Les investisseurs occidentaux vont-ils se presser au portillon des guichets pour accompagner le Maroc dans le développement de ses provinces méridionales ? La question mérite d’être soulevée à la lumière des dispositions affichées aussi bien par les Américains que par les Français. La preuve, le Département d’Etat américain s’engage à accompagner financièrement des projets visant « à favoriser une croissance économique inclusive à Dakhla et Laayoune ». « Un financement pouvant atteindre 500 000 dollars est désormais ouvert aux propositions », indique l’ambassade des Etats-Unis au Maroc sur les réseaux sociaux. « Les candidats éligibles incluent les organisations américaines ou étrangères : les organisations à but non lucratif ; organisations à but lucratif ; établissements privés d’enseignement supérieur ; organisations internationales publiques ; et/ou petites entreprises ayant une fonction et une expérience régionale dans les domaines de l’éducation et du développement humain dans la région MENA », ajoute la même source. Dans son communiqué, la diplomatie US a évité de situer géographiquement Laayoune et Dakhla.
C’est dans le sillage de la rencontre du 22 novembre 2013 à Washington, entre le roi Mohammed VI et l’ancien président Barack Obama, que les Etats-Unis avaient décidé d’intégrer le Sahara dans l’aide financière accordée au Maroc. Une mesure destinée « à l’amélioration des conditions de vie des populations du Sahara et à travailler ensemble pour poursuivre la protection et la promotion des Droits de l’Homme dans la région », avait souligné le communiqué final publié à l’issue des entretiens entre les deux chefs d’Etat. En 2015, le Congrès avait donné son feu vert à cette décision.
La France cherche aussi à placer ses billes dans les projets lancés par le Maroc au Sahara. « Le Quai d’Orsay encourage désormais les groupes français à placer leurs pions » dans la province, précise Africa Intelligence. Paris ne souhaite pas laisser le terrain à l’Espagne, l’Allemagne ou encore les Etats-Unis.
Stéphane Séjourné, chef de la diplomatie française, avait affirmé, le 26 février à Rabat, la disposition de son gouvernement à « accompagner le Maroc dans le développement » du Sahara. « Le Maroc a beaucoup investi dans les projets de développement au bénéfice des populations locales et en matière de formation, d’énergies renouvelables, de tourisme, d’économie bleue liées aux ressources aquatiques », avait-il reconnu devant les médias à l’issue de sa réunion avec Nasser Bourita, son homologue marocain,.
Ces révélations faites par Africa Intelligence ne sont pas passées inaperçues en Algérie. « Cela serait synonyme de soutien franc et direct de la France à l’occupation colonialiste et illégale par le Maroc de ces territoires non-autonomes. Au plan diplomatique et géostratégique, les évènements s’accélèrent à une vitesse pour le moins inattendue », a souligné hier un média algérien. Ces inquiétudes tranchent nettement avec le satisfécit exprimé par les mêmes médias à l’issue du déplacement du chef de la diplomatie française au Maroc. La presse algérienne se félicitait que la visite de S. Séjourné au Maroc ne s’était pas conclue par la reconnaissance de la marocanité du Sahara.
La publication par Africa Intelligence de cette instruction donnée par Paris aux entreprises françaises a été précédée par l’annonce, par le même média, de l’arrivée au royaume, le 4 avril, de Franck Riester, ministre délégué français chargé du Commerce extérieur. A Rabat, il aura notamment des entretiens séparés avec Ryad Mezzour, ministre de l’Industrie et du Commerce et Mohcine Jazouli, ministre délégué chargé de l’Investissement, de la Convergence et de l’Evaluation des politiques publiques. Ce déplacement, de deux jours, est un signal de plus attestant du réchauffement des relations entre Rabat et Paris. L’octroi de projets structurants au Sahara à des groupes français pourrait être au menu de cette visite.
La présence économique française au Sahara à une longueur d’avance sur d’autres pays occidentaux. En effet, la Chambre française de commerce et d’industrie au Maroc (CFCIM) compte des délégations régionales dans les trois régions du Sahara : Laayoune – Sakia El Hamra, Dakhla – Oued Eddahab, et Guelmim – Oued Noun ; inaugurées respectivement en 2017, 2019 et en février 2024. Il ne manque que la présence politique et diplomatique dans la province. Un mois après la reconnaissance des Etats-Unis de la marocanité du Sahara, actée le 10 décembre 2020 par l’ancien président Donald Trump, une délégation de la CFCIM s’était rendue à Dakhla.
Pour rappel, 94 parlementaires français avaient mis en lumière dans une tribune collective publiée en août 2023, « les atermoiements français sur le Sahara et la politique d’équilibriste du Quai d’Orsay avec l’Algérie, [qui] poussent le Palais royal à chercher ailleurs qu’à Paris des partenaires militaires ou économiques ».