L’UMT a tenu à rappeler les inquiétudes d’une classe ouvrière de plus en plus préoccupée par les enjeux sociaux dans un climat tendu sous l’effet conjugué des réformes controversées et de la flambée des prix. En dressant un tableau sombre et inquiétant, M. Moukharik a voulu frapper fort sur la table d’autant plus que la fête du travail coïncide avec le 70e anniversaire de l’UMT. Entre critiques, appels à la mobilisation et propositions, la Centrale syndicale historique revendique un cap clair pour défendre les droits, restaurer la dignité des travailleurs et préserver la paix sociale. Le mot d’ordre choisi pour l’occasion traduit une mobilisation des classes laborieuses dans le sillage du 13e congrès national : « Lutte continue contre les violations des droits et libertés syndicaux, préservation des acquis et lutte contre le coût élevé de la vie », assure la Centrale.
M. Moukharik a réaffirmé l’attachement de l’UMT à ses principes fondateurs, à son engagement syndical constant et à sa ligne de défense intransigeante des intérêts de la classe ouvrière marocaine. Il a dressé un constat sombre sur la situation sociale du pays et dénoncé la complicité du gouvernement avec le patronat pour faire passer un arsenal législatif restrictif, au premier rang duquel figure la loi organique sur le droit de grève. Le chef de l’UMT a vivement critiqué la loi relative au droit de grève qualifiée de « législation répressive et criminalisante ». Il a rappelé que ce texte a été adopté en février dernier dans des conditions jugées irrégulières : seulement 21,23 % des députés étaient présents lors du vote à la Chambre des représentants, soit 84 sur 395, alors que 291 parlementaires étaient absents. Plus, l’UMT a exprimé son rejet total d’un texte voté « en dehors de l’institution du dialogue social » et contraire, selon les termes de M. Moukharik, à la Constitution et aux conventions internationales. Ce projet, a-t-il souligné, remet en cause un droit fondamental, et ne saurait être reconnu par les travailleurs.
Le discours du SG de l’UMT a également été marqué par la présentation de données économiques et sociales traduisant, d’après lui, l’ampleur de la détérioration des conditions de vie des Marocains. Le taux de chômage est passé de 16,2 % en 2014 à 21,3 % en 2024. Les jeunes entre 15 et 24 ans, même les plus qualifiés, sont particulièrement touchés, avec un taux de chômage atteignant 50 % dans cette tranche d’âge. En parallèle, le nombre de personnes vivant dans la pauvreté a connu une croissance exponentielle : leur nombre est passé de 623.000 en 2019 à plus d’1,42 million en 2022, soit une hausse annuelle moyenne de 33,7 %.
Ces chiffres, rappelle le leader syndical, traduisent l’échec des politiques publiques successives et confirment la nécessité urgente de replacer la question sociale au cœur de l’action de l’État.
La Centrale ne se contente pas de critiquer et condamner. M. Moukharik a choisi de réitérer l’ensemble de revendications de l’UMT élaboré à l’issue de son dernier congrès national. Il s’agit notamment de la révision du projet de loi sur la grève, afin qu’il soit conforme aux standards internationaux ; de l’abrogation de l’article 288 du Code pénal ; de la réintégration des travailleurs licenciés pour raisons syndicales ; de l’augmentation générale des salaires, des pensions de retraite et des allocations familiales ; de la convergence entre le SMIG et le SMAG ; de l’adoption d’un système de « salaire mobile » adapté à l’inflation et de la réforme de la fiscalité, y compris l’instauration d’un impôt sur la fortune.
La centrale plaide également pour une limitation des prix des carburants, des denrées de première nécessité et des services de base, ainsi qu’une lutte active contre les intermédiaires et les pratiques spéculatives.
Après une année 2024 marquée par l’absence de dialogue social au niveau central, l’UMT a été reçue le 22 avril 2025 par le chef du gouvernement, rappelle le chef de la Centrale. Si l’organisation a réaffirmé sa disponibilité à négocier, elle a également mis en garde contre les simulacres de concertation, affirme M. Moukharik. Et d’ajouter que toute négociation doit aboutir à des accords clairs, contraignants, garantissant un équilibre entre les droits et les devoirs, et améliorant les conditions de vie des travailleurs.
Le chef de l’UMT a également salué les nombreuses mobilisations sectorielles et locales menées par la Centrale, qui ont permis d’arracher des acquis malgré un climat hostile. Il a mis en avant les nouvelles adhésions enregistrées dans de secteurs stratégiques, renforçant la base de l’Union, ainsi que le travail de formation réalisé par l’Académie syndicale de l’UMT, qui a permis l’émergence d’une nouvelle génération de cadres militants.
Au-delà des luttes syndicales stricto sensu, M. Moukharik n’a pas manqué de renouveler l’attachement de l’UMT à la défense de l’unité territoriale du Royaume et appelé la communauté internationale à agir pour mettre fin à la souffrance des populations séquestrées à Tindouf. Il a aussi dénoncé les tentatives d’instrumentalisation de forums syndicaux à des fins politiques hostiles au pays. Comme il n’a pas manqué, non plus, d’exprimer sa solidarité pleine et entière avec le peuple palestinien, condamnant la guerre menée par l’armée israélienne contre Gaza, et réaffirmant le soutien de l’UMT au droit des Palestiniens à un État indépendant avec Jérusalem pour capitale.