Dans leur courrier, les chefs des diplomaties malienne et burkinabè « réitèrent leur ferme condamnation de toute intervention militaire de la Cédéao ». Ils estiment, sans citer nommément de pays, que cette perspective « cache mal les agendas de puissances étrangères prêtes à aggraver une situation sécuritaire déjà précaire. » Les représentants de Ouagadougou et Bamako dressent un parallèle avec l’intervention occidentale de 2011 en Libye, qui « a causé l’effondrement de l’État et la déstabilisation du Sahel ». Côté Cédéao, le 8 août, le porte-parole du président nigérian a assuré que la diplomatie est la meilleure voie à suivre pour résoudre la crise au Niger, mais aucune option n’est écartée par les pays de la région.
Pour les ministres malien et burkinabè des Affaires étrangères, la persistance de l’organisation ouest-africaine, « dans cette approche contre-productive », « conduirait à la dislocation de la Cédéao ». Ils en appellent donc « à la responsabilité de l’ONU et l’Union africaine » pour empêcher, disent-ils, « une action armée contre un État souverain » dont « l’ampleur des conséquences serait imprévisible ».
Sur ces entre-faits, Paris a « fermement démenti » le 9 août les accusations du Niger selon lesquelles la France a violé son espace aérien et « libéré des terroristes ». « La France dément fermement les nouvelles accusations infondées des putschistes au Niger », selon un communiqué conjoint du ministère des Affaires étrangères et du ministère des Armées. « Le mouvement aérien réalisé ce jour au Niger a fait l’objet d’un accord préalable et d’une coordination technique avec les forces nigériennes, autorisation confirmée par écrit », soulignent-ils, confirmant une déclaration plus tôt d’une source gouvernementale à l’AFP. Les ministères ajoutent qu’« aucune attaque contre un camp nigérien n’a eu lieu ». « Aucun terroriste n’a été libéré par les forces françaises qui luttent contre ce fléau depuis de nombreuses années au Sahel au péril de la vie de leurs soldats », ont-ils également réagi. Ils rappellent que les 1.500 militaires français positionnés au Niger « le sont à la demande des autorités nigériennes légitimes, pour lutter contre les groupes terroristes qui déstabilisent la région et martyrisent les populations dans le Sahel ». En outre, estiment-ils, « ces déclarations contre la France constituent une nouvelle tentative de diversion, au moment où la Cedeao multiplie les efforts de médiation afin de restaurer l’ordre constitutionnel au Niger ».
Les « forces françaises ont fait décoller » le 9 août de N’Djamena, au Tchad, « un avion militaire » à « 6H01 locales », avait indiqué plus tôt un communiqué du CNSP ajoutant que « cet aéronef a volontairement coupé tout contact avec le contrôle aérien à l’entrée de notre espace de 6H39 à 11H15 locales ». Dans le même communiqué, le CNSP accuse Paris d’avoir « d’une façon unilatérale libéré des terroristes prisonniers ». « Nous assistons à un véritable plan de déstabilisation de notre pays », affirme le Conseil, dont le but est de le « discréditer » et de « créer une rupture avec le peuple qui le soutient, de créer un sentiment d’insécurité généralisée ». En conséquence, il est demandé aux Forces de défense et de sécurité (FDS) de « relever leur niveau d’alerte sur l’ensemble du territoire » et « au peuple de rester mobilisé et vigilant ».
A signaler qu’à la faveur du putsch qui a mis à l’écart le Président Mohamed Bazoum, annonce a été faite par Rhissa Ag Boula, ancien rebelle touareg, de la création d’un Conseil de la résistance pour la République. Il appelle les militaires « à procéder à l’arrestation » du chef de la junte, le général Abdourahamane Tiani. Dans la déclaration constitutive de ce Conseil de la résistance pour la République (CRR), R. Ag Boula qualifie d’« ignominie » et de « trahison » le coup d’État mené par le président du Conseil national pour la sauvegarde de la patrie (CNSP) et désormais ex-commandant de la garde présidentielle de M. Bazoum. Il dénonce le « jusqu’au-boutisme de certains membres de la junte », ainsi que « la tentation de faire appel à des mercenaires et criminels de guerre connus sous le nom de Wagner ».
Le CRR « met en garde qu’il se donnera tous les moyens nécessaires » pour rétablir le président déchu dans ses fonctions et, en ce sens, affirme soutenir pleinement la Communauté économique des États d’Afrique de l’Ouest (Cédéao) et ses partenaires internationaux pour une intervention militaire.
R. Ag Boula n’est pas un inconnu du bataillon. Chef historique des rébellions touarègues de 1991 et 2007, il a été un ancien compagnon de Mano Dayak, tête d’affiche de la rébellion nigériane. Ministre du Tourisme sous la présidence de Mamadou Tandja, contre qui il va se retourner, R. Ag Boula avait rangé les armes en 2011 à l’élection de Mahamadou Issoufou, dont il deviendra l’un des plus proches conseillers sur les questions sécuritaires. Un statut qu’il conserve sous le régime M. Bazoum, en tant que ministre d’État à la présidence et numéro trois dans la hiérarchie gouvernementale.
On crédite le rebelle d’une très grande influence dans la bande sahélienne, avec une expérience opérationnelle reconnue et une grande maîtrise des dynamiques politico-armées.
Par ailleurs, il convient de souligner qu’un récent sondage, réalisé pour le magazine américain The Economist, assure que le récent renversement du Président Mohamed Bazoum au Niger semble disposer du soutien de la majorité de ses concitoyens. 78% des habitants soutiennent les actions des auteurs du coup d’État, selon le sondage réalisé par Premise Data pour le média US.
Qui plus est, 73% parmi eux pensent que les auteurs du coup d’État devraient rester au pouvoir « pour une période prolongée » ou « jusqu’à la tenue de nouvelles élections ».
Une faible majorité de 54% se déclarent défavorables à une intervention des organisations régionales ou internationales. Parmi ceux-là, 50% ont déclaré qu’ils préféraient qu’il s’agisse de la Russie. Cette dernière n’a pourtant jamais émis l’intention de s’immiscer dans les affaires du Niger.
Seulement 16% préféreraient une initiative des USA, 14% de l’Union africaine et 4% de la Cédéao.
Toujours d’après le sondage, moins de 10 % des Nigériens ont désigné l’Arabie saoudite comme le partenaire le plus fidèle du pays, et environ 5 % des répondants ont nommé les États-Unis. Encore moins de répondants ont cité la Chine, la France et l’ONU. Selon les résultats de l’enquête, aucun des répondants n’a mentionné le Royaume-Uni.
Ces résultats ne sont cependant pas représentatifs de l’ensemble du pays, relativise The Economist, car le sondage a été réalisé rapidement auprès d’un petit échantillon de citoyens. Dans cette enquête, la plupart des sondés étaient des hommes relativement bien éduqués dont 62% vivent dans la capitale. Les dates du sondage et le nombre de personnes interrogées ne sont pas précisés.