Plusieurs ministres arabes des Affaires étrangères ont discuté le 12 mars au Qatar avec S. Witkoff, émissaire américain pour le Moyen-Orient, de la reconstruction de la bande de Gaza, dévastée par quinze mois de guerre entre Israël et le Hamas. « Les ministres arabes des Affaires étrangères ont discuté du plan de reconstruction de Gaza approuvé lors du sommet de la Ligue arabe qui s’est tenu au Caire le 4 mars 2025 », a déclaré le ministère des Affaires étrangères du Qatar dans un communiqué. Selon le communiqué, les chefs de la diplomatie du Qatar, de Jordanie, d’Égypte, d’Arabie saoudite et des Émirats arabes unis, ainsi que le secrétaire général de l’Organisation de libération de la Palestine étaient présents à la réunion. « Ils sont également convenus avec l’envoyé américain de poursuivre les consultations et la coordination sur ce plan, en tant que base des efforts de reconstruction », a-t-il ajouté.
Lors d’une réunion d’urgence en Arabie saoudite, les 57 États membres de l’Organisation de la coopération islamique (OCI) ont officiellement adopté le 8 mars un plan proposé par la Ligue arabe pour la reconstruction de Gaza. Élaborée par l’Égypte, cette initiative visait à contrer la proposition controversée du président américain, qui prévoyait une prise de contrôle américaine de l’enclave palestinienne et l’expulsion de ses habitants. Le plan adopté par l’OCI prévoit la reconstruction de la bande de Gaza tout en maintenant sur place sa population de 2,4 millions d’habitants. Il inclut également un retour de l’Autorité palestinienne dans le territoire, administré par le Hamas depuis 2007, ce qui mettrait de facto le mouvement islamiste à l’écart de la gestion de l’enclave. Cette initiative arabo-musulmane a été rejetée par Israël et critiquée par les États-Unis, mais elle a reçu un accueil favorable de la part de plusieurs capitales européennes, dont Londres, Paris, Berlin et Rome. Pendant ce temps, un nouveau cycle de négociations indirectes sur le fragile cessez-le-feu à Gaza a débuté mardi au Qatar. Washington y a envoyé son émissaire afin de participer aux efforts de médiation en cours.
L’arme de la faim
Lors de sa rencontre avec Michael Martin, Premier ministre irlandais, au cours de laquelle ils ont discuté de la situation dans la bande de Gaza, D. Trump est revenu sur sa proposition d’expulser les Palestiniens de Gaza et d’établir ce qu’il a appelé une « Riviera du Moyen-Orient » dans la bande de Gaza, proposition largement rejetée tant dans le monde arabe qu’au niveau international.
« Nous voulons libérer les prisonniers et instaurer la paix à Gaza » a déclaré, de son côté, M. Martin après sa rencontre avec D. Trump à la Maison Blanche. Il a appelé « à un cessez-le-feu durable dans la bande de Gaza, dans le cadre des efforts de médiation internationale visant à entamer des négociations sur la deuxième phase de l’accord de Gaza signé par le Hamas et Israël ».
Les habitants de Gaza font face à des pénuries d’électricité constantes: une situation aggravée par des années de conflits, le blocus israélien et les bombardements successifs. Dimanche dernier, Israël a franchi une nouvelle étape dans sa pression sur Gaza en interrompant totalement l’approvisionnement en électricité, coupant ainsi la dernière source d’énergie encore connectée au réseau israélien. Cette décision intervient dans un contexte déjà tendu, alors que les négociations pour la poursuite du fragile cessez-le-feu prennent de l’ampleur.
Cette nouvelle mesure a suscité des mises en garde de la part des organisations locales et de défense des droits de l’homme, qui craignent une recrudescence de la faim généralisée parmi les Gazaouis. En raison du blocus et des restrictions sévères sur l’acheminement de l’aide humanitaire, plusieurs villes, dont Khan Younès, sont confrontées à ce risque de famine. Des milliers de Palestiniens font quotidiennement la queue devant les boulangeries de Gaza, en raison de la pénurie alimentaire. Nombre d’entre eux affirment qu’ils courent le risque de mourir de faim après la suspension de toutes les aides vers la bande de Gaza par Israël la semaine dernière, selon un reportage d’Al-Jazeera.
Philippe Lazzarini, Commissaire général de l’UNRWA, a soulevé le problème, lundi, lors d’un point de presse à Genève: le blocus de l’aide israélienne à Gaza pourrait entraîner un retour de la crise de la faim dans le territoire assiégé, a-t-il averti. « Cela fait maintenant près de 10 jours qu’Israël a interdit l’entrée de l’aide humanitaire dans la bande de Gaza. Une situation qui rappelle celle d’octobre 2023. Cette décision menace gravement la vie et la survie des civils à Gaza, qui n’ont eu qu’un court répit après 16 mois de guerre acharnée », a déclaré le responsable onusien. Il a affirmé également que « si tous les points d’entrée étaient bloqués, cela créerait une situation où l’aide humanitaire de base et la nourriture seraient utilisées comme un instrument pour atteindre un objectif politique ou militaire, ce qui violerait les normes humanitaires internationales ».
De son côté, l’Arabie saoudite a fermement condamné, mardi, le recours à « la punition collective » par la partie israélienne à l’encontre des Palestiniens de la bande de Gaza, notamment en coupant l’approvisionnement en électricité de cette enclave dévastée par 15 mois de guerre génocidaire, selon un communiqué de la diplomatie saoudienne.
Des agences des Nations unies avaient déjà averti dans de précédents rapports publiés en octobre 2024 qu’une insécurité alimentaire aiguë risquait d’affecter 22 pays et territoires au cours des sept prochains mois, avec des situations particulièrement alarmantes dans plusieurs pays, dont Gaza. La montée des hostilités récentes dans la bande de Gaza, selon l’ONU, suscite des craintes quant à la concrétisation d’un scénario catastrophe de famine. D’ici fin avril 2025, environ 40 % de la population, soit 876 000 personnes, feront face à des niveaux de faim d’urgence (niveau 4), tandis que près de 15 %, soit 345 000 personnes, vivront des conditions de famine extrême.
L’enjeux de la santé sexuelle
Les attaques « systématiques » d’Israël contre la santé sexuelle et reproductive à Gaza sont des « actes génocidaires », a affirmé jeudi 13 mars une commission d’enquête des Nations unies. « La Commission a constaté que les autorités israéliennes ont en partie détruit la capacité des Palestiniens à Gaza – en tant que groupe – à faire des enfants, à travers la destruction systématique des soins de santé sexuelle et reproductive, ce qui correspond à deux catégories d’actes génocidaires », a-t-elle indiqué dans un communiqué.
Selon l’ONU, un génocide est un crime « commis dans l’intention de détruire, ou tout ou en partie, un groupe national, ethnique, racial ou religieux », et cinq types d’actes peuvent être considérés comme constitutifs d’un génocide. La commission affirme que deux d’entre eux concernent Gaza : les « mesures visant à entraver les naissances » et la « soumission intentionnelle » d’un groupe à des conditions d’existence « devant entraîner sa destruction physique ».
« Le ciblage des installations de soins de santé reproductive, notamment par des attaques directes contre les maternités et la principale clinique de fécondation in vitro de Gaza, combiné à l’utilisation de la famine comme méthode de guerre, a eu un impact sur tous les aspects de la reproduction », a déclaré Navi Pillay, présidente de la commission,.
A signaler aussi que dans la soirée de mercredi, un Israélien a été blessé par balle, suite à une opération près de la colonie d’Ariel en Cisjordanie occupée, selon un communiqué de l’armée d’occupation israélienne. Le journal Israel Hayom a rapporté que « l’auteur de l’attaque, dont l’identité n’a pas été déterminée, a pris la fuite et une opération de recherche à grande échelle a été lancée par les forces de sécurité, y compris par hélicoptère ».
Le Hamas a salué cette opération qui constitue « une riposte aux crimes continus de l’occupation israélienne ». Le mouvement de résistance palestinien a déclaré dans un communiqué que « l’opération est un nouveau message écrit par notre peuple et nos combattants de la résistance libre, dans le contexte de la réponse à l’agression brutale continue de l’occupation criminelle contre notre peuple, en particulier dans le nord de la Cisjordanie. » Il a souligné que « la Résistance ne s’arrêtera pas tant que l’occupation et ses crimes persistent ».
Le Hamas a en outre appelé à « une escalade des opérations de la Résistance et des opérations douloureuses contre l’occupation afin de perturber ses calculs », incitant à « l’unification des rangs de la Résistance afin de vaincre l’occupation et de mettre terme à son agression contre notre peuple ».