Les forces russes maintiennent leur pression sur les troupes ukrainiennes en maints endroits du front. La Défense russe a annoncé ce 27 mai la libération d’Ivanovka, un village dans la région de Kharkov, sur le front nord, et de Netaïlovo, dans la région de Donetsk. Le média russe Rybar avait rapporté la veille au soir la victoire russe à Ivanovka, relevant une préparation d’artillerie puis l’assaut d’unités russes. Julian Röpcke, journaliste pro-ukrainien du quotidien allemand Bild, a confirmé la prise de Netaïlovo (1 200 habitants avant-guerre), indiquant que les combats avaient débuté début avril. Rybar a aussi confirmé visuellement la levée du drapeau russe sur Netaïlovo et des « combats acharnés » dans le village voisin de Krasnohorivka.
Ces deux derniers jours, les troupes russes ont annoncé la libération de Berestovoïé dans la région de Kharkov, à la lisière du Donbass, et d’Arkhangelskoïé dans le Donbass.
L’armée ukrainienne est de plus en plus en difficulté depuis l’échec de sa contre-offensive à l’été 2023. L’armée russe a déclenché le 10 mai une offensive dans la région de Kharkov, dans le nord-est de l’Ukraine, s’emparant de plusieurs localités, poussant Kiev à y dépêcher de précieux renforts et à étirer ses lignes de défense, ouvrant de nouvelles perspectives aux unités russes
- Röpcke a dévoilé sur X les frappes russes sur des positions ukrainiennes dans la région de Kharkov, à l’aide de bombes planantes FAB de 500 kg, utilisées avec une efficacité redoutable sur le front depuis plusieurs mois. Face à cette pression russe, qui s’accompagne d’une campagne de frappes sur les infrastructures énergétiques en représailles d’attaques de drones sur les raffineries russes, les autorités ukrainiennes ont notamment enjoint leurs soutiens occidentaux à autoriser l’élargissement des frappes sur le territoire russe, menées avec les armes qu’ils leur fournissent.
Medevedev donne de la voix !
En foi de quoi, Dmitri Medvedev, ex-président russe, avait réagi en dénonçant dimanche les propos du ministre polonais des Affaires étrangères, qui a déclaré que Washington frapperait des cibles russes si Moscou utilisait des armes nucléaires en Ukraine. « Les Yankees n’ont jamais rien dit de tel, parce qu’ils sont plus prudents que les Pollacks », a déclaré D. Medvedev sur X. Le vice-président du Conseil de Sécurité russe réagissait après que Radoslaw Sikorski, ministre polonais des Affaires étrangères, a affirmé dans un entretien publié la veille par The Guardian que Washington avait menacé de riposter si la Russie venait à utiliser des armes nucléaires en Ukraine. R. Sikorski a estimé que la Russie ne s’imposait peu ou pas de lignes rouges en Ukraine, se disant toutefois sceptique sur l’emploi d’armes nucléaires par Moscou. En raison, selon le ministre polonais, de menaces de Washington : « les Américains ont dit aux Russes que si vous faites exploser une bombe nucléaire, même si elle ne tue personne, nous atteindrons toutes vos cibles [positions] en Ukraine avec des armes conventionnelles, les détruisant toutes ». Selon le responsable polonais, l’UE ne devrait pas avoir peur d’aggraver la situation et ne devrait pas s’imposer de limites, de manière à laisser Moscou dans l’incertitude. Un concept « d’ambiguïté stratégique » aussi revendiqué par le président français Emmanuel Macron, qui n’a pas exclu la possibilité d’envoyer des troupes occidentales en Ukraine, en dépit des avertissements répétés de Moscou.
La Pologne joue-t-elle avec le feu ? Toute attaque américaine contre des cibles russes en Ukraine déclencherait automatiquement une guerre mondiale, a prévenu D. Medvedev, jugeant les propos de R. Sikorski irresponsables. « Un ministre des Affaires étrangères, même d’un pays comme la Pologne, devrait le comprendre », a-t-il poursuivi. Et d’ajouter que « si la Pologne déploie des têtes nucléaires [américaines, ndlr.], comme Duda en a récemment exprimé le souhait, il ne resterait plus grand-chose de Varsovie. Est-ce vraiment ce que vous souhaitez ? ».
Le mois dernier, le président polonais Andrzej Duda avait déclaré que son pays serait disposé à accueillir des armes nucléaires US si une telle opportunité lui était offerte dans le cadre du mécanisme de partage de l’OTAN. Alors que les États-Unis et leurs alliés ont accusé à plusieurs reprises Moscou de brandir la menace nucléaire, le président Vladimir Poutine a souligné que la Russie n’avait jamais envisagé d’utiliser de telles armes depuis le début du conflit ukrainien. Dmitri Peskov, porte-parole du Kremlin, a quant à lui rappelé que la doctrine nucléaire russe n’envisage l’utilisation d’armes de destruction massive qu’en cas de menace contre « l’existence de l’Etat ».
Plus tôt ce mois-ci, le dirigeant russe a ordonné des exercices d’armes nucléaires tactiques, de puissance moindre que les armes nucléaires stratégiques. Des exercices organisés à la suite des déclarations jugées belliqueuses d’Emmanuel Macron et du ministre britannique des Affaires étrangères, David Cameron, qui avait soutenu, début mai, la possibilité de frappes ukrainiennes sur le sol russe avec des armes fournies par Londres.
G. Melon en veut au patron de l’OTAN
Depuis Rome, Giorgia Meloni, Première ministre italienne, a rejeté dimanche l’appel de Jens Stoltenberg à autoriser les frappes contre la Russie avec les armes occidentales. Matteo Salvini, vice-Premier ministre italien, a exigé une clarification des propos du secrétaire général de l’Alliance atlantique ou sa démission.
« Je ne sais pas pourquoi Stoltenberg a dit une telle chose, je pense que nous devons être très prudents », a déclaré G. Meloni à la chaîne de télévision italienne Rai 3. La cheffe du gouvernement italien et ses ministres ont reproché au secrétaire général de l’OTAN d’attiser les tensions avec Moscou à la suite de ses commentaires sur les frappes ukrainiennes en Russie avec les armes fournies par l’Occident.
Dans une interview publiée le 24 mai dans The Economist, J. Stoltenberg avait appelé les pays membres du bloc militaire à lever « certaines des restrictions » imposées à Kiev sur l’usage de leurs armes. Le tout pour que l’Ukraine « puisse frapper fort en Russie », avait titré l’hebdomadaire britannique. La Première ministre italienne a estimé que l’OTAN devait « rester ferme » et « ne pas donner le signal qu’elle cède » [à la Russie], mais a enjoint à « une plus grande prudence ». « Il y a beaucoup de déclarations douteuses », a-t-elle ajouté, rappelant s’être opposée au président français à la suite de son refus d’exclure l’idée d’un envoi de troupes occidentales en Ukraine.
M. Salvini a quant à lui déclaré le 26 mai lors d’un rassemblement électoral que J. Stoltenberg ne pouvait pas « parler au nom du peuple italien ». « L’OTAN ne peut pas nous forcer à tuer en Russie, ni personne ne peut nous forcer à envoyer des soldats italiens combattre ou mourir en Ukraine », a-t-il dénoncé, arguant que Rome envoyait des armes à Kiev uniquement pour « se défendre », et non pour « combattre, frapper et tuer en dehors de son territoire ». « Ce monsieur devrait soit demander pardon, soit rectifier ses propos, soit démissionner », a même ajouté M. Salvini. « S’ils veulent aller se battre en Ukraine, que [Jens] Stoltenberg, Emmanuel Macron et tous les pilotes qui veulent la guerre y aillent », a-t-il encore déclaré.
Antonio Tajani, ministre italien des Affaires étrangères, a également insisté sur le fait que les armes que l’Italie envoie à Kiev devaient uniquement « être utilisées en Ukraine ». « Nous faisons partie intégrante de l’OTAN, mais chaque décision doit être prise collectivement » , a-t-il précisé. Les commentaires du chef de l’OTAN interviennent alors que les déclarations en faveur d’attaques avec des armes occidentales sur le territoire russe se multiplient. Aux États-Unis, la pression s’accentue sur l’administration Biden afin qu’elle donne son feu vert à un tel élargissement des frappes ukrainiennes. En Europe, faisant écho aux demandes de Kiev, Varsovie étudierait la possibilité d’abattre depuis son territoire des missiles russes volant au-dessus de l’Ukraine.
Sergueï Lavrov, chef de la diplomatie russe, a dénoncé ce 27 mai les propos de J. Stoltenberg, estimant qu’il avait outrepassé ses pouvoirs et soulignant le recadrage de l’Italie. « Nous partons du fait que les armes américaines et occidentales frappent des cibles sur le territoire de la Russie, principalement des infrastructures civiles et des zones résidentielles », avait estimé le 24 mai le ministre russe des Affaires étrangères, fustigeant l’utilisation de missiles ATACMS livrés par les États-Unis.
A rappeler aussi que plusieurs pays européens, dont l’Allemagne, s’en sont pris le jour même à la Hongrie en raison de son blocage de l’aide européenne à l’Ukraine. Peter Szijjártó, ministre hongrois des Affaires étrangères, a dénoncé une « pression énorme » sur son pays. « Nous n’avons pas cédé à la pression », a-t-il assuré à l’issue d’une réunion des chefs des diplomaties européennes à Bruxelles.
Selon le ministre hongrois, les représentants de l’Allemagne, de la Lituanie, de la Pologne et de l’Irlande ont exercé une « pression énorme » sur la Hongrie, opposée au déblocage de l’aide prévue pour Kiev, allant même jusqu’à crier. « J’en appelle instamment à la Hongrie pour qu’elle permette enfin à nouveau l’aide à l’Ukraine, pour le maintien de la paix », a déclaré Annalena Baerbock, ministre allemande des Affaires étrangères, avant la réunion, selon l’AFP.
L’aide militaire à l’Ukraine a été augmentée par les Européens de 5 milliards d’euros au mois de mars dernier mais elle est pour l’heure bloquée par la Hongrie. Cette aide, d’un total de plus de 6,5 milliards d’euros, transite par la Facilité européenne pour la paix (EPF), également bloquée.
Selon le Financial Times, citant plusieurs sources au fait des négociations le 24 mai dernier, Budapest n’a pas imposé son veto à la saisie des fonds russes mais « s’inquiète de l’automatisation des paiements », ne nécessitant plus un aval à l’unanimité pour chacun d’eux.
« 41% de toutes les décisions prises par l’UE sur l’Ukraine sont actuellement bloquées par la Hongrie », s’est insurgé Gabrielius Landsbergis, ministre lituanien des Affaires étrangères, aussi cité par l’AFP. « On ne peut pas accepter qu’un seul pays, qui a accepté ce montant à la table des chefs d’État et de gouvernement (de l’UE) il y a quelques mois, bloque maintenant cette aide cruciale à l’Ukraine », a aussi accusé Hadja Lahbib, cheffe de la diplomatie belge, toujours selon la même source. Les Européens ont décidé d’utiliser l’EPF pour faire transiter, en faveur de Kiev, les revenus tirés des avoirs russes immobilisés dans l’UE. Ces revenus représentent entre 2 et 2,5 milliards d’euros par an.