Au pouvoir depuis fin 2015, les socialistes portugais risquent d’être détrônés par l’opposition de centre droit, elle-même menacée par la montée des populistes à l’issue de la campagne qui se termine dans la soirée du 8 mars, à deux jours du scrutin législatif. « Cette élection est très importante, car elle peut marquer un tournant vers une certaine convergence du Portugal avec le panorama des partis en Europe », observe Marina Costa Lobo, politologue et directrice de l’Institut des sciences sociales de l’Université de Lisbonne (ICS). Mais, tempère cette analyste, le résultat du scrutin du 10 mars, qui sera précédé la veille par une journée de réflexion, reste « particulièrement ouvert » en raison du nombre important d’électeurs toujours indécis. Après la publication des dernières enquêtes, l’agrégateur de sondages de la Radio Renascença créditait l’Alliance démocratique de centre droit de 32,6% des intentions de vote, contre 27,9% pour le Parti socialiste.
En embuscade, Chega, jeune parti de la droite radicale, pourrait réaliser une nouvelle percée et confirmer son statut de troisième force politique du pays, en recueillant 16,8% des suffrages, après un score de 7,2% aux précédentes législatives. Avec l’Initiative libérale, petite formation créée récemment elle aussi et qui pourrait obtenir 5,4% des voix, l’ensemble de la droite serait en mesure de devenir nettement majoritaire dans le prochain Parlement portugais. Le Premier ministre sortant, le socialiste A. Costa, 62 ans, qui avait remporté une majorité absolue en janvier 2022 avec 41,4% des voix, a provoqué ces élections en démissionnant fin novembre. Il a refusé de briguer un nouveau mandat, après avoir été cité dans une enquête pour trafic d’influence.
Les enquêtes confirment une « insatisfaction » croissante envers le gouvernement sortant, en dépit de ses bons résultats en matière de finances publiques, de croissance ou d’emploi, relève M. Costa Lobo. « Ce contexte macroéconomique positif ne se reflète pas dans la qualité de vie des Portugais à cause de l’inflation, des bas salaires ou des problèmes de fonctionnement de l’État », notamment dans les domaines de la santé et de l’enseignement, explique cette analyste.
Pris de court par la démission d’A. Costa, le Parti socialiste s’est rassemblé autour de Pedro Nuno Santos, ancien ministre de 46 ans issu de son aile gauche. Luis Montenegro, chef de l’opposition de centre droit, parlementaire chevronné de 51 ans, dirige son parti depuis presque deux ans, mais ne fait pas l’unanimité dans son propre camp. Il a notamment fait le pari de refuser d’emblée de former un gouvernement avec le soutien de la droite radicale, au risque de provoquer une impasse s’il n’est pas en mesure de mettre sur pied une coalition majoritaire sans elle. « On ne peut pas laisser le PS gouverner s’il y a une majorité de droite », a fait valoir André Ventura, dirigeant populiste de Chega. Ce professeur de droit et ancien commentateur de football de 41 ans se dit prêt à participer à une coalition gouvernementale. Le parti « ultra-personnalisé » qu’il a fondé en 2019 « agrège une série de mécontentements présents dans la société portugaise depuis longtemps », note M. Costa Lobo. Cette formation antisystème, précise la politologue, est portée par son discours contre la corruption et les minorités, ainsi que par « une certaine nostalgie » du régime dictatorial de Salazar renversé par la « Révolution des Œillets », dont le Portugal célébrera le mois prochain le 50e anniversaire.