Dans la matinée de samedi 21 décembre, Kazan a essuyé une attaque ukrainienne menée à l’aide de plusieurs drones. La mairie de la ville a signalé des incendies dans plusieurs bâtiments résidentiels. D’après les données préliminaires, il n’y aurait pas de victimes. Kazan, ville russe située a plus de 1 300 kilomètres de la frontière avec l’Ukraine, a été attaquée par une vague de drones ukrainiens. « Ce matin, à Kazan, à la suite d’une attaque de drones, des incendies se sont déclarés dans les maisons des quartiers Sovietsky, Kirovsky et Privoljsky », a signalé la mairie de la ville. « Les services travaillent sur le site de l’incendie », indique ce communiqué publié sur sa chaîne Telegram, assurant que « toute l’aide nécessaire est fournie ».
Sur des vidéos circulant sur les réseaux sociaux et reprises par plusieurs médias, on voit un drone s’encastrer dans les immeubles résidentiels Azure Skies et Manhattan. Le média Inkazan a rapporté qu’un incendie s’était déclaré aux 28e et 29e étages du premier bâtiment, le second n’ayant été touché qu’au niveau de la toiture, sans endommager les étages. La mairie a également indiqué qu’une « évacuation sélective » des écoles avait été effectuée, pour « raisons de sécurité ». Les enfants ont été mis à l’abri dans les sous-sols, a précisé le communiqué.
Selon le service de presse du chef du Tatarstan, huit drones ont été signalés lors de cette attaque : le premier a atteint un site industriel, six d’entre eux des sites résidentiels et un dernier s’est écrasé près de la rivière. « Selon les informations disponibles à ce stade, il n’y a ni victime ni blessé », a précisé la même source. Le ministère de la Défense a fait état de « trois vagues » de drones ayant attaqué « dans des directions différentes » entre 7h40 et 9h20, affirmant que trois drones avaient été abattus et trois autres neutralisés par des moyens de guerre électronique.
Plus tôt dans la matinée, le ministère avait annoncé la destruction d’un drone ukrainien au-dessus du territoire de la République du Tatarstan, dont Kazan est la capitale. L’aéroport de la ville a temporairement suspendu les arrivées et les départs de vols, a annoncé sur Telegram l’Agence fédérale du transport aérien de Russie (Rosaviatsia). Celle-ci a également annoncé l’introduction de restrictions temporaires dans deux autres aéroports, à Ijevsk, une ville au nord-est de Kazan, ainsi qu’à Saratov, située à environ 650 kilomètres au sud de la capitale tatare. Ces dernières ont par la suite été levées.
Ce n’est pas la première attaque de ce type en profondeur du territoire russe. Fin août, une attaque ukrainienne avait été menée à l’aide de plusieurs drones contre les villes de Saratov et d’Engels, sur la Volga. Là encore, un gratte-ciel avait été pris pour cible, blessant quatre personnes, dont une grièvement. Deux semaines plus tard, au sud-est de Moscou, une femme avait été tuée et trois autres personnes blessées lorsque des drones ukrainiens avaient frappé deux immeubles de Ramenskoïe.
La veille, la Défense russe avait assuré qu’au cours de la semaine écoulée, les forces armées russes ont pris le contrôle de dix localités de la République populaire de Donetsk (RPD), signale le compte-rendu d’activité hebdomadaire. D’après le communiqué, le groupement de troupes Sud a libéré les villages d’Annovka, Vessely Gaï, Elizavetovka, Troudovoïe et Ouspenovka. Celui des troupes Centre a pris Novopoustynka, Pouchkino et Starye Terny. Quant aux troupes du groupement Est, elles ont libéré Novyï Komar et Zelenovka. Concernant cette dernière prise, le média Rybar a souligné que l’armée russe avait ainsi « presque entièrement chassé les forces armées ukrainiennes de la rive droite de la rivière Sukhi Yaly ». Un cours d’eau le long duquel évolue l’armée russe. Au cours de ces opérations, cette dernière a revendiqué la destruction de cinq chars, dont un Leopard de facture allemande, ainsi que plusieurs dizaines de véhicules blindés de combat et de transport de troupes, dont un Stryker, trois Bradley et cinq M113 américains.
Les 130 milliards de Bruxelles
Lors d’une réunion à Bruxelles, réunissant des dirigeants européens «au domicile du secrétaire général de l’OTAN, dédiée au soutien à l’Ukraine, Andrzej Duda, président polonais, « a appelé l’UE à confisquer et à dépenser les 260 milliards d’euros d’actifs souverains russes immobilisés dans les institutions financières européennes », a rapporté vendredi le Financial Times. Une suggestion, ressassée depuis des mois par des soutiens de Kiev, qui aurait fini par agacer Olaf Scholz. « Vous ne comprenez pas comment cela affecterait la stabilité de nos marchés financiers », aurait alors « aboyé » le chancelier allemand au président polonais, relate le quotidien britannique, citant trois sources proches des discussions. « Vous n’utilisez même pas l’euro ! », aurait assené le dirigeant allemand, selon le quotidien britannique qui le dépeint comme « exaspéré ». Comme le rappelle le FT, qui a suivi de bout en bout ce dossier de confiscation des avoirs russes gelés, cette initiative a été discutée à maintes reprises par les alliés occidentaux de l’Ukraine, en particulier au sein du G7. L’idée, suggérée par les États-Unis et soutenue par le Canada et le Royaume-Uni – des pays n’hébergeant qu’une infime part des avoirs russes gelés et n’ayant pas pour monnaie l’euro –, avait été reçue plus froidement par l’Allemagne, la France et l’Italie, trois pays de la zone monétaire où la majorité de ces fonds russes avaient été placé.
Au total, 191 milliards d’euros d’actifs, appartenant à la Banque de Russie, sont actuellement détenus par Euroclear Bank (EB). La directrice de cet organisme international de dépôts de fonds basé à Bruxelles, Valérie Urbain, a d’ailleurs mis en garde contre la perte de confiance en la zone euro que pourrait susciter une telle spoliation aux yeux des investisseurs du monde entier. Face au risque de se faire confisquer leur placement, au gré de décisions d’ordre politique, ceux-ci pourraient se détourner de l’Europe au profit d’autres zones monétaires. « C’est le risque de créer un précédent, parce que la confiance que vous avez eue pendant des décennies dans le système, elle a soudainement été remise en question », a-t-elle confié à l’agence Bloomberg dans une interview publiée le 10 décembre.
En mai dernier, rapportant que cette « question n’est plus sur la table », le FT avait fait part de l’hostilité qu’avaient opposé plusieurs pays à ce projet occidental lors d’une réunion des ministres des Finances du G20 au Brésil, ceux-ci brandissant déjà le « dangereux précédent en droit international » qu’une telle décision créerait. Deux mois plus tard, Bloomberg avait révélé que l’Arabie saoudite aurait laissé planer la « menace à peine voilée » de vendre ses titres dans les pays du G7 si un tel précédent advenait. « Les Saoudiens ont notamment fait référence à la dette émise par le Trésor français », avaient indiqué deux sources à l’agence de presse américaine. Après ce refus, les chancelleries occidentales s’étaient contentées de confisquer les intérêts de ces fonds, en accordant à Kiev d’importants prêts dont le remboursement est adossé à ces derniers.
Quoi qu’il en soit, Ursula von der Leyen, présidente de la Commission européenne, s’est félicitée le 19 décembre de l’aide prodiguée à l’Ukraine par l’UE et ses États membres, à l’issue d’un Conseil européen. Un soutien qui, selon le Conseil européen, s’élève à 130 milliards d’euros. Selon les chiffres du Kiel Institute, l’aide de l’UE avoisinerait désormais celle de Washington. « Et avec la Facilité pour l’Ukraine et notre prêt du G7, nous couvrons même la majeure partie du déficit de financement de l’Ukraine pour 2025. C’est une réussite majeure », s’est-t-elle par ailleurs félicitée, lors de ce point presse aux côtés du président du Conseil européen Antonio Costa et du Premier ministre hongrois Viktor Orban.
Selon les chiffres du Conseil européen, cette somme prodiguée par l’UE et ses États membres se répartit en 64,3 milliards d’euros d’aide financière, économique et humanitaire, 47,3 milliards d’euros d’aide humanitaire et 17 milliards d’euros d’aide aux réfugiés. L’institution européenne comptabilise également 1,5 milliard d’euros de «produit des avoirs russes immobilisés». D’après le décompte du think tank allemand Kiel Institute, le total de l’aide fournie ou promise entre fin janvier 2022 et fin octobre 2024 par l’Union européenne (Conseil et Commission) s’élève à 115,64 milliards d’euros. Un montant qui n’inclut pas l’aide bilatérale des Vingt-Sept, notamment de l’Allemagne (25,5 milliards), des Pays-Bas (10,89 milliards) et de la Suède (10,1 milliards). Toujours selon cette source, le montant de cette aide de l’Union européenne avoisine désormais celui de l’aide des États-Unis, chiffrée à près de 119 milliards d’euros.