La motion a été « approuvée » par 174 des 342 députés, a annoncé le président par intérim de la chambre, Sardar Ayaz Sadiq, rapporte l’AFP. I. Khan est le premier chef de gouvernement pakistanais à chuter sur un vote de défiance. L’ancienne star du cricket a appelé ses partisans à manifester dans le calme et affirmé qu’il « n’accepterait pas » le nouveau gouvernement.
Jeudi 5 avril, au terme de tractations entreprises après la décision prise à la demande de I. Khan par le président de la république Arif Alvi de dissoudre l’Assemblée nationale et de convoquer des élections anticipées, la Cour suprême pakistanaise avait statué qu’elle était « contraire à la Constitution et sans effet légale ». Ouvrant la voie au vote de la motion de censure qui avait été refusée par le vice-président de l’Assemblée au motif qu’elle était inconstitutionnelle car résultant d’une ingérence étrangère.
Ces derniers jours, I. Khan avait accusé, à plusieurs reprises, les Etats-Unis de s’immiscer dans les affaires intérieures pakistanaises avec la complicité de l’opposition, dont il a dénoncé la traîtrise. Il reprochait à Washington, qui a nié toute implication, de vouloir obtenir son départ, en raison de son refus de s’aligner sur les positions américaines concernant la Russie et la Chine.
Pendant la séance du vote du parlement pakistanais, le président Asad Qaiser et son adjoint Qasem Soury avaient présenté leur démission.
Selon le journal local Down, A. Qaiser a justifié cette décision en indiquant « qu’il ne pouvait pas faire partie d’un complot étranger qui vise à démettre Khan de son poste ». Le procureur général a lui aussi annoncé sa démission de son poste en même temps.
L’armée pakistanaise qui a dans son répertoire 4 putschs militaires depuis l’indépendance, en 1947, et a gouverné le pays pendant trois décennies est intervenue dans la crise. Selon l’agence Reuters, le général Qamar Jawed Bajwa, commandant de l’armée a rencontré I. Khan quelques heures après la suspension dans un premier temps d’une séance parlementaire avant le vote de la motion de censure.
Les partisans de I. Khan avaient mis en garde, vendredi, contre un complot étranger pour l’isoler. Hassan Hanizadeh, analyste iranien des questions régionales, a déclaré qu’I. Khan avait perdu l’aide financière US à Islamabad en raison de son éloignement de Washington.
Depuis son arrivée au pouvoir en tant que Premier ministre du Pakistan, I. Khan essaie d’opter pour une politique indépendante et d’établir un bon équilibre entre tous les courants, les partis et les ethnies tout en réduisant l’influence de l’Arabie saoudite et des États-Unis sur la ligne de conduite d’Islamabad. Dans ce droit fil, il a refusé de permettre aux Américains de construire une base militaire au Pakistan et a durci le ton, à plusieurs reprises, contre les frappes au drone US qui ont tué des milliers de Pakistanais dans les zones tribales du pays de 2007 à 2014.
Le Premier ministre pakistanais n’a pas hésité à réagir aux politiques du régime israélien dans la région et n’a même pas permis au Pakistan de poursuivre ses opérations au Yémen ; aucune de ces décisions n’a plu aux Américains.
En destituant I. Khan, les Américains souhaitent diriger le Pakistan vers une vague d’émeutes et d’affrontements entre les différentes ethnies.
La motion de censure lancée contre I. Khan au Parlement montre que pour les Américains, rester au pouvoir et rejeter les ingérences américaines sont deux choses qui ne vont pas ensemble. Tout gouvernement pakistanais qui cherche à réduire les tensions régionales et qui opte pour une politique de stabilité est voué à l’échec. En effet, la politique indépendante qu’I. Khan essayait de suivre a fini par le conduire à l’éviction.