Cette prise de position a été exprimée lors de son intervention à la récente réunion de la Commission de la justice, de la législation et des droits de l’homme, consacrée à la discussion générale du projet de loi n° 03.23 relatif à la procédure pénale.
A.Bouanou a rappelé que « restreindre le droit des associations de la société civile de poursuivre en justice dans le cadre de la lutte contre la corruption et de la protection des finances publiques contrevient aux dispositions de l’article 12 de la Constitution ». Ceci est d’autant plus vrai que les conventions internationales de lutte contre la corruption reconnaissent le rôle crucial de la société civile dans ce domaine. Aux yeux de l’élu, les éventuels problèmes pouvant survenir lors de l’exercice de ce droit peuvent être gérés sans pour autant le restreindre, en précisant que l’appréciation finale de la gravité des plaintes revient aux procureurs du Roi.
A. Bouanou a mis en garde contre les lacunes présentes dans le projet de loi sur la procédure pénale, estimant qu’elles pourraient entraîner une hausse des détentions préventives. Selon lui, le pouvoir de qualification juridique doit rester encadré et limité pour éviter tout abus. Il a également plaidé pour le renforcement de l’indépendance du pouvoir judiciaire, rejetant toute tentative de réduction du rôle du ministère public dans les affaires de corruption, et a exhorté les législateurs à tenir compte des dispositions constitutionnelles lors de l’élaboration des lois en matière de procédure pénale.
En outre, A. Bouanou a critiqué le retrait « incompréhensible » par le gouvernement de plusieurs projets de lois liés à la lutte contre la corruption. Parmi eux figurent le projet de code pénal contenant des dispositions sur l’enrichissement illicite, le projet de loi sur l’occupation du domaine public maritime, le projet de loi sur les mines ainsi que celui relatif à la couverture médicale des parents. Il a aussi fait état du retrait de lois relatives à la lutte contre la corruption, le gel de la stratégie nationale de lutte contre la corruption ainsi que les soupçons entourant le marché de dessalement d’eau de mer à Casablanca et les contrats relatifs au fioul et au gaz naturel.
Mohamed Bachir Rachdi, président de l’Instance nationale de la probité, de la prévention et de la lutte contre la corruption (INPPLC) a pris position sur les déclarations du ministre de la Justice. Celui-ci a menacé les associations marocaines, y compris celles engagées dans la défense des deniers publics, d’un contrôle approfondi pour « connaître l’origine des villas et des voitures de luxe détenues par certaines organisations de la société civile ». L’Instance a estimé que « si le ministère dispose de données sérieuses sur des cas de corruption dans les finances des associations, il peut les soumettre à l’autorité judiciaire compétente ». M-B. Rachdi a souligné que « les associations sont un élément fondamental de la société et doivent être traitées sur un pied d’égalité ». Il a rappelé l’existence « d’associations intègres qui soutiennent la lutte contre la corruption, ainsi que d’organisations crédibles œuvrant dans divers domaines, tout en reconnaissant la possibilité de l’existence d’autres associations en dehors de ce cadre ». Et de préciser : « Nous avons au Maroc plus de 150.000 associations, et il est naturel qu’il y ait des différences dans leurs modes de fonctionnement ».
En commission parlementaire, le ministre avait estimé « qu’il est impératif de connaître les sources de financement des associations possédant des villas et des voitures de luxe, et d’appliquer à leur encontre le principe de l’enrichissement illicite ». En réponse, M-B. Rachdi a affirmé que « l’enrichissement illicite ne peut pas s’appliquer uniquement aux associations, mais à toute personne exploitant des fonds publics à des fins personnelles et illégales ». Il a ajouté que « le ministre de la Justice dispose des prérogatives nécessaires pour agir sur les dossiers qui présentent des irrégularités ». Il a, par ailleurs, insisté sur la nécessité d’adopter une approche globale dans la lutte contre la corruption, sans cibler une catégorie spécifique. « La lutte contre la corruption exige une vision d’ensemble et ne peut se limiter à un groupe particulier, qu’il s’agisse des associations ou de toute autre entité institutionnelle ou sociale », a-t-il affirmé au micro du confrère Hespress. Il a également rappelé que « tout dossier comportant de sérieux soupçons doit être pris en charge par le gouvernement ou toute autre instance compétente, conformément à ses responsabilités ».