Le document dévoilé vendredi signale que le royaume est passé de la 129e place en 2024 à la 120e sur 180 pays, améliorant son score global de 45,97 à 48,04. Ce progrès quantitatif a concerné la plupart des sous-indicateurs, avec un bond notable de celui politique, de la 119e à la 97e place (de 40,31 à 44,25). L’indice économique s’est également amélioré, passant de la 135e à la 115e place, tandis que celui législatif a évolué de la 128e à la 117e place.
Une légère amélioration a par ailleurs concerné les indicateurs sociaux et sécuritaires, bien que le résultat global reste en dessous de la moyenne mondiale. Ces données reflètent les défis structurels persistants auxquels le secteur des médias est confronté, rappelle RSF.
Au niveau régional, le Maroc s’est classé deuxième en Afrique du Nord, après avoir été quatrième l’année dernière, derrière la Mauritanie (50e au monde). L’Algérie est à la 126e place mondiale, la Tunisie à la 129e et la Libye à la 137e, ce qui met en évidence une disparité importante dans le paysage médiatique de la région.
Cependant, ce progrès reste tout relatif, l’environnement médiatique étant toujours décrit comme « difficile », selon RSF. Les journalistes indépendants font face à des pressions systématiques, alors que les autorités cherchent à renforcer leur contrôle sur le paysage médiatique, rapporte l’ONG. Depuis plusieurs années, la profession de journaliste est également entravée sur de nombreux sujets, tels que le Sahara, la monarchie, la corruption, l’islam, les services de sécurité et la répression des manifestations, ajoute l’organisation.
Selon RSF, Aziz Akhannouch, chef du gouvernement, a déposé de nombreuses plaintes judiciaires contre des journalistes critiques. Pis, ajoute l’ONG, « il utilise également son influence financière pour affecter les lignes éditoriales des médias les plus influents, tandis que ceux qui s’opposent à son gouvernement font face à des contraintes financières. Cette alliance entre l’argent et le pouvoir entrave la capacité de la presse à aborder les questions de corruption liées à la gestion des affaires publiques, transformant toute condamnation de la corruption en un risque financier et juridique.»
Dans un environnement économique défavorable, les médias peinent à attirer les annonceurs, rendant plus difficile toute quête de stabilité financière, en particulier pour les institutions indépendantes qui se raréfient. En revanche, les médias affiliés à l’État ou loyaux bénéficient d’un soutien qui leur permet de fonctionner selon des modèles plus stables, rapporte RSF, qui publie ce classement à la veille de la Journée mondiale de la liberté de la presse, commémorée le 3 mai chaque année.
L’organisation note que malgré l’abolition des peines de prison dans le Code la presse et de l’édition de 2016, la réalité ne reflète pas un changement réel, toute publication à caractère critique étant menacée de poursuites en vertu du Code pénal. « Ces dernières années, des affaires d’agression sexuelle fabriquées, y compris des accusations de viol, de traite d’êtres humains, d’adultère et d’avortement illégal, ont été utilisées contre des journalistes indépendants. Les procès sont accompagnés de campagnes de diffamation organisées dans les médias affiliés au gouvernement », relève l’ONG.
Pour RSF, cette situation révèle la fragilité du cadre normatif pour protéger la liberté d’expression, outre la faible indépendance du pouvoir judiciaire, qui pousserait les journalistes à s’imposer une forme d’autocensure. La dissolution du Conseil national de la presse (CNP) et son remplacement par une commission temporaire en 2023 est également considérée par l’ONG comme un recul dans le processus d’autorégulation de la profession.
Les récentes libérations de journalistes, dont Taoufik Bouachrine, Omar Radi et Soulaimane Raissouni, après la grâce royale du 30 juillet 2024, ont suscité des espoirs. Mais à l’approche des élections de 2026, les pressions sur les journalistes critiques augmentent, selon RSF qui mentionne le chef du gouvernement, mais aussi le ministre de la Justice, Abdellatif Ouahbi, en lien avec des poursuites contre les journalistes cette année.