Rédigée par les 13 associations membres du Conseil civil, la note estime que «la création d’une infraction pénale relative à la violation de l’état d’urgence sanitaire a particulièrement affecté la situation de certains groupes de personnes, notamment les personnes étrangères et celles usagères de drogue». Ces deux profils se sont particulièrement confrontés à des situations jugées comme infraction, alors qu’elles ne sont pas en mesure de respecter certaines mesures de confinement de par leur situation personnelle. «Ils requéraient une protection renforcée, voire un accompagnement médical et sanitaire spécifique», ont indiqué les auteurs de la note.
Au tout début de la période de crise sanitaire, beaucoup d’étranger ont ainsi été arrêtés ou détenus «sous couvert de l’état d’urgence sanitaire et en dehors de tout cadre juridique, ne permettant ainsi aucun moyen de recours». Pour le Conseil, «ces pratiques ne datent pas de la pandémie et étaient déjà mises en œuvre par les autorités, notamment dans le cadre de la lutte contre les migrations irrégulières et du contrôle des frontières».
Avec l’état d’urgence sanitaire, de nouvelles mesures ont «permis de justifier autrement des pratiques anciennes appliquées aux personnes étrangères considérées comme de potentielles candidates à l’émigration irrégulière en suivant le même modus operandi», a noté le collectif.
Citant des témoignages recueillis entre mars et décembre 2020, le Conseil civil a indiqué que «490 personnes étrangères, majoritairement ressortissantes d’Afrique de l’Ouest et centrale, ont été arrêtées, principalement dans les villes de Tanger, Laâyoune, Rabat, Dakhla et Nador». Parmi eux, 50 sont des mineurs et 26 sont des femmes, dont deux enceintes. 283 de ces 490 disent que leur arrestation a été justifiée par la violation de l’état d’urgence sanitaire.
Le Collectif ajoute qu’à la suite de leur arrestation, «311 personnes ont été privées de liberté dans des lieux/centres relevant de différents ministères au sein des villes de Laâyoune, Rabat, Assilah et Bir Guendouz». «L’enfermement était principalement justifié par la nécessité de les protéger contre la pandémie, mais n’était encadré par aucune procédure légale d’après les personnes interviewées qui n’avaient été informées d’aucune décision», a-t-il ajouté. 211 parmi eux ont été soumis au test PCR, alors que les conditions sanitaires de leur enfermement n’a pas permis ni de prévenir de la propagation du virus, ni de maintenir des conditions sanitaires minimales.
À ces arrestations s’est ajouté la difficulté de l’accès à l’information, notamment au sujet des mesures adoptées par le gouvernement ou par les agents d’autorité (walis et gouverneurs). «La question de la langue était déjà un premier frein, car les documents sources étaient, dans un premier temps, majoritairement accessibles en arabe uniquement, notamment le site officiel d’information sur la situation de la Covid-19», a noté le collectif. «Après la publication des premiers textes juridiques encadrant l’état d’urgence sanitaire et son application, il est devenu de plus en plus difficile d’obtenir l’information sur les nouvelles mesures prises et d’en trouver les sources qui n’étaient pas communiquées au grand public», a-t-il encore ajouté. Dans ce sens, la note explique que le prolongement de l’état d’urgence sanitaire «n’était communiqué que par voie de presse».
D’autres décisions ont été prises d’un territoire à un autre, sans que les riverains en situation de vulnérabilité n’en soient informés avant leur relai par la presse ou lors d’un contrôle de la police. Par ailleurs, «la communication en langue des signes n’a pas non plus été prise en compte dès le début de la crise, et aucune autre forme d’adaptation n’était prévue pour faciliter l’accessibilité de l’information pour les personnes non ou malvoyantes (retranscription en braille, supports multimédias adaptés, utilisation de gros caractères, etc.)», a ajouté la note.
Selon la même source, ceci a «renforcé des discriminations déjà existantes et contribué à accentuer l’isolement de ces groupes».
Selon le Conseil, «l’irrégularité du séjour de certaines personnes étrangères a également constitué un obstacle important pour faire entériner le document par les autorités, soit que ces personnes ne pouvaient présenter certains documents exigés, que la demande leur soit refusée en raison de leur situation administrative ou qu’elles ne se soient pas présentées aux autorités par crainte d’être arrêtées». De ce fait, beaucoup se sont trouvés «dans l’impossibilité de demander, ou d’accéder à ce document, engendrant ainsi des difficultés, voire une impossibilité de sortir pour se réapprovisionner ou avoir accès aux services de base, notamment de santé».
Par ailleurs, les organisations membres disent avoir été fortement sollicitées pour des demandes d’aides matérielles et financières, ou de soutien pour accéder aux programmes étatiques d’aide socio-économique pour atténuer les effets de la crise sanitaire, particulièrement pendant le confinement. «L’impact de cette crise économique liée à la Covid-19 ne s’est pas arrêté à la période de confinement, mais s’est poursuivie jusqu’à la fin de l’année 2020, sans montrer de signes d’amélioration en 2021», a rappelé le conseil. Celui-ci note «une paupérisation de groupes de personnes qui se trouvaient déjà en situation de précarité, voire de vulnérabilité avant la Covid-19».
Dans ce sens, le conseil rappelle avoir alerté, dès 2020, sur «le besoin d’attention particulière et adaptée pour permettre de limiter l’impact de la crise et de faciliter un accès équitable aux programmes de soutien de l’État».