A.-ul-Haq Kakar, 52 ans, originaire de la province du Baloutchistan (sud-ouest), a été choisi par le gouvernement de coalition sortant pour diriger le pays en proie à une crise politique. « Nous avons d’abord convenu que quel que soit le Premier ministre, il devrait être issu d’une plus petite province, de manière à ce que les revendications des plus petites provinces soient traitées », a déclaré samedi Raja Riaz Ahmad, chef de l’opposition pakistanaise, à l’issue d’une réunion avec Shehbaz Sharif, Premier ministre sortant.
Le Premier ministre par intérim devra diriger le Pakistan jusqu’aux prochaines élections générales et provinciales, prévues en novembre. Certains responsables ont néanmoins d’ores et déjà annoncé qu’elles seraient reportées à l’année prochaine.
Le climat politique est particulièrement tendu au Pakistan depuis qu’I. Khan a été chassé du pouvoir et a mené une campagne sans précédent contre la puissante institution militaire. L’ancien chef du gouvernement a été condamné pour corruption à trois ans de prison et incarcéré. I. Khan, qui n’a pas le droit de se présenter aux élections pendant cinq ans, a fait appel de sa peine et de sa condamnation.
A.Kakar « a une carrière politique limitée et ne pèse pas lourd dans la politique pakistanaise », a souligné à l’AFP l’analyste politique Hasan Askari Rizvi. « Cela peut être un avantage, car il n’a pas d’affiliation forte avec les principaux partis politiques », mais « l’inconvénient », selon l’analyste, « c’est qu’il pourrait avoir du mal à faire face aux problèmes auxquels il sera confronté, sans le soutien actif de l’establishment militaire ».
Ces derniers mois, les autorités ont sévèrement réprimé le parti de l’ancienne star du cricket, le Pakistan Tehreek-e-Insaf (PTI). Des heurts meurtriers avaient éclaté en mai entre ses partisans manifestant par milliers dans la rue et les forces de l’ordre. La quasi-totalité des dirigeants du PTI avaient été arrêtés ou contraints de se cacher.
En ayant suivi des cours à l’université de la Défense nationale, anciennement l’école de guerre de l’armée, le nouveau Premier ministre par intérim serait proche de l’institution militaire, selon l’analyste Ayesha Sidiqqa. « Il semble que l’establishment ait frappé un coup et trouvé quelqu’un qui veillera à ses intérêts plutôt qu’à ceux des politiciens », a-t-elle estimé.
Mercredi 9 août, le parlement a été dissout et des élections doivent être organisées dans les 90 jours, conformément à la Constitution.
Mais la diffusion le week-end dernier des données du dernier recensement pourrait les repousser : le gouvernement a indiqué que la Commission électorale avait besoin de temps pour redessiner les limites des circonscriptions électorales, même si la Commission électorale n’a pas fait de commentaire directement à ce propos. Interrogé à la télévision pour savoir si un vote aurait lieu cette année, Rana Sanaullah, ministre de l’Intérieur, a répondu « non ». Le mois dernier, le Parlement a adopté à la hâte une loi donnant au gouvernement intérimaire plus de pouvoir pour négocier avec des organismes internationaux tels que le Fonds monétaire international (FMI). Cet indice supplémentaire laisse présager qu’il pourrait rester en place pendant un certain temps. Certains analystes pensent que ce délai pourrait donner du temps aux principaux partenaires de la coalition, à savoir la Pakistan Muslim League-Nawaz (PML-N) et le Pakistan Peoples Party (PPP), pour affûter une stratégie contre le parti d’Imran Khan.
Les États-Unis ont fait savoir mercredi qu’ils suivaient avec inquiétude la situation au Pakistan, craignant que des violences puissent éclater à l’approche des élections.
Au Pakistan, derrière toute élection se cache l’armée, qui a organisé et réussi au moins trois coups d’État depuis que le pays a été forgé en 1947, lors de la partition de l’Inde. I. Khan a bénéficié d’un véritable soutien populaire lorsqu’il est arrivé au pouvoir en 2018, mais les analystes estiment que ce n’était qu’avec la bénédiction des puissants généraux du pays, avec lesquels le charme a fini par être rompu.