Harcèlement, chantage, violation de la vie privée et diffamation sont autant d’ingrédients, documentés par Tahadi, qui alimentent la violence numérique dans le pays. Une violence que le droit pénal n’a pas clairement inscrit dans des textes précis alors que ce phénomène pernicieux engendre de graves conséquences psychologiques, sociales et économiques sur la vie des individus ou des communautés.
La loi 103.13 relative à la lutte contre la violence à l’égard des femmes a créé un cadre conceptuel avancé définissant les formes de violence à l’égard des femmes, y compris la violence physique, psychologique, économique et sexuelle. Toutefois, passé ce constat, le bilan des cinq années écoulées depuis sa mise en œuvre a révélé la persistance d’obstacles juridiques et institutionnels qui empêchent les survivants de ces violences numériques d’accéder au droit et aux recours de la justice, ce que reflètent les statistiques et les rapports publiés par les institutions officielles et les organisations de la société civile.
Tout cela est imputable, selon l’ONG, à une absence de définition claire de la violence numérique en général, et de la violence numérique contre les femmes et les filles en particulier. En outre, les textes juridiques relatifs aux délits numériques sont actuellement éparpillés entre plusieurs articles répartis dans diverses lois et amendements partiels du Code pénal, ce qui complique leur application cohérente.
Cette dispersion juridique crée une difficulté supplémentaire pour les professionnels et les acteurs de la lutte contre la violence numérique, qui peinent à suivre le rythme de l’arsenal législatif existant. Par ailleurs, des définitions inexactes et l’absence de criminalisation de tous les actes de violence numérique se reflètent dans le travail judiciaire, engendrant une disparité dans l’adaptation de certains actes par les tribunaux. Cela conduit parfois à des situations où les auteurs de ces actes échappent à toute sanction ou ne reçoivent que des peines légères.
En outre, il existe une possibilité paradoxale de criminaliser les survivants de violences numériques lorsqu’ils cherchent à signaler ces actes. Cette situation est exacerbée par l’absence d’exigences légales encourageant le signalement des délits de violence numérique. Pis, les mesures existantes ne prennent pas suffisamment en compte la confidentialité, la vie privée et la protection des victimes, rendant ainsi leur application inefficace. Et les exigences procédurales générales ne sont pas adaptées pour traiter spécifiquement la violence numérique et ses effets psychologiques sur les victimes. De plus, il y a une omission notable concernant les responsabilités des fournisseurs de services et des entreprises de télécommunications, ainsi qu’un manque de coopération internationale dans la lutte contre les crimes numériques transfrontaliers.
Pour l’ONG, la prévention des crimes violents numériques est trop souvent dominée par une approche sécuritaire au détriment d’une approche axée sur les droits de l’homme et la protection des individus. Ces différentes lacunes et contradictions soulignent la nécessité d’une réforme législative et d’une approche plus holistique pour combattre efficacement la violence numérique.
Face à autant de défaillances, l’Association présente une proposition de loi globale destinée à la protection des femmes et des filles contre la violence numérique, à laquelle les professionnels pourraient se référer plus facilement et qui mettrait fin à la dispersion et aux faiblesses des textes juridiques existants. Cette proposition de loi comprend un préambule expliquant d’abord le contexte général, les objectifs de présentation de la proposition de loi, ses fondements et son contenu. Ainsi, la proposition présente plus de 40 articles répartis en 8 chapitres, couvrant les dispositions générales, la prévention, l’aspect injonctif, les sanctions , la protection et la réparation, la responsabilité des fournisseurs de services et des entreprises de télécommunications et des dispositions finales.