Le ministère russe des Affaires étrangères a condamné « les actions militaires » d’Israël contre l’Iran, affirmant qu’elles violaient la Charte de l’Organisation des Nations unies et les normes du droit international. Le communiqué affirme que les « frappes militaires non provoquées » qui visent un « État souverain membre de l’ONU ainsi que ses citoyens, ses villes pacifiques et ses infrastructures nucléaires sont catégoriquement inacceptables ». Il a également indiqué que les autorités israéliennes avaient fait un choix « délibéré en faveur de la poursuite de l’escalade et d’une montée des enchères », rappelant les avertissements répétés de la partie russe sur « les conséquences néfastes des aventures militaires, qui menacent la stabilité et la sécurité dans la région ». « La responsabilité de toutes les conséquences de cette provocation incombera aux dirigeants israéliens », signale le communiqué. Selon la diplomatie russe, le fait que les attaques israéliennes aient été menées « en plein milieu de la session du Conseil des gouverneurs de l’AIEA [l’Agence internationale de l’énergie atomique, ndlr] » ajoute un « cynisme particulier » à la situation. Ainsi, les efforts multilatéraux déployés avec « beaucoup de difficultés » pour réduire la confrontation et trouver des solutions qui élimineraient toute suspicion et tout préjugé à l’égard du programme nucléaire pacifique iranien « ont été sapés et écartés ». La Russie attend du directeur général de l’AIEA, Rafael Grossi, qu’il donne des évaluations équilibrées et objectives des événements en cours, et une analyse détaillée de probables conséquences radiologiques des attaques commises contre des installations nucléaires en Iran, a ajouté le ministère des Affaires étrangères, soulignant que ces frappes avaient été menées à la veille d’une nouvelle série de contacts indirects entre les représentants de l’Iran et des États-Unis.
En Europe, on voit s’accumuler les prises de position, à l’instar de Keir STarmer, Premier ministre britannique, qui « appelle au calme » et avertit qu’une escalade de la situation ne profiterait à personne dans la région. Même son de cloche de la part de Friedrich Merz, chancelier allemand, qui a réuni ses ministres en conseil de sécurité. Il demande à Israël et à l’Iran de ne pas prendre de mesures qui pourraient faire empirer la situation, tout en réaffirmant la position diplomatique traditionnelle de l’Allemagne, à savoir qu’Israël a le « droit » de se défendre. En France, Emmanuel Macron a, lui aussi, convoqué un conseil de défense et de sécurité ; le ministre des Affaires étrangères Jean-Noël Barrot a parallèlement eu un entretien avec ses homologues d’Israël et d’Arabie saoudite, appelant à désamorcer la situation et à l’instar du chancelier allemand, il préconise la stabilité régionale et la sécurité d’Israël.

Le gouvernement allemand révèle d’ailleurs que le Premier ministre britannique, le président français et le chancelier allemand ont tenu une conférence téléphonique au sujet des frappes israéliennes. Les institutions européennes elles-mêmes ne cachent pas leur inquiétude et en appellent à la diplomatie. Ursula von der Leyen, présidente de la Commission européenne, appelle toutes les parties à la « désescalade », c’est le mot le plus entendu aujourd’hui à Bruxelles et la Commission européenne souligne d’ailleurs que la voie diplomatique reste l’option la plus urgente et la seule véritable voie pour une résolution du conflit.

L’UE répète d’ailleurs sa position commune : l’Iran ne doit pas acquérir l’arme atomique. L’Union européenne s’était évidemment beaucoup impliquée dans la conclusion des accords de Vienne sur le nucléaire iranien en 2015 et continue à affirmer qu’un accord de ce type reste la meilleure et la seule option. En apparence, l’Union « apporte » ainsi de l’eau au moulin de Donald Trump, mais évidemment ici, on rappelle en passant que c’est lui qui a retiré les États-Unis de cet accord lors de son premier mandat en 2018.

Le baril flambe !

Dès l’ouverture du marché dans la journée, le cours du Brent qui sert de référence a grimpé de 7%, une flambée qui au plus haut est montée à près de 9% – signe que les marchés ont pris très au sérieux les frappes israéliennes contre l’Iran. D’abord, malgré les sanctions en vigueur, la République islamique reste un important producteur de pétrole avec une moyenne de 3 à 4 millions de barils par jour. L’Iran produit plus de 3% du pétrole mondial. La République islamique est aussi le troisième producteur de l’Opep, la principale alliance des pays pétroliers. Bien que Téhéran ait pris soin de préciser vendredi matin que ses raffineries n’avaient pas été touchées par les frappes israéliennes, la crainte d’une baisse de la production iranienne est réelle.

Les spécialistes craignent surtout un embrasement régional et la riposte iranienne qui pourrait affecter la circulation maritime sur le détroit d’Ormuz. Ce coude maritime qui relie le golfe Persique à l’océan Indien sépare l’Iran, au nord, de la péninsule arabique, des Émirats arabes unis et Oman, au sud. Un goulot stratégique puisque c’est par cette route que circule 20% du pétrole et 20% du gaz naturel liquéfié consommé dans le monde. Autrement dit, les marchés anticipent des difficultés d’approvisionnement. La plupart des places boursières ont d’ailleurs ouvert à la baisse, suivant une trajectoire inverse de celle du pétrole et de l’or, valeur refuge par excellence.

La flambée des cours intervient après une longue période de pétrole bon marché. Le retour de Donald Trump à la Maison Blanche marqué par des guerres commerciales à répétition a fait chuter les cours, les marchés anticipant un ralentissement de l’économie mondiale. Ces derniers jours, les signes d’un accord entre Pékin et Washington avaient donné l’espoir d’une reprise des échanges entre les deux premières économies de la planète qui sont aussi les deux principaux consommateurs de pétrole.

Le conflit en cours rend la situation encore moins lisible alors que se multiplient les signaux contradictoires. Mardi 10 juin, l’Agence internationale de l’énergie anticipait malgré tout une baisse des cours du fait de la surproduction mondiale de pétrole, pariant sur un prix du baril sous la barre des 60 dollars d’ici à la fin de l’année. Aujourd’hui les cartes du pétrole sont donc complètement rebattues et la situation promet de rester incertaine pendant au moins plusieurs jours, voire plusieurs semaines.

La guerre entre les deux puissances régionales affecte aussi le trafic aérien. Tout le monde a en tête le vol MH17 de la Malaysia Airlines abattu par des séparatistes pro-russes au-dessus de l’Ukraine en juillet 2014, au tout début du conflit entre Kiev et Moscou. Aucune des presque 300 personnes à bord n’avait survécu. Un scénario cauchemar que veulent éviter à tout prix les compagnies aériennes : Air France, Air India, Emirates ou encore Qatar Airways ont toutes préféré suspendre des dizaines de vols vers et depuis le Moyen-Orient ou dont le parcours prévoyait un survol de la région. De son côté, l’aéroport Ben Gourion de Tel Aviv est fermé jusqu’à nouvel ordre, tout comme l’espace aérien iranien. Plusieurs aéroports de la région ont aussi annoncé suspendre leur activité. Les conséquences économiques sont difficiles à chiffrer, seule certitude : le coût de la guerre dépendra directement de la durée et de l’intensité du conflit.

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