« Le taux de droits de douane supplémentaires » sera « relevé de 34% à 84% » à compter de ce jeudi à 12H01 heure chinoise (04H01 GMT), a indiqué le ministère chinois des Finances dans un communiqué. Pékin n’a donc pas tardé à répliquer du tac-au-tac à la dernière salve de surtaxes douanières mises en place plus tôt dans la journée par Donald Trump.
Sur les 60 pays concernés par les droits de douane supplémentaires décidés par le président américain et entrés en vigueur mercredi, c’est la Chine qui était la principale visée: les surtaxes sur ses produits ont augmenté de 34% à 84%.
La nouvelle hausse décidée par Washington, qui s’ajoute aux 20% appliqués sur les biens importés de Chine depuis janvier, avait été décidée en représailles à l’annonce par Pékin d’une première riposte.
« Cette escalade des droits de douane (lancée mercredi par les Etats-Unis) est une nouvelle erreur qui s’ajoute aux précédentes », a dénoncé le ministère chinois des Finances dans son communiqué. « Elle porte gravement atteinte aux droits et intérêts légitimes de la Chine et sape le système commercial multilatéral fondé sur des règles », a-t-il déploré. Le ministère dit avoir pris la décision de relever les surtaxes de rétorsion à 84% « conformément aux lois et règlements » chinois et « aux principes fondamentaux du droit international ».
La Chine avait annoncé précédemment que des droits de douane supplémentaires de 34% seraient imposés à partir du 10 avril (ce jeudi) sur les produits américains.
Ce bras de fer entre Pékin et Washington fait craindre une chute de la croissance mondiale et souffler un vent de panique sur les marchés boursiers. Les places européennes ont accéléré leurs pertes après la décision prise par la Chine
Vers 11H30 GMT, la Bourse de Paris dévissait de 3,73%, Francfort de 3,53%, peu après avoir perdu plus de 4%, la Bourse de Londres dévissait de 3,29% et Milan de 3,35% et la Bourse suisse de 4,74%. A Wall Street, les contrats à terme des principaux indices laissaient présager d’une ouverture dans le rouge. En Asie, la Bourse de Taïwan a clôturé en chute de 5,8%, et Tokyo de 3,93%.
La situation est plus nuancée en Chine, avec l’indice Hang Seng à Hong Kong qui a terminé en hausse de 0,68%, l’indice composite de Shanghai a gagné 1,31% et celui de Shenzhen 1,22%, soutenus par les banques et firmes d’investissements étatiques aiguillonnées par Pékin.
Les prix du pétrole n’échappent pas à la tourmente, les deux références mondiales chutant de plus de 20% depuis le début du mois, évoluant désormais à leur plus bas niveau en plus de quatre ans. Vers 11H30 GMT, le Brent de la mer du Nord dévissait de 6,54% à 58,71 dollars le baril, quand son équivalent américain, le WTI plongeait de 6,84% à 55,50 dollars le baril, tous deux sous la barre des 60 dollars.
Cela reflète « le scepticisme quant à une désescalade à court terme », note John Plassard, de Mirabaud. « Les deux premières économies mondiales sont désormais coincées dans une guerre commerciale, et aucune des deux nations ne semble prête à céder », note Susannah Streeter, responsable des marchés financiers, Hargreaves Lansdown. « Le monde attend de savoir quel côté pliera en premier. »
D. Trump fanfaronne
C’est à sa façon que D. Trump, à l’occasion d’un dîner du Comité national républicain du Congrès (NRCC), a vanté mardi sa manière de mener les affaires. « Ces pays nous appellent, ils me lèchent le cul, ils meurent d’envie de passer un accord », a-t-il affirmé, avant de railler : « S’il vous plaît, s’il vous plaît, Monsieur, concluez un accord. Je ferai n’importe quoi. Je ferai n’importe quoi, Monsieur ». Le locataire de la Maison Blanche a également tourné en dérision les membres de son parti qui préconisent de confier au Congrès les négociations avec ces pays. « Laissez-moi vous dire, vous ne négociez pas comme je négocie », a ensuite lancé le Président milliardaire. Cette prise de parole de près d’une heure et demie survenait alors que les États-Unis s’apprêtaient à faire entrer en vigueur la dernière volée de tarifs douaniers décrétée par Donald Trump. Ce dernier avait annoncé le 2 avril, non sans provoquer un vent de panique sur les places boursières à travers le monde, l’imposition de 10% de droits de douane sur l’ensemble des importations américaines.
Une « base initiale » à laquelle viennent s’ajouter – à compter de ce 9 avril – des « tarifs réciproques » sur les produits provenant de pays avec lesquels les États-Unis accusent les plus importants déficits commerciaux. En tête des pays frappés par cette offensive tarifaire américaine : la Chine. Visée par des « tarifs réciproques » de 34%, celle-ci avait annoncé qu’elle appliquerait en représailles des droits de douane équivalents sur les produits américains entrant sur son sol. Cette annonce a provoqué l’ire de D. Trump, qui a sommé Pékin de revenir sur son intention sous 24 heures, au risque de se voir imposer des tarifs « additionnels » de 50%. Une menace mise en œuvre, dans un décret publié le 8 avril par la Maison Blanche.
« Des droits de douane supplémentaires de 104% sur les biens chinois entreront en vigueur à minuit ce soir. Ce sera comme ça jusqu’à ce qu’ils passent un accord avec nous », a déclaré D. Trump lors de son discours à la soirée du NRCC. « Tout se passe très bien pour nous, on fait ce que j’appelle des accords sur mesure, pas du prêt-à-porter, mais de la haute couture » avait-t-il déclaré, plus tôt dans la journée depuis la Maison Blanche, annonçant que le Japon et la Corée du Sud étaient « en route pour conclure un accord ».
Riposte mesurée de Bruxelles
Du côté européen, Bruxelles avait promis une réponse « ferme et proportionnée » aux différents droits de douane imposés par D. Trump. C’est chose faite. Les 27 pays de l’UE ont validé, mercredi 9 avril, la proposition de la Commission de taxer à 25 % certains produits américains, en riposte aux de douane américains de 25% sur l’acier, l’aluminium et les voitures. L’UE a toutefois souligné être prête à suspendre ses droits de douane « à tout moment » en cas d’accord « juste et équilibré » avec Washington.
Dans le détail, les importations américaines visées représentent un montant de plus de 20 milliards d’euros et concernent surtout des produits agricoles comme le soja, la volaille, le riz et plusieurs fruits. Le texte prévoit également des droits allant jusqu’à 25 % sur le bois, les motos, des produits plastiques, des équipements électriques ou des produits de maquillage. L’idée était notamment de cibler des produits provenant d’États républicains, parti de D. Trump. La plus grande partie de ces taxes entrera en vigueur mi-mai. D’autres, comme celles sur les amandes, en décembre.
Bruxelles a en revanche choisi d’épargner le bourbon de sa liste de produits ciblés. Plusieurs pays producteurs de vin, dont l’Italie et la France, craignaient que cela n’engendre des représailles contre les vins et spiritueux européens.
Une autre riposte aux droits de douane de 20 %, imposés sur les autres produits européens, doit être présentée en début de semaine prochaine, mais les 27 sont divisés sur l’opportunité de frapper la « tech » américaine. Paris et Berlin prônent aussi le recours à « l’instrument anticoercition ». Jamais utilisé jusqu’ici, il a été pensé comme un outil de dissuasion, à activer après épuisement des voies diplomatiques. Il permettrait notamment le gel de l’accès aux marchés publics européens ou le blocage de certains investissements.