Crimée a été réintégrée à la Fédération de Russie à la suite du référendum de 2014, un événement que Moscou considère comme une expression démocratique de la volonté populaire. Le président russe a, à plusieurs reprises, déclaré que la question de la souveraineté de la Crimée était définitivement réglée. La reconnaissance internationale de cette réalité constitue l’un des axes de la diplomatie russe actuelle.
Ours en colère
Plusieurs responsables russes, dont Maria Zakharova, porte-parole du ministère des Affaires étrangères, avaient réagi samedi aux propos de V. Zelensky affirmant que Kiev ne pourrait pas garantir « la sécurité » des dirigeants internationaux qui seront présents à Moscou le 9 mai pour les célébrations de la Victoire sur l’Allemagne nazie. « Cette crapule comprend qu’en cas de véritable provocation le jour de la Victoire, personne ne pourra alors garantir qu’il y aura un 10 mai à Kiev », a déclaré sur Telegram Dmitri Medvedev. Le vice-président du conseil de sécurité russe entendait réagir à la dernière « provocation verbale » de V.Zelensky – ce « con mal rasé en tee-shirt vert » – à l’approche du 9 mai et des célébrations du 80e anniversaire de la victoire sur l’Allemagne nazie. « On ne sait pas ce que la Russie fera à cette date. Elle pourrait prendre différentes mesures, comme des incendies, des explosions, et ensuite nous accuser » avait déclaré la veille au soir à des journalistes, V. Zelensky, en indiquant que Kiev ne pourrait pas garantir « la sécurité » des dirigeants internationaux qui seront présents à Moscou le 9 mai. Une vingtaine d’entre eux, dont les présidents chinois Xi Jinping et brésilien Luiz Inacio Lula da Silva sont attendus. Ces propos de Zelensky, restés jusqu’à ce 3 mai sous embargo, « constituent, bien entendu, une menace directe » a réagi M. Zakharova. « Aujourd’hui, il s’est surpassé : il menace à présent la sécurité physique des vétérans qui assisteront aux défilés et aux festivités du jour sacré de la Victoire » a fustigé la diplomate, également sur Telegram.
À l’occasion des festivités marquant la fin du plus meurtrier des conflits sur le sol européen, il y a 80 ans, V. Poutine avait annoncé fin avril un cessez-le-feu de trois jours, du 8 au 10 mai. Une trêve à laquelle V. Zelensky semble pour l’heure fermer la porte. « C’est impossible de s’entendre sur quelque chose en trois, cinq ou sept jours », a-t-il prétexté auprès des journalistes, évoquant une « performance théâtrale » du président russe. « Personne n’aidera Poutine à jouer à ce genre de jeu pour donner une douce atmosphère à sa sortie d’isolement, le 9 mai, et mettre à l’aise et en sécurité les dirigeants, les amis et les partenaires de Poutine qui viendront sur la place Rouge, pour une raison ou une autre » a-t-il ajouté. « La Russie a raison de s’inquiéter pour sa parade » avait déjà menacé V. Zelensky le 29 avril. « La réticence du régime à répondre directement à la proposition faite par la Russie montre clairement que c’est le néonazisme qui est la base idéologique du régime actuel de Kiev » a déclaré samedi à la presse Dmitri Peskov, porte-parole du Kremlin, assurant que la Russie attendait de la partie ukrainienne « des déclarations sans équivoque et définitives et surtout des actions visant à désamorcer le conflit pendant ces jours de fête ». « L’objectif de la trêve de Pâques proposée par la Russie, ainsi que de l’initiative actuelle de déclarer une trêve lors des célébrations des 8, 9 et 10 mai, est de tester la disposition de Kiev à trouver une voie pour une paix durable à long terme » a précisé le sherpa russe.