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Flux migratoires en Méditerranée : Tous les chemins mènent à Rome

L’Italie a organisé dimanche une conférence sur le développement et les migrations à laquelle les pays riverains de la Méditerranée étaient invités. Non seulement les pays européens dits de « première entrée » mais aussi des pays d’arrivée, de transit et d’origine des migrants.
Flux migratoires en Méditerranée : Tous les chemins mènent à Rome

L’Italie est en train de prendre une position de pointe en Europe sur la question migratoire. C’est en tout cas l’ambition affichée par Giorgia Meloni, présidente du Conseil italien, de droite. La conférence de dimanche 23 juillet, regroupant les pays de la rive sud de la Méditerranée, les pays du Proche-Orient, du Sahel, de la Corne de l’Afrique ou des États du Conseil de coopération du Golfe en est la preuve. 

Depuis son arrivée au pouvoir en octobre dernier, les partenaires européens de G. Meloni ont pu mesurer sa force sur deux fronts. D’abord, elle a multiplié les déclarations au sujet des migrations, un des thèmes centraux de sa campagne et de celle de ses partenaires de coalition étant la fermeture des frontières italiennes aux migrants. C’est sur ce front-là en particulier que se sont produits les accrochages diplomatiques avec la France, en particulier lorsqu’elle a accusé Paris d’exploiter l’Afrique via le seigneuriage sur le franc CFA.

Il y a ensuite un deuxième front : la volonté de G. Meloni de voir l’Italie prendre les rênes de la coopération entre l’UE et l’Afrique. C’est ce qu’elle a mis en avant dès décembre lors de la précédente conférence à Rome, celle des « dialogues Méditerranéens ». C’est là que la présidente du Conseil italien a lancé son « plan Mattei », une sorte de donnant-donnant entre coopération politique et coopération économique. G. Meloni a choisi de baptiser ce plan du nom d’Enrico Mattei, celui qui a présidé à la création de la compagnie d’énergie Eni et qui, à l’époque, avait instauré des conditions commerciales plus équitables pour les pays producteurs. C’est ce qu’elle a proposé dimanche lors de sa conférence sur le développement et les migrations que certaines ONG considèrent plutôt comme un échange « développement contre migrations ». Human Rights Watch la qualifie même de conférence « anti-migrations ».

Malgré tout, G. Meloni semble avoir réussi à convaincre de l’intérêt de son plan et tente de le vendre en Afrique. On l’a vue par exemple en Éthiopie vanter un « modèle vertueux de collaboration et de croissance » entre l’UE et les États africains. Et surtout parmi les participants de cette conférence romaine ce dimanche figure au premier plan le président tunisien Kaïs Saïed. Ce dernier a signé le 16 juillet un protocole d’accord avec l’Union européenne où son pays s’engage à lutter contre les migrations illégales en échange d’un vaste plan de coopération. Concrètement, la Tunisie va recevoir une aide de 105 millions d’euros pour lutter contre la migration irrégulière.

G. Meloni parvient à la fois à convaincre sur le continent africain et sur le continent européen puisque c’est elle, la première, qui est allée seule à Tunis rencontrer Kaïs Saïed, en se faisant accompagner de son homologue batave Mark Rutte et d’Ursula von der Leyen. Désormais, l’UE qualifie le protocole d’accord avec la Tunisie de modèle pour de futurs accords avec des pays méditerranéens.

A relever cependant que le sommet à Rome passe mal auprès de la société civile tunisienne. Il arrive au moment où le pays est fortement critiqué pour son traitement des migrants subsahariens depuis plusieurs semaines. Environ 150 ONG maghrébines et africaines se sont réunies jeudi et vendredi à Tunis en amont du sommet. « Pour nous, le sommet de Rome s’inscrit dans la continuité de la guerre avec les migrants, la guerre contre la mobilité humaine, et c’est un sommet qui va essayer de légitimer les politiques migratoires inhumaines envers les migrants et les réfugiés et les demandeurs d’asile », explique Romdhane Ben Amor, porte-parole du Forum des droits économiques et sociaux, association à l’origine de l’événement qui a donné lieu à une déclaration en solidarité avec les migrants contre les politiques migratoires européennes. 

L’Organisation mondiale contre la torture, qui a lancé l’alerte sur la détérioration de l’état de plusieurs migrants transportés de force à la frontière libyenne, veut lancer un message humanitaire, selon Hélène Legeay, directrice juridique du bureau en Tunisie : « On attend bien évidemment du Sommet de Rome que les états de l’Union européenne abordent en priorité la question du respect des droits humains par la Tunisie notamment, et que la politique migratoire et les crimes massifs perpétrés par les autorités tunisiennes soient également dénoncées. » Le pari est loin d’être gagné…

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