La présidente de la Commission a présenté cette première liste commune qui a rencontré un écho particulièrement favorable du côté de Rome. Pour Giorgia Meloni, Première ministre italienne, c’est une avancée majeure. Elle s’en félicite ouvertement : « C’est une nouvelle confirmation de la bonne direction prise par le gouvernement italien ces dernières années et du soutien d’un nombre toujours croissant de nations européennes. L’Italie a joué et joue encore un rôle décisif dans le changement de l’approche européenne de la gestion des flux migratoires ».
Cette nouvelle orientation a pour but de renforcer l’efficacité du système d’asile européen, en particulier dans le traitement des demandes jugées a priori infondées. « Il s’agit d’être plus efficaces dans le traitement des demandes d’asile potentiellement infondées qui peuvent être présentées par des ressortissants de pays tiers arrivant dans l’UE », a souligné un haut fonctionnaire de la Commission dans une déclaration au journal « Le Point
L’Algérie, non comprise dans cette liste, reste en dehors du dispositif pour des raisons techniques. Selon un responsable européen, « il n’y a pas de raisons politiques à cette exclusion ». Ce même responsable précise que l’un des critères retenus pour figurer sur la liste est un taux de reconnaissance des demandes d’asile inférieur à 20 %, un seuil que l’Algérie dépasse.
Outre les trois pays nord-africains, quatre autres nations ont été ajoutées à la liste : le Kosovo, la Colombie, le Bangladesh et l’Inde. Leur inclusion repose sur une évaluation stricte prenant en compte le volume de migrants irréguliers en provenance de ces États, mais aussi sur leurs faibles taux de reconnaissance d’asile, souvent inférieurs à 5 %. En 2024, les demandes provenant de ces pays représentaient environ 237.000 dossiers, dont plus de 50.000 pour la Turquie et la Colombie chacune, près de 43.000 pour le Bangladesh, et plus de 25.000 pour l’Égypte et le Maroc.
La présence de la Tunisie, malgré les critiques sur les atteintes aux libertés dans le pays, suscite néanmoins des débats. Des voix se sont élevées, notamment face à l’incarcération d’opposants et de journalistes. Interrogée sur cette situation, la Commission a affirmé avoir intégré ces éléments à son analyse, tout en précisant que certaines catégories vulnérables de personnes continueront à bénéficier d’un examen individuel approfondi.
Le nouveau dispositif ne remet pas en cause les droits fondamentaux des demandeurs d’asile. « Cela signifie que leur demande sera évaluée au fond. Il y aura des autorités qui examineront leur demande d’asile selon les règles établies par le pacte et parviendront à une conclusion, que la personne pourra également contester devant un tribunal comme dans tout autre cas », tient à préciser la Commission. De plus, un demandeur peut toujours contester l’application du concept de pays sûr à sa situation personnelle. Comme le précise le texte législatif, « le fait qu’un pays tiers soit désigné comme pays d’origine sûr ne peut établir une garantie absolue de sécurité pour tous les ressortissants de ce pays ».
A souligner que cette liste commune ne se substitue pas aux listes nationales déjà en vigueur dans plusieurs États membres. La France, par exemple, inclut aussi des pays comme le Cap Vert, le Ghana ou encore la Mongolie. Cette coexistence permet aux États de conserver une certaine flexibilité, tout en s’alignant sur un socle commun européen. Pensée comme un instrument évolutif, cette liste pourra être modifiée si la situation dans l’un des pays concernés venait à se détériorer. « Nous avons proposé ces sept pays car la Commission a considéré qu’ils constituent des priorités en termes de migration irrégulière, mais le tableau migratoire peut changer avec le temps », explique le haut responsable.
En parallèle, la Cour de justice de l’Union européenne doit prochainement se prononcer sur la légalité du concept même de pays d’origine sûrs. Jean Richard de la Tour, avocat général, a déjà indiqué qu’un État membre peut désigner un pays comme sûr par acte législatif, à condition de divulguer les sources sur lesquelles il s’est appuyé. Pour la Commission, cette initiative répond à une urgence politique réelle face aux flux migratoires croissants en Méditerranée.