Les autorités russes ont laissé entendre le 1er mai que les avoirs russes de certains pays jugés hostiles pourraient être saisis, en réponse à la proposition de l’administration américaine de liquider les avoirs saisis auprès d’hommes d’affaires russes et d’en transférer le produit à l’Ukraine. «Il est juste, en ce qui concerne une entreprise située sur le territoire russe, dont les propriétaires sont originaires de pays hostiles où de telles décisions sont prises [de saisir des avoirs russes], de répondre par des mesures-miroirs : confisquer ces avoirs», a déclaré V. Volodine, président de la chambre basse du Parlement, sur sa chaîne Telegram. «Et le produit de la vente sera utilisé pour le développement de notre pays», ajoute-t-il.
Il accuse «un certain nombre de pays hostiles: la Lituanie, la Lettonie, la Pologne et même les Etats-Unis» de ne pas respecter le droit international et de «se livrer simplement au vol». Et assure qu’«aujourd’hui, les entrepreneurs russes achètent des entreprises étrangères opérant en Russie, rachetant les parts de partenaires qui veulent quitter notre marché» et exhorte les pays «hostiles» : «Agissez de manière civilisée. En respectant le droit international».
Le président de la Douma cite l’adoption cette semaine par le Congrès US d’un texte, non contraignant, appelant le président à vendre les actifs russes saisis et à transférer le produit à l’Ukraine. «Un précédent dangereux a été créé, qui devrait faire boomerang sur les Etats-Unis eux-mêmes. Cette décision n’affectera pas l’économie de notre pays. Les yachts, villas et autres biens saisis de riches citoyens [russes] ne contribuent de toute façon pas au développement» de la Russie, indique V. Volodine.
Double tranchant
La porte-parole du ministère russe des Affaires étrangères a mis en ligne un texte dans lequel elle fustige les conséquences des sanctions économiques prises à l’encontre de la Russie par les Occidentaux et qui touchent de nombreux autres pays. Dans un texte publié sur Telegram le 30 avril, Maria Zakharova, est revenue sur les sanctions économiques, «antirusses» selon elle, imposées par les Occidentaux à la Russie après le déclenchement du conflit en Ukraine, mettant en lumière leur impact sur toute la planète et pas seulement en Russie. Elle a tout d’abord fustigé une «guerre économique injustifiée déclenchée par l’Occident contre notre pays» qui «menace sérieusement la stabilité sociale interne des pays qui ont déclenché les sanctions, mais aussi celle d’autres pays, notamment du tiers-monde, qui ne sont en aucune manière liés à la crise ukrainienne».
M. Zakharova a par la suite noté une inflation galopante dans de nombreux pays parmi lesquelles les Etats-Unis, le Royaume-Uni ou encore dans plusieurs Etats de la «zone européenne». Elle a entre autres cité, pour étayer sa démonstration, l’augmentation des prix du pétrole, du charbon, du gaz, du nickel, du maïs ou encore du blé. «C’est l’économie européenne qui a souffert le plus. Selon des évaluations préalables, il s’agirait de dommages d’environ 70 milliards d’euros», a-t-elle expliqué. «Bruxelles parle encore d’un renoncement au gaz russe sans réfléchir à la manière dont ils vont chauffer les habitations. Les volumes de gaz que contiennent les dépôts gaziers européens ne suffiront que pour 1 mois et demi, c’est-à-dire jusqu’à la fin de la saison de chauffage», a-t-elle ajouté.
La diplomate a détaillé des situations tendues, selon elle, en Italie, en Allemagne, en Espagne ou encore en France. Elle a également mis en garde contre «une famine [susceptible de] frapper toute une série de pays africains dépendants de cultures céréalières et oléagineuses livrées par la Russie, notamment le Maroc, l’Angola, le Cameroun, la Libye, le Mali». «La Russie fait souvent l’objet de critiques pour son marché financier qui ne serait pas très important à l’échelle mondiale. En revanche, en imposant un gel des devises et de l’or, l’Union européenne, les Anglais et les Américains ont provoqué toute une chaîne d’instabilités monétaires et de crédit. Bruxelles voit une réelle perspective de défauts qui se chevaucheraient si la question liée à la « dette » n’arrive pas à se résoudre par un compromis», a-t-elle encore regretté.
M. Zakharova a enfin dénoncé «des mécanismes qu’ils [les Etats-Unis et l’Europe] regretteront non pas un an ou deux ans [mais plusieurs années]». «Si les Européens vont s’acheter une deuxième couverture pour se réchauffer en hiver et [vont] faire face à la fermeture de deux ou trois dizaines de banques, l’Afrique verra ses habitants mourir de faim […] Voilà quelles sont ces « sanctions les plus dures dans toute l’Histoire ». Les plus dures – oui, mais pour toute la planète», a-t-elle conclu.
Pékin et New-Delhi à la rescousse
Sur un autre plan, on signale que les géants pétroliers et gaziers occidentaux ont subi de lourdes pertes en se retirant de Russie, tandis que les entreprises chinoises et indiennes vont profiter de ce vide pour les remplacer.
Selon le plus grand portail japonais d’informations et d’actualités Yahoo News Japan, le gouvernement indien a donné instruction aux entreprises publiques de sa région de commencer à investir dans le champ gazier russe Sakhalin-1, après le retrait des entreprises occidentales, sur fond de sanctions contre la Russie pour son opération militaire en Ukraine, depuis février 2022. Selon l’agence russe Sputnik, les sources ont déclaré que l’Inde envisageait d’acquérir la participation américaine Exxon Mobil dans Sakhlin-1, ainsi que les parts britanniques BP dans la compagnie pétrolière géante Rosneft.
Et en février dernier, le conseil d’administration de la compagnie pétrolière britannique BP a annoncé sa sortie du capital de Rosneft, dont elle détient 19,75 % depuis 2013, et d’une joint-venture avec une société d’État russe.
La société britannique prévoit de réduire ses actifs en Russie de 4 milliards de dollars.
Plus tôt, il a été signalé que la société anglo-néerlandaise Shell, qui a également annoncé son retrait de Russie, avait entamé des négociations avec une société chinoise concernant la vente de sa participation dans le plus grand projet de gaz naturel liquéfié en Russie, Sakhalin-2. Des sources ont déclaré que la société chinoise est le « seul acheteur » sur lequel Shell peut compter, ce qui exacerbe considérablement sa position dans les négociations.