« Ce matin même, dix personnes, dont sept enfants, d’une même famille, sont morts en martyrs à Khan Younès. Si ce n’est pas de la barbarie, qu’est-ce que c’est ? », a martelé le chef de l’État turc, rapporte l’AFP. En réaction à la guerre dans la bande de Gaza, la Turquie a suspendu ses relations commerciales avec l’entité sioniste.
Le président turc a en outre accusé Tel Aviv de chercher à « dynamiter » la « révolution » en Syrie en attisant les divisions dans le pays après la chute de Bachar al-Assad.
Israël « tente de dynamiter la révolution du 8 décembre en attisant les différences ethniques et religieuses en Syrie et en incitant les minorités du pays à s’opposer au gouvernement », a déclaré le chef de l’État turc lors d’un forum diplomatique à Antalya, dans le sud de la Turquie.
« Nous ne permettrons pas que la Syrie soit entraînée dans un nouveau tourbillon d’instabilité », a ajouté R.T. Erdogan, affirmant que « le peuple syrien en a assez des souffrances, de l’oppression et de la guerre ».
Globalement, le président turc a accusé Israël de « menacer directement la stabilité de la région (…) avec ses attaques contre le Liban et la Syrie ».
La Turquie est un soutien de poids de la coalition menée par des islamistes à la tête de la Syrie, qui a renversé le président Bachar al-Assad en décembre. Le président syrien par intérim, Ahmad al-Chareh (al-Charaa), était lui aussi présent au forum diplomatique d’Antalya, où il a rencontré son mentor turc en tête à tête. Le président turc a notamment assuré à son homologue que la Turquie poursuivrait « ses efforts diplomatiques pour lever les sanctions internationales contre la Syrie » et insisté sur la « nécessité » de « revitaliser la coopération commerciale et économique » entre les deux pays, a indiqué sur X la direction de la communication de la présidence turque.
Ces déclarations virulentes de R.T. Erdogan interviennent deux jours après des discussions techniques en Azerbaïdjan entre la Turquie et Israël visant à prévenir un risque d’escalade en Syrie. La réunion de mercredi n’a débouché sur rien de concret et chacune a des intérêts dans la région.
Au cours de cette réunion, « Israël a clairement indiqué que tout changement dans le déploiement des forces étrangères en Syrie, avec en particulier l’établissement de bases turques dans la région de Palmyre (Tadmor), est une ligne rouge », a déclaré un haut responsable israélien pour The Times of Israel.
La semaine dernière l’armée d’occupation a intensifié ses frappes meurtrières en Syrie et mené une incursion terrestre dans le sud du pays, visant notamment des bases et un aéroport militaires. Selon une source syrienne proche du dossier à l’AFP, Ankara tente d’établir des « positions militaires » en Syrie, dont une « à l’intérieur de la base T4 », une base aérienne militaire de la province de Homs visée la semaine dernière par des frappes israéliennes.
Alaouites en danger
En France, le parquet de Paris a annoncé avoir approuvé une plainte contre le président syrien de transition et plusieurs de ses ministres, pour des accusations de génocide, de nettoyage ethnique et de crimes contre l’humanité.
La plainte, déposée par le Collectif franco-alaouite (CFA), dont la chaine satellitaire libanaise d’information Al-Mayadeen a obtenu une copie, accuse A. al-Charaa et un certain nombre de ses ministres « d’avoir commis des crimes contre l’humanité contre des membres de la secte alaouite en Syrie, en lien avec les massacres qui ont eu lieu entre décembre 2024 et mars 2025 ». Outre A. al-Charaa, la plainte inclut également le ministre de la Défense Mouhraf Abou Qasra, le ministre des Affaires étrangères Asaad al-Shaibani, le ministre de l’Intérieur Anas Khattab et le commandant de la 25e division militaire Mohammed al-Jassem.
Le communiqué publié par le groupe franco-alaouite a indiqué que « les attaques lancées par des unités de la nouvelle armée syrienne (25e division), de la Sûreté générale et des milices pro-gouvernementales ont délibérément ciblé des civils alaouites et certaines familles chrétiennes et sunnites qui cherchaient à les protéger ». Les victimes ont été ciblées par des tirs directs, délibérés et prémédités. Des cas de massacres de civils, y compris d’enfants, ont également été documentés, ainsi que des mutilations de cadavres.
Le communiqué a souligné également que « les attaques ont entraîné la mort de milliers de civils, dont des enfants, des femmes et des personnes âgées, dont la plupart étaient membres de la confession alaouite, sur la base des directives émises par al-Charaa, qui a explicitement déclaré l’état de mobilisation générale contre la confession alaouite et s’est délibérément abstenu de donner des ordres pour arrêter les massacres, bien qu’étant pleinement consciente de leur ampleur et de leur nature brutale ».
Le communiqué a ajouté que « même s’il est difficile de documenter le nombre total de victimes, compte tenu de la présence de fosses communes et d’un grand nombre de personnes disparues, les estimations indiquent que plus de 30 000 civils ont été déplacés vers les forêts environnantes et au Liban. Des milliers de civils sont également actuellement réfugiés dans la base militaire de Hmeimim, où sont stationnées les forces russes. Leur nombre est estimé à plus de 10 000 ».
Cette action en justice constitue la première de ce type en France contre A. al-Sharaa, alias Mohamed Al-Joulani. Cela coïncide avec une manifestation organisée par le groupe franco-alaouite devant le Palais de Justice de Paris demain, samedi, pour pleurer les victimes de l’attaque sur les villes côtières syriennes. A noter qu’Amnesty International a précédemment déclaré que les événements sur la côte syrienne constituent des « crimes de guerre », tenant les autorités de Damas responsables du chaos sanglant qui a ravagé la région.
Jeudi, la présidence syrienne a indiqué avoir prorogé de trois mois le mandat de la commission nationale chargée d’enquêter sur les massacres contre la communauté alaouite dont est issu le clan Assad. Selon l’Observatoire syrien des droits de l’homme (OSDH), plus de 1.700 civils, en grande majorité des alaouites, ont été tués. Les forces de sécurité, des groupes armés alliés ou des jihadistes étrangers ont été rendus responsables. Des chiffres largement en-deçà d’une réalité plus sanguinaire.