Tout s’est précipité depuis lundi dernier lorsque Aziz Akhannouch s’est présenté à l’hémicycle pour la traditionnelle séance mensuelle plénière consacrée aux questions orales adressées au chef du gouvernement. A cette occasion, le chef de la majorité aux affaires a défendu la légalité de l’appel d’offres accordé au projet de dessalement de l’eau de mer à Casablanca. Il a fait valoir que le groupe dans lequel il est actionnaire avait présenté la meilleure offre ! Sans déciller, A. Akhannouch qui répondait à la formation islamiste du PJD, dans l’opposition, a dérapé en rabrouant par deux fois une députée originaire du Souss-Massa. En l’interpellant lorsqu’elle a voulu quitter la séance pour répondre à un appel téléphonique « urgent », comme l’a laissé entendre Abdellah Bouanou, chef du groupe parlementaire, lors de la conférence de presse montée pour dénoncer le conflit d’intérêt dans lequel se trouve le chef du gouvernement. Mais aussi lorsque ce dernier a choisi de porter l’estocade à l’élue islamiste en lui enjoignant, avec une colère à peine contenue, de se rappeler au souvenir du Haj Oulhaj, paternel disparu du leader du RNI.
Il n’en fallait pas plus pour que le PJD sonne le Tocsin et bat le rappel de ses chef pour rabattre le caquet du chef du gouvernement. Jeudi, une conférence de presse a été improvisée pour permettre à Abdelilah Benkirane, secrétaire général du PJD, de solder pour de bon ses comptes avec le chef du gouvernement. L’occasion était trop belle pour ne pas boire du petit lait tout en décochant des fléchettes empoisonnées au chef de la formation qui a dégagé, et de quelle manière, les islamistes des devants de la scène politique. A. Akhannouch devrait faire preuve d’intégrité, a lancé A. Benkirane en faisant valoir l’existence lois à cet effet tout en qualifiant de « honteuses et délictueuses » les actions de son adversaire patenté. Car non seulement la société d’A. Akhannouch avait remporté l’appel d’offres, mais qu’en sa qualité de chef du gouvernement « il avait porté le projet devant la commission de subvention pour obtenir un soutien de 30 % pour le projet, dont l’investissement s’élève à 6,5 milliards de dirhams ».
Selon le chef du PJD, A. Akhannouch aurait agi à la fois comme chef de la Commission nationale des investissements et chef de l’entreprise ayant remporté le projet de dessalement. Une collusion qui rendent les déclarations au Parlement «mensongères » avec qui plus est un « impact négatif et dangereux ». Emporté par son élan, il a également critiqué la réduction des impôts de 35 % à 20 %, affirmant qu’elle était « au bénéfice de ses entreprises ». L’IS a été ainsi réaménagé pour les entités qui concluent une convention d’investissement de 1,5 milliard de dirhams, dans les cinq ans, comme le prévoyait la loi de finances 2023. Bref, on est face à un réaménagement « sur mesure »… Autant de manquements éthiques qui ont poussé A. Benkirane à exiger la tête d’A. Akhannouch en l’appelant à démissionner de son poste de chef du gouvernement, tout en avertissant que ces actions conduiraient à une perte de confiance dans les institutions et l’État, ce qui avait précédemment mené aux protestations de rue, le 20 février 2011.
Appelé en renfort, Driss El Azami El Idrissi, président du Conseil national du PJD ayant fait ses preuves dans les Finances du temps où les islamistes étaient dans l’Exécutif, a soutenu que l’actuel gouvernement était « marqué par un conflit d’intérêts », avec une approche susceptible de « mettre en péril les entreprises marocaines ». Lui aussi n’a pas manqué de pointer du doigt la « contradiction » des déclarations du chef du gouvernement en séance plénière du Parlement, avec les principes constitutionnels. Rappelant que le dessalement est supervisé par l’Office national de l’électricité et de l’eau potable (ONEE), il a aussi fait valoir qu’A. Akhannouch, es qualité, était aussi « à la tête du conseil d’administration de l’ONEE, dans un conflit d’intérêt direct ». Et de rajouter une couche en soutenant que le chef du gouvernement préside, en outre, la Commission nationale du partenariat public-privé, « qui autorise le recours aux procédures de négociation et qui a exceptionnellement accordé l’autorisation de conclure cet accord, avec deux soumissionnaires et non trois, comme le prévoit la loi ». Sans pour autant oublier de rappeler que le cahier des charges exclut toute candidature qui privilégierait un soumissionnaire par rapport aux autres. Ce qui, dans le présent accord, fait débat, le chef du gouvernement « en connaît d’emblée les détails ». Dans le cas échéant, « il existe un soupçon réel qui ne peut être nié » de délit d’initié qui ne dit pas son nom.