L’escale en Russie succède au séjour de la délégation africaine à Kiev. Les quatre chefs d’État rencontreront Vladimir Poutine lors du Forum économique de la ville organisé sous haute surveillance. Les mesures de sécurité y sont qualifiées par le porte-parole du Kremlin de « sans précédent ». C’est que la Russie a été la cible ces dernières semaines de nombreuses attaques de drones, y compris sur le Kremlin, d’une incursion armée et d’explosions imputées par Moscou aux forces de Kiev.
En pleine contre-offensive ukrainienne, la Russie s’inscrit toujours dans l’affrontement pour les prochains mois, au moins. V. Poutine a encore assuré qu’en cas de livraison d’avions de chasse américains F-16, ils seraient « brulés », comme l’ont été les chars et blindés occidentaux poussés dans la contre-offensive ukrainienne de ces derniers jours. Il a précisé aussi le calendrier de déploiement d’ogives nucléaires russes en Biélorussie d’ici à la fin de l’année.
Sur le papier, la Russie accueille pourtant cette médiation avec bienveillance. « Le système international néocolonial a cessé d’exister », disait encore ce vendredi V. Poutine. A signaler aussi que Saint-Pétersbourg accueillera le sommet Russie-Afrique. Au-delà de l’affiche d’un climat de concorde, il y a entre la Russie et l’Afrique la question de l’accord d’Istanbul sur les céréales. Le Kremlin est loin d’être satisfait. Sergueï Lavrov, chef de la diplomatie russe, déclarait vendredi, encore à un média national : « Comment peut-on prolonger ce qui ne fonctionne pas ? »
A rappeler que la délégation africaine n’a pas obtenu d’avancées pour la paix vendredi, à Kiev. Lors de la conférence de presse dans l’enceinte ultra-sécurisée du palais présidentiel, M. Sall président sénégalais a résumé simplement l’objectif de cette première visite. « Nous sommes venus surtout écouter et nous avons entendu le président Zelensky. Et demain, nous irons à Saint-Pétersbourg rencontrer le président Poutine, l’écouter également et discuter avec lui », a déclaré le président sénégalais. Il n’y a pas de plan de paix caché. La délégation africaine avait quand même un message, délivré par C. Ramaphosa, président sud-africain. « Il doit y avoir une désescalade des deux côtés » pour régler les problèmes. « Aujourd’hui, on a eu une vraie et solide discussion, a assuré le président sud-africain. Si vous aviez pu jeter une oreille dans la pièce, vous auriez entendu tous les enjeux sur lesquels on a échangé, et à quel point on est allé dans le détail et en profondeur. On a parlé de beaucoup de sujets, honnêtement. Et on espère avoir la même conversation avec le président Poutine. On remercie le président Zelensky pour son ouverture d’esprit qui nous permettrait de poursuivre cette initiative. Nous, leaders africains, nous sommes prêts à le faire. »
Au-delà des mots, C. Ramaphosa aura tout fait pour garder ses distances avec le président ukrainien. Il a par exemple refusé de condamner les exactions russes commises dans la ville de Boutcha, où il s’est pourtant rendu le matin même. « On a vu ce qu’il s’est passé là-bas, a-t-il déclaré. On m’a dit qu’il y avait une enquête en cours. Je pense que cette procédure doit se poursuivre. »
Les présidents africains ont écouté, mais eux n’ont, semble-t-il, pas vraiment été entendus. Si le président ukrainien salue leur démarche, il a refusé un cessez-le-feu maintenant ou même des pourparlers. « Aujourd’hui, j’ai clairement dit pendant notre rencontre que permettre toute négociation avec la Russie maintenant, quand l’occupant est sur notre terre, signifie geler la guerre, geler la douleur et la souffrance, a ajouté Volodymyr Zelensky. La Russie en profitera pour devenir plus puissante, s’armer encore plus et agresser encore plus l’Ukraine. »
Nous reviendrons, assure Azali Assoumani, président comorien et chef de l’Union africaine, pas découragé par l’état d’esprit de son homologue ukrainien. Ni par les missiles lancés dans la matinée par la Russie sur Kiev, qui a forcé la délégation africaine à filer vers un bunker. Preuve pour V. Zelensky que V. Poutine n’a aucune envie de faire un geste pour la paix.
Le déroulement de la visite a donc aussi été chaotique. Cela a commencé à Varsovie avec un incident diplomatique. Des membres de la sécurité du président sud-africain qui devaient l’accompagner en Ukraine ont été retenus à leur arrivée à l’aéroport. Le chef de l’équipe de sécurité a accusé les autorités polonaises de « racisme ».