« Les systèmes de défense aérienne ont détruit 19 drones ukrainiens au-dessus de la mer Noire et du territoire de la République de Crimée », a écrit vers 02H15 locales le ministère (23H15 GMT) sur Telegram, ajoutant que trois engins supplémentaires avaient été abattus dans les régions de Koursk, Belgorod (sud-ouest) et Orel (ouest), portant à 22 le total d’appareils.
Le 25 août, la même source avait affirmé que la Russie avait abattu 42 drones ukrainiens en Crimée, péninsule annexée par Moscou en 2014.
Dans la nuit du 13 au 14 septembre, la Russie a dit avoir détruit en mer Noire cinq drones de l’Ukraine, cette fois navals, alors qu’ils tentaient d’attaquer le patrouilleur Sergueï Kotov.
Et mercredi, les autorités locales ont indiqué avoir déjoué d’autres frappes de Kiev ayant visé Sébastopol, grand port sur la mer Noire utilisé par la flotte russe.
Mikhail Razvojaïev, gouverneur de Sébastopol a déclaré jeudi sur Telegram que les informations selon lesquelles des drones auraient été détruits dans la zone de la ville étaient inexactes. « Oui, la défense aérienne fonctionne, mais dans la zone de Crimée » administrée séparément de Sébastopol, a-t-il assuré, rapporte l’AFP.
Les assauts ukrainiens contre le territoire russe se multiplient ces derniers mois sur fond d’une contre-offensive entamée par Kiev début juin. La Crimée est régulièrement ciblée, tout comme les régions russes frontalières de l’Ukraine et Moscou.
Plus de 18 mois après le début de l’opération russe, Volodymyr Zelensky craint la lassitude des opinions publiques en Europe et aux Etats-Unis. La contre-offensive ukrainienne se heurte aux redoutables lignes de défense russes. L’espoir d’une percée rapide ne résiste ni à l’analyse, ni aux faits. Le soutien occidental devra donc durer.
« Il est très probable que la Russie va prendre le temps de creuser plus encore, de construire de nouvelles fortifications et de se préparer pour le printemps », a ainsi déclaré au site The Insider Marco Grosberg, patron du renseignement estonien.
« Il est clair, même pour les soutiens les plus exubérants de l’Ukraine, que c’est une guerre susceptible de se poursuivre en 2024 et peut-être même 2025 », confirme Mick Ryan, général australien à la retraite. « Même si l’Ukraine est dans une meilleure posture stratégique aujourd’hui qu’en décembre 2022, la perception du succès (et de l’échec) à Washington et dans les autres capitales occidentales est toute aussi vitale », devait-il ajouter.
Après avoir plaidé sa cause devant l’ONU à New York, Zelensky est arrivé à Washington jeudi pour prévenir un affaiblissement du soutien américain, notamment en cas de victoire républicaine à la présidentielle de 2024. Au Congrès, « depuis un an, plusieurs groupes d’intérêts ont plaidé pour la réduction ou l’arrêt de l’assistance » à Kiev, arguant des tensions avec la Chine et brandissant la tentation isolationniste, selon M. Ryan.
Le tête-à-tête entre le président ukrainien et Kevin McCarthy, patron républicain de la Chambre des représentants, s’annonce difficile. « J’ai des questions pour lui. Peut-il rendre des comptes sur l’argent que nous avons déjà dépensé ? Quelle est la stratégie pour la victoire ? », a lancé K. McCarthy mardi.
« Une diplomatie publique intelligente peut aider » auprès des Républicains, « mais elle a des limites », explique à l’AFP Ivan Klyszcz, du Centre international pour la défense et la sécurité (ICDS), en Estonie. « La tendance vers une dépendance accrue à l’Europe va continuer ». Or, ce dossier-là se complique aussi. A commencer par les tensions avec la Pologne, par laquelle transite l’aide militaire occidentale.
Mercredi, Varsovie avait convoqué « d’urgence » l’ambassadeur d’Ukraine. Elle protestait contre des propos de V. Zelensky à l’ONU selon lequel « certains pays feignent la solidarité en soutenant indirectement la Russie ». Mais pour Ivan Klyszcz, « ces épisodes de défiance mutuelle n’ont pas altéré le cours global des choses » entre les deux pays. « Kiev regarde la Pologne comme un partenaire essentiel et Varsovie veut éviter une défaite ukrainienne », ajoute-t-il.
Depuis février 2022, les voisins de Kiev sont incontournables pour le transit des céréales ukrainiennes vers l’Afrique et le Moyen-Orient et ont fait face à un afflux de grains suite à la levée des droits de douane de l’UE. Devant la saturation des silos et l’effondrement des prix locaux, plusieurs d’entre eux avaient au printemps décrété un embargo unilatéral. Bruxelles avait ensuite approuvé les restrictions, à titre temporaire. Mais la Commission vient de décider de ne pas renouveler l’accord, provoquant la colère des pays concernés.
En représailles, l’Ukraine a annoncé lundi une plainte devant l’Organisation mondiale du commerce (OMC) contre les trois pays ayant prolongé l’embargo : Pologne, Slovaquie et Hongrie.
Simultanément, le camp se renforce parmi ceux qui prônent l’ouverture de négociations avec Moscou. En août, Stian Jenssen, directeur de cabinet de Jens Stoltenberg, chef de l’Otan, avait laissé entendre que l’Ukraine pourrait céder du territoire contre une adhésion à l’Otan. « C’est aux Ukrainiens et seulement aux Ukrainiens de décider (…) ce qui est une solution acceptable », avait rectifié J. Stoltenberg.
Les analystes soulignent que chaque polémique en Occident sert les intérêts du président russe qui juge que le temps joue en sa faveur dans cette guerre d’usure.
« Peut-être qu’une meilleure communication avec Kiev (portes fermées) aurait pu éviter de tels gros titres », tweetait jeudi Theresa Fallon, directrice du CREAS, un think-tank basé à Bruxelles, en commentant la crise avec Varsovie. « Pas de doute que la propagande russe en fera des tonnes ».