#Libération_Palestine

Logo Perspectives med

L’Espagne ouvre les procès contre Franco : Le cas J.P. Yepes fera tache d’huile

Une première en Espagne. Un tribunal a accepté la plainte d’une victime du franquisme. Son audition a eu lieu vendredi 15 septembre. Il pourrait faire jurisprudence et permettre à une centaine d’autres victimes d'également bénéficier d’un procès.
L’Espagne ouvre les procès contre Franco : Le cas J.P. Yepes fera tache d’huile

« C’est la première fissure dans le mur de l’impunité. » Voici l’expression employée par Julio Pacheco Yepes, aujourd’hui âgé de 67 ans, à la sortie de son audition historique au tribunal de Madrid. À 17 ans, pendant l’été 1975 à la toute fin de la dictature franquiste, cet homme avait été torturé pendant plusieurs jours par des policiers dans l’édifice de la Direction générale de la sécurité, sur la place Puerta del Sol à Madrid. Il avait ensuite été envoyé en prison, accusé de terrorisme.

Un demi-siècle après la mort du général Franco, cet Espagnol est devenu vendredi la première victime de tortures sous la dictature à témoigner devant un juge en Espagne, espérant ainsi ouvrir la porte aux auditions d’autres victimes. « Le fait de voir pour la première fois un juge t’écouter, cela signifie que d’autres plaintes pourraient être admises et que nous pourrions enfin obtenir justice », a déclaré avec émotion ce retraité après son audition, sous les cris de ses soutiens « réparation, vérité, justice ».

J. P. Yepes faisait partie d’un syndicat universitaire de gauche, antifranquiste. Il avait été arrêté du fait de cette appartenance considérée comme « nuisible » par le régime en place. Quarante-huit ans après les faits, cet ancien imprimeur a déposé plainte en février contre ses quatre tortionnaires, dont le sulfureux ex-commissaire José Manuel Villarejo, célèbre en Espagne pour avoir enregistré à leur insu de nombreuses personnalités politiques ou des milieux économiques.

Jusqu’ici, de nombreuses victimes de la répression franquiste avaient tenté des poursuites judiciaires contre leurs bourreaux et la dictature, mais aucun juge ne les avait acceptées, brandissant la loi d’amnistie d’octobre 1977. Ce texte pilier de la transition vers la démocratie, après la mort de Franco le 20 novembre 1975, empêche de poursuivre tout délit politique commis durant la dictature par des opposants, mais aussi par « les fonctionnaires et agents de maintien de l’ordre public ».

Or, dans le cas de J. P. Yepes, la juge madrilène Ana Maria Iguacel a admis cette plainte au mois de mai en raison de « la possible existence » de « crimes contre l’humanité et tortures » dans ce dossier. Prenant le contre-pied de tant d’autres magistrats avant elle, la juge a considéré qu’en conséquence, les crimes dénoncés ne sont pas prescriptibles, et qu’ils peuvent et doivent être jugés. Elle devra désormais convoquer les accusés et décider à l’issue de son enquête d’un renvoi en justice ou d’un classement sans suite.

Un membre du nouveau parquet spécial des droits humains et de la mémoire démocratique était présent lors de l’audience tenue vendredi à huis clos. Un signe encourageant pour l’avancée de la procédure judiciaire, selon J.P. Yepes et son avocat. Ce parquet a été mis en place par une récente loi phare du gouvernement de gauche, destinée à réhabiliter les victimes du franquisme.

Recommandé pour vous