S.F. Fontenla a déclaré au quotidien El Independiente que la priorité pour Sebta et Melilla est de renforcer leur « capacité de dissuasion ». en d’autres termes, devait-il préciser, cela exige « la détermination politique de les défendre et la préparation à utiliser la force militaire pour préserver l’intégrité territoriale et la souveraineté nationale ».
Aux yeux de cet ancien haut gradé espagnol qui exprime tout haut ce que d’autres expriment mezzo voce, pour assurer le facteur dissuasion, les deux Présides devraient disposer « d’au moins trois bataillons d’infanterie spécialisés dans la guerre urbaine, ainsi qu’une force de soutien capable d’intervenir rapidement depuis le continent ».
A l’instar de nombre de sécuritaires qui entendent perpétuer l’occupation espagnole des deux enclaves, S.F. Fontenla a pointé du doigt le Maroc comme la principale menace, évoquant les revendications « officielles et publiques » de Rabat sur ces territoires, qu’il considère comme « une menace directe pour l’intégrité territoriale espagnole ». Il a rappelé que le Maroc « ne lance pas de menaces en l’air » et a déjà démontré sa volonté d’utiliser la force militaire pour revendiquer des territoires, citant les exemples d’Ifni et du Sahara.
Interrogé sur l’impact du changement de position du gouvernement espagnol concernant le Sahara sur la sécurité des Présides, l’ancien général a répondu que ces concessions, « ne sont qu’un signe de faiblesse, que le Maroc interprète parfaitement ». Et de marteler que « la faiblesse est incompatible avec la dissuasion, et si elle atteint un certain seuil, elle peut inciter à l’agression, car l’agresseur potentiel ne redouterait aucune conséquence.»
Il a exprimé sa conviction que « ni l’OTAN ni l’Union européenne ne nous défendront en cas d’attaque contre Sebta et Melilla. Nous devons être capables de nous défendre par nous-mêmes. Et si le Maroc estime que les conditions sont réunies pour récupérer ces deux villes, ses alliés traditionnels, à savoir les États-Unis et la France, le soutiendront ».
Ces déclarations ont été répercutées par El Independiente à la veille du déplacement de Fernando Grande-Marlaska, ministre espagnol l’Intérieur, à Melilla. Il est attendu mercredi pour visiter les nouvelles installations de la « frontière intelligente » au poste terrestre de Beni Ansar. Le ministère espagnol de l’Intérieur a annoncé, rapporte EFE, que F. Grande-Marlaska arrivera à 11h30 pour découvrir le système technologique « d’entrée/sortie », conçu pour automatiser le contrôle des passages frontaliers grâce à des technologies de surveillance biométrique. Ce dispositif vise à renforcer la sécurité et à fluidifier le passage aux frontières. D’après les chiffres de la Police nationale datant d’octobre dernier, plus de quatre millions de personnes et 760 000 véhicules ont traversé ce point au cours de l’année écoulée.
Parmi les fonctionnalités de ce système à la « frontière intelligente » de Melilla figurent la lutte contre le vol d’identité et l’utilisation frauduleuse de documents de voyage, la prévention de l’entrée de personnes ne remplissant pas les conditions requises, ainsi que l’identification des individus dépassant la durée de séjour autorisée. Le système contribue également à la prévention, la détection et l’enquête sur les crimes terroristes ou autres délits graves, en fournissant des informations cruciales pour les enquêtes concernant les personnes ayant franchi les frontières extérieures de l’Union européenne.
Avant de se rendre à la frontière intelligente, le ministre tiendra une réunion de coordination opérationnelle avec des hauts responsables de la Police nationale et de la Garde civile à Melilla, ainsi qu’avec Sabrina Moh, déléguée du gouvernement. C’est la première visite du ministre à Melilla depuis le 17 avril 2023, après la tragique tentative de franchissement de la frontière le 24 juin 2022, qui avait causé la mort de 23 migrants, selon les chiffres officiels marocains.
Les médias ibériques se sont faits l’écho, dimanche, de l’appel lancé par deux partis espagnols à interdire la vente d’armes au Maroc. Les formations indépendantistes basques et catalanes, EH Bildu et la Gauche républicaine catalane (ERC), alliées du Polisario, ont exigé qu’« aucune licence d’exportation d’équipements de police et de sécurité ne soit accordée tant que toutes les allégations de crimes graves contre le droit international, comme l’usage excessif de la force, la torture et la disparition forcée de migrants par les forces de sécurité marocaines, n’auront pas fait l’objet d’une enquête approfondie et indépendante, et que les responsables ne seront pas poursuivis ».
La proposition de ces deux partis s’inscrit dans le cadre de la réforme, actuellement examinée à la Chambre des représentants, de la loi régissant le commerce extérieur des équipements de défense et de sécurité. Pour rappel, en décembre 2020, les députés catalans d’ERC avaient déjà soutenu la même demande dans une proposition de loi non contraignante pour le gouvernement.
Le gouvernement socialiste a déjà rejeté une initiative de ses alliés au sein de Sumar visant à imposer un embargo sur les ventes d’armes au Maroc. « Toutes les exportations de matériel de défense réalisées par l’Espagne respectent la législation nationale, ainsi que les réglementations européennes et internationales. Ces lois sont basées sur le respect des principes du droit international humanitaire et sur les mesures de promotion de la paix et de la sécurité internationales », avait précisé en avril 2024 José Manuel Albares, ministre des Affaires étrangères, en réponse à une question écrite des députés de la coalition d’extrême gauche.