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Disparition de J. Delors : Le plus européen des Français quitte la scène

Jacques Delors, ancien président de la Commission européenne, est mort mercredi à l'âge de 98 ans. Cet homme politique atypique, qui a quitté l’arène française en 1984 après avoir été ministre de l’Économie sous la présidence de François Mitterrand, a marqué la mémoire des Français, de gauche comme de droite.
Disparition de J. Delors : Le plus européen des Français quitte la scène

Jacques Delors n’a été que trois ans ministre de l’Économie et des Finances, entre mai 1981 et juillet 1984. Pourtant, ce social-démocrate a probablement plus influencé la politique économique de la France actuelle que nombre de ministres aux multiples portefeuilles. En 2011 encore, il était désigné par un panel de Français comme ayant été le meilleur grand argentier des trois précédentes décennies.

Dans le paysage politique français du XXe siècle, le père de Martine Aubry, ex-ministre du Travail, occupe une place à part. Il aurait pu, croient les Français en 1995, être président de la République, il était en tout cas donné favori contre Jacques Chirac. Mais sa position marginale au sein de la gauche l’a fait renoncer à se présenter à la présidentielle parce qu’il ne pensait pas pouvoir former une majorité pour mener sa politique. En 1983, c’est bien lui qui a soumis le pays à la rigueur. A l’époque, J. Delors vient siffler la fin des mesures sociales généreuses pour lesquelles F. Mitterrand a été élu. Les prix et les salaires sont bloqués. Exit la politique trentenaire d’indexation des salaires sur les prix, place au plan de rigueur et à l’ouverture libérale. L’inflation comme le déficit commercial sont divisés par trois en trois ans. Les milieux d’affaires s’en réjouissent, mais la classe populaire se sent flouée.

Né le 20 juillet 1925, Jacques Delors fait ses premières armes, comme son père, à la Banque de France, en 1945, où il poursuit des études tout en travaillant. Catholique pratiquant, il confie à son biographe Gabriel Milesi, avoir hésité à devenir prêtre « au point d’en perdre le sommeil ». Il s’engage dans le syndicalisme à la Confédération française des travailleurs chrétiens qui le propulse au Conseil économique et social puis au Commissariat général du plan.

Le syndicalisme, avec la construction européenne, sera la grande affaire de sa vie. Très réservé, peu porté sur la nostalgie, il s’était quand même laissé aller en 1994 à évoquer une ombre de regret : « Si j’avais 35 ou 40 ans (il en a 69), je me consacrerais à une seule chose : l’unité syndicale », avait-il consenti à dire. Il y voyait le garde-fou indispensable contre la toute-puissance de la politique monétaire.

Son premier contact direct avec le monde politique a lieu en 1969 : il intègre le cabinet de Jacques Chaban-Delmas,  nouveau Premier ministre. Lui, l’homme de gauche, s’engage à droite. Pour beaucoup de ses amis, c’est une trahison. « Il fallait choisir entre une certaine fidélité à ce que je suis et l’efficacité », se justifie-t-il. Quarante ans après, J. Delors aimait se rappeler avoir largement inspiré la loi de 1971 sur la formation permanente. En 1973, en désaccord avec le gouvernement, il le quitte pour enseigner à l’université (1974-79).

J. Delors adhère au Parti socialiste en 1974, après un passage éclair d’un mois au Parti socialiste unifié présidé par Michel Rocard. Il est élu député européen en 1979 et préside la Commission économique et monétaire jusqu’en mai 1981. Aux municipales de 1983, il est élu maire de Clichy, en banlieue parisienne, un mandat auquel il devra renoncer en 1985 pour incompatibilité avec la présidence européenne.

Jusqu’en décembre 1994, J. Delors assure trois mandats en tant que président de la Commission européenne. Il a rang de chef d’Etat et son attachement à la négociation et au compromis estimable, acquis dans le syndicalisme, s’applique ici à grande échelle.

Son long passage à la tête de l’Europe a été marqué par l’élargissement de l’Europe communautaire, l’adoption de l’Acte unique européen, la réforme de la politique agricole commune (PAC, associée à la création du Programme européen d’aide aux plus démunis), la signature des accords de Schengen  et du Traité de Maastricht en 1992.

L’Europe demeurera pour J. Delors la clé de toutes les batailles. Bien que retiré de la vie politique depuis 1995, il intervient régulièrement, notamment via Notre Europe-Institut Jacques Delors, groupe de réflexion qu’il a fondé en 1996. En 2010, il rejoint le Groupe Spinelli qui rassemble au Parlement européen d’une manière informelle les élus favorables au fédéralisme au sein de l’Union européenne.

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