A l’heure où des représentants des États-Unis, d’Egypte et du Qatar mènent des tractations depuis quelques jours à Doha en vue de concocter un compromis qualifié une énième fois de « final », un haut responsable américain a révélé une nouvelle proposition US pour régler le contentieux sur l’axe de Philadelphie. Dans une interview avec le Washington post, il a révélé sous le couvert de l’anonymat que le choix le plus probable est qu’une force palestinienne qui serait formée et entraînée par les Etats-Unis pourrait être chargée de sécuriser le check-point de Rafah lequel serait aussi surveillé par l’Union européenne.
Pour les neuf responsables actuels et ex-responsables qui ont participé aux tractations de cessez-le-feu dans la bande de Gaza et ont été interrogés par le WP, la principale pomme de discorde qui entrave la conclusion d’un accord est sans doute la revendication du gouvernement israélien de maintenir des forces israéliennes dans l’axe de Philadelphie.
De hauts responsables américains de l’actuel administration estiment que si le Hamas et Israël refusent « cette dernière proposition », ceci pourrait sonner la fin des négociations conduites par Washington.
Selon le WP, l’Union européenne a exprimé sa disposition à reprendre son rôle de contrôle du passage en collaboration avec l’Autorité palestinienne, ce qui a été accueilli favorablement par le Caire, d’après un ex-responsable égyptien. Les Egyptiens avaient catégoriquement refusé la présence israélienne sur l’axe de Philadelphie et le passage de Rafah. Reste à savoir si le Premier ministre israélien accepte cette proposition alors que rien encore ne le dissuade de rester au sud de l’enclave palestinienne. Aucune réaction sur la nouvelle proposition US n’a été exprimée.
Soutien US persistant
En revanche, le Haaretz a évoqué une autre proposition, véhiculée récemment par David Barnea, chef du Mossad, connu pour suivre à la lettre les directives de B. Netanyahu pendant les négociations. Il a informé les médiateurs qu’Israël pourrait accepter de se retirer de l’axe de Philadelphie dans la seconde phase de la transaction négociée pour la libération des captifs. Cette proposition semble plutôt suspecte car elle va à l’encontre des déclarations faites lundi par B. Netanyahu pour se justifier devant une partie de l’opinion publique israélienne très en colère. Des centaines de milliers étaient descendus dimanche et lundi dans les rues pour réclamer un accord qui ramène les captifs auprès du Hamas, après la récupération de six d’entre eux retrouvés tués à Rafah. Ils lui ont reproché entre autres de privilégier l’axe de Philadelphie à la vie des captifs. B. Netanyahu est resté passif à leurs sollicitations. « Nous n’en partirons pas. L’importance du couloir Philadelphie est capitale – pour faire sortir les otages, pour s’assurer que le Hamas est détruit et que Gaza ne sera plus une menace pour nous », a-t-il déclaré pendant sa conférence de presse dans laquelle il a soutenu qu’il y a « un impératif stratégique » à maintenir ses troupes dans ce couloir.
La semaine passée, il avait soumis cette décision au vote du cabinet ministériel a voté pour à une écrasante majorité. Au grand dam de Yoav Gallant, ministre de la Défense, qui opte pour la priorité d’un accord afin d’obtenir la libération des détenus israéliens. Il a profité des manifestations de colère pour réclamer la suppression de ce vote. Il a obtenu le soutien de Gadi Eisenkot, ex-ministre sans portefeuille du cabinet restreint. Au lendemain de la conférence de presse de B. Netanyahu, il a affirmé que « la situation stratégique d’Israël ne dépend pas de l’axe de Philadelphie ». Insistant que « la conclusion d’un accord est un devoir moral et une nécessité stratégique ».
La proposition faite par D. Barnea est d’autant plus suspecte que le bureau du Premier ministre s’est abstenu de la nier et s’est contenté de signaler que le conseil des ministres n’est pas obligé de discuter de quoique ce soit concernant la deuxième phase de la transaction.
Réagissant à ces propos, un dirigeant du Hamas a affirmé que ce dernier insiste pour que le retrait des forces d’occupation de cet axe ait lieu pendant la première phase « parce qu’il n’y a pas de garantie certaine que l’on atteindra la seconde phase ».
Commentant les manœuvres de B. Netanyahu et de son gouvernement, une source au sein de la coalition au pouvoir du Premier ministre a déclaré à Haaretz que ce dernier ne veut pas qu’un accord d’échange soit conclu, et fait de son mieux pour saboter les négociations. « Aucun ministre, y compris ceux qui savent que Netanyahu sabote tout accord, ne fera quoi que ce soit », a déclaré la source de la coalition. « Ils sont pieds et poings liés, leur survie politique dépend de la survie du gouvernement, et donc cette situation va perdurer. Netanyahu poursuivra une guerre sans fin parce que c’est la solution qui lui convient. »
Plutôt que de faire pression sur B. Netanyahu, les Américains ont choisi une autre voie qui épouse les desiderata israéliens. Ainsi, la justice américaine a rendu publiques, mardi 3 septembre, des poursuites émises le 1er février devant la justice fédérale à New York visant six hauts responsables du mouvement islamiste palestinien Hamas pour des chefs d’accusation de « terrorisme », dont Yahya Sinouar, considéré par Tel-Aviv comme le cerveau du 7 octobre. Le chef politique du groupe est accusé d’avoir perpétré l’attaque qui a causé la mort d’au moins 43 Américains, détaille The New York Times.
Merrick Garland, procureur général des États-Unis, a expliqué que ces hauts responsables étaient accusés de la planification et de l’exécution de ce que les États-Unis qualifient de « campagne de terrorisme menée depuis trois décennies ». « Pendant des décennies, le Hamas et ses dirigeants se sont consacrés à l’éradication de l’État d’Israël et à assassiner quiconque – y compris des dizaines d’Américains – qui se mettait en travers de leur chemin », a déclaré ce membre de l’administration Biden, ajoutant que « plus de 40 Américains » avaient été tués le 7 octobre.
Outre Y. Sinouar et I. Haniyeh, la justice américaine poursuit Khaled Meshaal, qui réside au Qatar, Ali Baraka, installé au Liban, Marwan Issa et Mohammed Deif, dont Israël avait annoncé la mort respectivement en mars et en juillet. Le décès de ce dernier a toutefois été démenti par le Hamas. Selon les médias américains, le département de la Justice n’avait pas précédemment communiqué sur ces poursuites en vue de l’arrestation de ces hauts dirigeants. Cependant, après l’assassinat d’I. Haniyeh à Téhéran, il n’était plus nécessaire de maintenir ces poursuites « confidentielles ». Fin mai dernier, le procureur de la Cour pénale internationale (CPI) avait déposé des requêtes d’émission de mandats d’arrêts visant I. Haniyeh, Y. Sinouar et M. Deif, ainsi que B. Netanyahou, et Y. Gallant, responsables israéliens, invoquant des accusations de « crimes de guerre ». De son côté, l’Afrique du Sud a déposé une plainte devant la Cour internationale de justice (CIJ), accusant Israël de commettre « des actes de génocide contre les Palestiniens à Gaza », où plus de 40 800 Palestiniens ont été tués depuis le début du conflit, selon le dernier bilan du Hamas annoncé mercredi. Des accusations rejetées par Israël qui poursuit ses opérations militaires dans la bande de Gaza en faisant fi des ordonnances de la CIJ et en ciblant aussi la Cisjordanie.
Le ministère de la Santé de Gaza a déploré en ce 334ᵉ jour de guerre « 40 861 martyrs et 94 398 blessés ». La même source a affirmé que « l’occupation israélienne a commis 3 massacres contre des familles gazaouies, faisant 42 martyrs et 107 blessés transportés vers les hôpitaux au cours des dernières 24 heures ». la même source a ajouté qu’« un certain nombre de victimes se trouvent encore sous les décombres et sur les routes, sans possibilité de les atteindre par les ambulances et les équipes de la protection civile ». Plus, des sources palestiniennes ont fait valoir par ailleurs qu’en Cisjordanie, le nombre de martyrs suite à l’offensive israélienne s’est élevé à 33 martyrs et près de 140 blessés palestiniens depuis le mercredi passé, ce qui hausse le bilan depuis le déclenchement de la guerre le 7 octobre 2023 à 685 martyrs et 5700 blessés.
Le frein I. Ben Gvir
Itamar Ben-Gvir, ministre israélien de la Sécurité nationale, a déclaré mercredi qu’il cherchait à entraver le cessez-le-feu à Gaza et les négociations sur l’échange de prisonniers avec le Hamas. « J’agis pour mettre un terme aux négociations avec le Hamas », a-t-il déclaré sur son compte X. « Un pays dont les six otages sont assassinés de sang-froid ne négocie pas avec les meurtriers, mais arrête les négociations, cesse de leur transférer du carburant et de l’électricité et les écrase », a-t-il ajouté.
La semaine dernière, l’armée israélienne a retrouvé les corps de six prisonniers israéliens dans le sud de la Bande de Gaza. Alors que les responsables israéliens ont accusé le Hamas de les avoir tués, le mouvement de résistance palestinien a déclaré que les six prisonniers avaient été tués par les frappes aériennes que l’armée israélienne a lancées sur la Bande de Gaza.
I.Ben-Gvir a menacé à plusieurs reprises de faire tomber le gouvernement Netanyahu en cas d’accord de cessez-le-feu avec le Hamas.
Benny Gantz et Gadi Eisenkot, deux figures de l’opposition et anciens chefs d’état-major de l’armée d’occupation israélienne ont remis en cause les allégations selon lesquelles le maintien de l’armée sioniste sur l’axe de Philadelphie à Gaza était crucial pour Israël, au prix même du retour des otages, ont rapporté les médias israéliens. Lors d’une conférence de presse tenue mardi soir, ils ont vivement critiqué la gestion de la crise des otages et la stratégie militaire de B. Netanyahu.
B. Gantz n’a pas mâché ses mots, accusant Netanyahu d’avoir « systématiquement retardé la capacité à progresser vers des accords sur les otages, y compris dans le premier cadre proposé ». Le Premier ministre n’a pas regardé le public dans les yeux et dit la vérité : « Qu’il ne ramènera pas les otages chez eux, qu’il ne protégera pas vraiment la frontière sud [de Gaza], qu’il ne permettra pas aux résidents du nord de retourner dans leurs foyers, qu’il n’empêchera pas l’Iran d’obtenir une arme nucléaire ».
Au cœur de cette controverse se trouve le corridor de Philadelphie, une bande étroite le long de la frontière entre Gaza et l’Égypte. Alors que Netanyahu insiste sur l’importance cruciale de contrôler cette zone pour la sécurité d’Israël, B. Gantz a déclaré sans ambages : « Disons la vérité – l’axe de Philadelphie n’est pas la menace existentielle pour Israël. » Pour lui, « la véritable menace vient de l’Iran et de son axe », une préoccupation qu’il accuse B. Netanyahu de négliger au profit de considérations politiques à court terme.
Face à cette situation, B. Gantz et G. Eisenkot ont proposé une série d’actions qu’ils jugent nécessaires, allant du retour des otages « même à un prix élevé » à la sécurisation de la frontière sud de Gaza, en passant par le déplacement de l’effort militaire vers le nord et la formation d’alliances régionales contre l’Iran. Dans un défi direct lancé au Premier ministre, B. Gantz a déclaré : « Si Netanyahu n’est pas assez fort pour résister à la pression internationale – qu’il rende les clés et rentre chez lui. » La réponse du bureau de Netanyahu ne s’est pas faite attendre : « Ceux qui ne contribuent pas à la victoire et au retour de nos otages feraient mieux de ne pas interférer. »
Les Israéliens ont une fois de plus envahi les rues pour exiger la démission du Premier ministre et de son cabinet d’extrême droite pour leur échec à obtenir la libération des prisonniers détenus à Gaza. Des dizaines de milliers de personnes se sont rassemblées dans plusieurs villes, dont Rehovot, Hod Hasharon et Tel-Aviv, pour dénoncer B. Netanyahu qui a systématiquement entravé le cessez-le-feu à des fins personnelles et politiques. Dans certaines zones, les manifestants ont mis le feu et bloqué des rues, ce qui a incité les forces d’occupation israéliennes à intervenir, non sans violence. Ils ont également critiqué les nouvelles conditions de la trêve de Gaza, qui incluent le contrôle par le régime de zones telles que le corridor de Netzarim ainsi que le passage de Rafah.
Les manifestants ont juré de poursuivre leur protestation jusqu’à ce que tous les prisonniers soient libérés.
B. Netanyahu est dans une situation délicate en raison de sa gestion de la guerre à Gaza et de sa réticence à un cessez-le-feu.
Dimanche soir, des centaines de milliers de manifestants ont allumé des fusées éclairantes sur les routes principales et bloqué une autoroute principale de Tel-Aviv en scandant des slogans anti-régime. Cette manifestation était la plus grande manifestation anti-Netanyahu depuis le début du génocide palestinien à Gaza.
Plus de 100 captifs israéliens et étrangers se trouvent toujours à Gaza. Cependant, environ un tiers d’entre eux sont morts dans les frappes du régime, le sort des autres étant encore inconnu.
A signaler que le chef de la division des renseignements de la police israélienne a annoncé, mercredi, qu’il allait démissionner ; il s’agit de la dernière démission en date parmi les hauts responsables de la sécurité et de l’armée en Israël. Dror Assaraf quittera ses fonctions après 35 ans de service, a déclaré la radio israélienne KAN.
Cette démission intervient un jour après que Shuki Tahauko, le chef de la police du district nord, a quitté son poste après deux ans de service. Selon KAN, au moins six hauts responsables de la police ont démissionné depuis le début de l’année. D. Assaraf est le troisième officier de police à démissionner depuis que Danny Levy, soutenu par le ministre de la sécurité nationale d’extrême droite I. Ben-Gvir, a été nommé chef de la police en juillet dernier.