Le groupe russe Gazprom a annoncé ce mercredi 27 avril avoir suspendu toutes ses livraisons de gaz vers la Bulgarie et la Pologne, parce que ces deux pays n’avaient pas payé en roubles, comme l’exige depuis mars le président russe Vladimir Poutine. « Les conditions qui ont été fixées font partie d’une nouvelle méthode de paiement élaborée après des actes inamicaux sans précédent » qui faisaient suite à l’opération russe en Ukraine, a déclaré Dmitri Peskov, porte-parole du Kremlin.
Dénonçant un nouveau « chantage au gaz », la présidente de la Commission européenne Ursula von der Leyen a affirmé que l’Europe s’était préparée à cette éventualité et élaborait « une réponse coordonnée ». Pour leur part, Varsovie et Sofia ont assuré pouvoir faire appel à d’autres fournisseurs de gaz.
Directement après la décision russe, le cours du gaz naturel en Europe est monté de 21%. Et l’Autriche et la Hongrie ont décidé d’accepter les conditions d Moscou de payer le gaz russe en roubles. « La prochaine date de paiement du gaz russe est fixée au 22 mai 2022, et cela se fera en transférant le prix du gaz en euros sur notre compte en euros en (Gauprombank), qui à son tour le convertira en roubles et l’enverra au russe Gazprom Export», a indiqué Peter Szijjarto, ministre hongrois des Affaires étrangères et du Commerce extérieur, mercredi 27 avril.
La chancelière autrichienne a déclaré que l’Autriche et la compagnie énergétique autrichienne OMV ont accepté les conditions de paiement du gaz russe en roubles russes. En Allemagne qui fait l’objet de pressions énormes de la part des Etats-Unis pour rejoindre l’embargo, les dirigeants soufflent le chaud et le froid sur la décision à prendre et leurs déclarations se contredisent du jour au lendemain. La semaine passée, Olaf Scholz, chancelier allemand, excluait l’idée que l’Allemagne renonce au gaz russe dont elle est dépendante pour 50% de ses besoins, au moins pas avant l’an prochain. Mardi 26 avril, Robert Habeck, ministre de l’Economie, déclarait que son pays espère parvenir à une solution dans les jours prochains pour pouvoir substituer le gaz russe par d’autres sources. En visite en Pologne, il a déclaré aux médias qu’actuellement, «je peux dire qu’un embargo pétrolier est à la portée de main de l’Allemagne… Le pétrole russe ne représente plus que 12% de l’approvisionnement de l’Allemagne, et il va entièrement à une raffinerie près de Berlin ».
Les récents propos du ministre allemand vont à l’encontre des propos des dirigeants de la société énergétique allemande Uniper, lesquels évoquent la possibilité de payer le gaz russe en roubles russes.
Tina Tomilla, directrice financière de la société, a déclaré qu’Uniper poursuivait les discussions avec Gazprom sur la question du paiement du gaz russe en roubles. « Jusqu’à présent, le flux de gaz russe dans le cadre de notre contrat à long terme actuel reste inchangé. Nous sommes en pourparlers avec Gazprom sur la mise en œuvre du décret russe sur le paiement du rouble, à la lumière des déclarations de la Commission européenne sur les sanctions », a-t-elle ajouté. Pour cette responsable, l’arrêt des livraisons de gaz russe à la Pologne et à la Bulgarie n’affectera pas les livraisons à l’Allemagne, soulignant que les quantités de gaz pompées n’ont pas changé.
Le 31 mars dernier, le président russe Vladimir Poutine a annoncé que les pays hostiles à la Russie, qui ont adopté des sanctions contre son pays sur fond de la guerre en Ukraine, devront avoir des comptes en roubles pour régler leurs factures de gaz à partir du 1er avril. Faute de quoi les contrats seront arrêtés. Moscou a publié début de ce mois-ci une liste de pays « inamicaux » qui comprend notamment les Etats-Unis, les membres de l’Union européenne (UE), le Royaume-Uni, le Canada, le Japon, la Suisse, Taïwan, la Corée du Sud, la Norvège et l’Australie.
Contre-offensive US
En 2021, les exportations de GNL des États-Unis ont pour la première fois dépassé le niveau des exportations gazières de ce pays via gazoducs. Et la croissance du GNL américain devrait se poursuivre selon l’EIA américaine (U.S. Energy Information Administration), alors que les pays européens cherchent à diversifier leurs approvisionnements pour moins dépendre du gaz russe.
Les États-Unis sont devenus exportateurs nets de gaz naturel en 2017 et ont depuis augmenté significativement leurs exportations, tant par gazoduc que sous forme liquéfiée (GNL). En 2021, les flux de GNL ont compté pour 53,5% de l’ensemble des exportations américaines de gaz naturel (57,7% au 1er trimestre 2022).
Selon les prévisions de l’EIA, les exportations US de gaz sous forme de GNL pourraient augmenter de 2,4 milliards de pieds cubes par jour en 2022(2) pour atteindre une moyenne annuelle de 12,2 milliards de pieds cubes par jour, soit une hausse de 25% par rapport à 2021. Ce qui permettrait aux États-Unis de « dépasser l’Australie et le Qatar et de devenir le plus grand exportateur mondial de GNL » ajoute la même source. En mars 2022, les exportations US de GNL ont déjà atteint un niveau record de 11,9 milliards de pieds cubes.
Les exportations américaines de gaz par gazoducs (vers le Mexique et le Canada) pourraient quant à elles augmenter « légèrement » de 0,3 milliards de pieds cubes par jour en 2022 selon les estimations de l’EIA.
Au total, les États-Unis ont exporté au 1er trimestre 2022 l’équivalent d’environ un cinquième de leur production de gaz naturel.
Les incertitudes liées à la guerre en Ukraine ont eu un impact majeur sur le marché du GNL. Depuis décembre 2021, la majorité des exportations US de GNL sont destinées au marché européen : 15 pays de l’Union européenne (UE) et le Royaume-Uni sont en capacité d’importer du GNL (l’Espagne, le Royaume-Uni et la France dispose des principales capacités européennes d’importations). Près de 57% des exportations US de GNL entre décembre 2021 et février 2022 ont ainsi été livrées aux pays de l’UE et au Royaume-Uni, contre 27% durant la période de janvier à novembre 2021 (et 49% vers l’Asie).
Notons que la hausse des exportations américaines de GNL a fait fortement grimper les prix du gaz sur le marché américain. Début avril 2022, ces prix ont dépassé la barre des 6 $/MMBtu, soit approximativement le double du prix moyen au printemps 2021.