« Les relations entre la Russie et les Etats-Unis, dont dépendent la sécurité et la stabilité du monde, traversent malheureusement une crise profonde », a déploré Vladimi Poutine pendant cette cérémonie au Kremlin. « Je ne peux m’empêcher de dire que le soutien des Etats-Unis (…) au coup d’Etat à Kiev en 2014 a mené en fin de compte à l’actuelle crise ukrainienne », a déclaré le président russe, faisant référence à la révolution de 2014 qui a fait tomber le pouvoir favorable à Moscou alors en place en Ukraine.
« Nous avons toujours soutenu l’établissement de relations russo-américaines exclusivement fondées sur les principes d’équité, de respect de la souveraineté et des intérêts de l’autre et de non-ingérence dans les affaires intérieures. Nous serons guidés par cela à l’avenir », a ajouté V. Poutine.
Peu après, le maitre du Kremlin a également sermonné l’Union européenne en acceptant les lettres de créance de Roland Galharague, nouvel ambassadeur de Bruxelles. « L’Union européenne a été à l’origine d’une confrontation géopolitique avec la Russie », a accusé V. Poutine, constatant que les relations avec l’UE, un soutien crucial de l’Ukraine, « se sont fortement détériorées ces dernières années ».
Ces déclarations illustrent la crise diplomatique en cours entre la Russie et les pays occidentaux à cause du conflit en Ukraine, leurs relations, sans être rompues, s’étant dégradées comme jamais depuis la fin de la Guerre froide.
La présentation des lettres de créance de la nouvelle ambassadrice des Etats-Unis intervient ainsi une semaine après l’arrestation en Russie d’un journaliste américain, Evan Gershkovich, pour des accusations d’« espionnage » rejetées par la Maison Blanche.
L. Tracy, diplomate de carrière russophone qui a déjà travaillé en Russie et dans plusieurs autres anciennes républiques soviétiques, avait été officiellement désignée en septembre dernier par le président américain Joe Biden pour occuper ce poste très sensible. Elle a remplacé John Sullivan, nommé par l’ancien président Donald Trump et qui avait quitté son poste l’été dernier pour des raisons familiales.
Dans les faits, la diplomate a pris ses nouvelles fonctions il y a plusieurs semaines déjà. Fin janvier, alors qu’elle s’était rendue au ministère russe des Affaires étrangères pour présenter une copie de ses lettres de créance, elle avait été accueillie par des manifestants scandant des slogans antiaméricains.
La nouvelle ambassadrice hérite de dossiers particulièrement compliqués, en tête desquels le conflit en Ukraine et le sort des Américains détenus en Russie.
En décembre, la Russie avait libéré star américaine du basket Brittney Griner en échange d’un trafiquant d’armes russe, Viktor Bout, prisonnier aux Etats-Unis.
Extension du parapluie nucléaire
En parallèle, force est de rappeler que Moscou ne cache pas son jeu face à l’endiguement qui la cible. Les pays membres de l’Otan devraient comprendre ce qui se passe et éviter de provoquer la Russie au vu du déploiement de ses armes nucléaires tactiques en Biélorussie, a déclaré mardi Sergueï Riabkov, vice-ministre russe des Affaires étrangères.
« En ce qui concerne l’utilisation des armes nucléaires, tous les algorithmes qui opèrent dans ce domaine ont été exposés à maintes reprises. Il n’y a aucune réticence. Et nos adversaires doivent simplement percevoir de manière réaliste ce qui se passe autour d’eux. Ne pas escalader, ne pas nous provoquer, car cela pourrait se terminer par de telles tournures, dont nous ne pouvons en principe parler que de manière hypothétique », a assuré S. Riabkov sur la chaîne de télévision russe Rossiya 24. Selon lui, l’élément de dissuasion nucléaire a toujours été et est certainement présent dans le système de planification militaire russe et, d’une manière générale, dans le concept de dissuasion des adversaires de la Russie.
Pour S. Riabkov, Moscou ne pouvait pas être indifférent aux déclarations d’hommes politiques des États-Unis et d’autres pays de l’Otan selon lesquelles une défaite stratégique doit être infligée à la Russie. « L’annonce faite par le Président russe sur les préparatifs à l’accueil d’armes nucléaires tactiques en Biélorussie est une réponse logique aux défis et aux risques croissants pour la sécurité de la Russie », a poursuivi le diplomate. Ces risques ont été créés par la coalition occidentale dirigée par les États-Unis, rappelle-t-il.
« Il ne faut pas se faire d’illusions : la Russie dispose d’un très large éventail de moyens pour assurer sa propre sécurité dans n’importe quelle situation, à n’importe quel moment », a-t-il conclu.
Le 25 mars, Vladimir Poutine avait déclaré que les travaux de construction d’un dépôt destiné aux armes nucléaires tactiques russes seraient achevés en Biélorussie d’ici le 1er juillet. Selon le Président russe, Moscou ne remet pas ses armes à Minsk, mais fait ce que les États-Unis ont fait depuis des décennies: les Américains « apprennent aux équipages, aux pilotes [de leurs alliés] à utiliser leurs armes en cas de besoin ». Il a précisé que les aérodromes biélorusses disposaient déjà de dix avions capables de porter des armes nucléaires tactiques.