Kaïs Saïed a fait cette annonce lors d’une réunion du « Conseil de sécurité nationale » qu’il a présidée, quelques heures après que des députés ont bravé la suspension du Parlement en organisant une séance virtuelle, au cours de laquelle ils ont voté pour annuler les mesures exceptionnelles décidées depuis par le président.
« J’annonce aujourd’hui en ce moment historique la dissolution de l’Assemblée des représentants du peuple pour préserver l’État et ses institutions et pour préserver le peuple tunisien », a déclaré le président dans une vidéo diffusée par la présidence.
Après des mois de blocage politique, K. Saïed, élu fin 2019, s’est arrogé les pleins pouvoirs le 25 juillet en limogeant le Premier ministre et en suspendant le Parlement dominé par la formation islamiste d’Ennahda.
Le 22 septembre, le chef de l’État a officialisé ses pleins pouvoirs en multipliant les « mesures exceptionnelles » qui prolongent la suspension du Parlement. Elles lui permettent aussi de légiférer par décret, de présider le Conseil des ministres et d’amender les lois. Cent-vingt députés tunisiens ont bravé mercredi la suspension du Parlement en organisant une séance virtuelle au cours de laquelle ils ont voté pour annuler les mesures exceptionnelles décidées par K. Saïed depuis le 25 juillet.
À l’appel du Bureau de l’Assemblée des représentants du peuple (ARP), une instance qui regroupe la présidence du Parlement et des représentants des partis y siégeant, 120 députés (sur un total de 217) ont participé à cette plénière en ligne, présidée par Tarek Fertiti, vice-président du Parlement, un indépendant. Le président de l’ARP, Rached Ghannouchi, également chef du parti Ennahdha, n’a pas participé à cette plénière.
Cent-seize députés ont voté en faveur d’un projet de loi visant à annuler les mesures exceptionnelles prises par K. Saied, qui bloquent, selon eux, le processus démocratique et instaurent le pouvoir d’un seul homme dans le pays berceau du Printemps arabe. Les députés, dont des élus d’Ennahdha et des indépendants, ont appelé en outre à l’organisation d’élections législatives et présidentielle anticipées pour sortir de la crise politique et socio-économique.
Des annonces que K. Saïed a pris comme un affront, évoquant une « tentative de coup d’Etat » ou encore un « putsch contre la Constitution ». L’homme fort de Carthage a annoncé que des poursuites judiciaires seraient engagées contre ceux qui ont participé à cette réunion qui, selon lui, menace la sécurité de l’Etat tunisien.
En tout cas, il y a lieu de relever que le puissant syndicat UGTT a béni la décision du Président.
Il y a lieu de rappeler que lors de sa visite en Tunisie, Olivér Varhelyi, commissaire européen à l’élargissement et à la politique européenne de voisinage a annoncé, à l’issue de sa rencontre avec K. Saïed, la mobilisation d’environ quatre milliards d’euros pour des investissements en vue de booster croissance économique et emploi en Tunisie.
Le commissaire européen a évoqué à cette occasion les grandes lignes du nouvel Agenda pour la Méditerrané, proposé depuis une année par l’Union européenne (UE) et oscille autour d’un plan économique et d’investissement servant la reprise socio-économique à long terme dans toute la région.
Une série d’actions vont alimenter cette vision européenne, a commenté O. Várhelyi. Ce dernier a ajouté que l’objectif de cette vision est de « rapprocher nos deux rives (de la Méditerranée) en rendant les échanges plus fluides, en boostant les investissements d’avenir et en consolidant l’économie et les sociétés du sud de la Méditerranée, dont la Tunisie ».
« Nous aspirons à concrétiser des actions concrètes susceptibles de faire changer, vers le bien, la vie du peuple tunisien (…) La Tunisie a un rôle majeur dans le cadre du nouvel agenda de l’UE pour la région », a commenté le responsable européen.
Il a, par ailleurs, révélé l’intention d’allouer une deuxième enveloppe de 100 millions d’euros au service des reformes liées audit Agenda, une enveloppe « qu’on pourrait dépenser d’ici la fin du mois d’avril ». A la lumière du développement des négociations avec le FMI, a encore annoncé le commissaire européen, une autre enveloppe de 300 millions d’euros serait mobilisée sous forme de soutien macro-financier et 200 millions d’euros pour faire face à la flambée des prix du blé, des céréales et des huiles pour cuisiner. D’après lui, la Tunisie ainsi que tous les pays du Maghreb pourraient bénéficier de ces fonds.