En marge d’une visite en Irlande, le président américain a été interrogé sur ce sujet. Il s’est dit « préoccupé que ce soit arrivé », sans confirmer explicitement qu’il s’agissait bien de documents authentiques des services du renseignement US.
Plus tôt dans la semaine, le porte-parole du Conseil de sécurité nationale des États-Unis, qui dépend directement de la Maison Blanche, avait sous-entendu que les documents pouvaient être réels. Et sous couvert d’anonymat, des sources officielles ont confirmé à des journaux américains qu’au moins une partie des documents était authentique.
Le quotidien The Washington Post a dressé mercredi soir le portrait de l’homme qui serait à l’origine de la fuite, sur la base de photos, de vidéos, mais aussi du témoignage de l’un de ses amis. Amateur d’armes à feu, raciste, le soldat incriminé travaillait sur une base militaire en bas de la hiérarchie. C’est de là qu’il aurait extrait ces documents pour les photographier puis les publier sur un forum de discussion privé d’une vingtaine de membres, américains et étrangers.
Une enquête pénale a été ouverte aux États-Unis pour vérifier avec certitude l’authenticité des documents, leur origine, et identifier le ou les auteurs de ces fuites. Pendant la pandémie de Covid-19, le prévenu a crée sur le réseau social Discord un groupe baptisé « Thug Shaker Central » rassemblant une vingtaine d’adolescents et de jeunes adultes de son âge coincés chez eux, avec lesquels il partage sa passion des jeux vidéo de guerre, des armes, de la religion. Ils échangent aussi des mèmes, parfois racistes. Certains membres sont originaires de Russie et d’Ukraine. J. Teixeira communique sous le pseudonyme « OG » et demande aux membres de « Thug Shaker Central » de ne pas diffuser les documents qu’il leur montre.
Selon un des membres de ce groupe, interrogé par le Washington Post, J. Teixeira était très critique envers l’État, dont il dénonçait « l’abus de pouvoir », et particulièrement les forces de l’ordre et la communauté du renseignement, qu’il voit comme « une force sinistre qui tente de maintenir les citoyens dans l’ignorance ». Et c’est à partir d’octobre 2022 – peut-être avant – qu’il aurait commencé à partager des informations classifiées avec son groupe.
Selon le Pentagone, le suspect a fait courir un « risque très grave » aux États-Unis en divulguant des documents classifiés. Il doit désormais faire face à la justice américaine. Même en étant au bas de l’échelle, le prévenu passait « une partie de sa journée à l’intérieur d’une installation sécurisée qui interdisait les téléphones portables et autres appareils électroniques », et qu’il « travaillait d’arrache-pied pendant des heures à rédiger des documents classifiés à partager avec ses camarades sur le serveur Discord », écrit le journal, cité par l’AFP.
Il a plus tard pris des photos de documents et les a transmises à son groupe. « Lorsqu’il s’est avéré trop fastidieux de reproduire des centaines de documents classifiés à la main, il a commencé à publier des centaines de photos des documents eux-mêmes », poursuit le quotidien. Certaines informations étaient tellement sensibles qu’elles étaient marquées « NOFORN », c’est-à-dire à ne pas divulguer auprès d’étrangers, avance le Washington Post.
Selon un membre du groupe cité par le quotidien, « OG » « semblait penser que son savoir d’initié offriraient aux autres une protection contre le monde troublé qui les entoure ».
Le groupe d’environ 24 personnes, des hommes et des garçons pour la plupart, s’est formé autour de leur « amour mutuel des armes à feu, du matériel militaire et de Dieu », constituant un « club par cooptation en 2020 sur Discord », selon le média.
Les documents mis en ligne révèlent les inquiétudes des services de renseignement US quant à la viabilité d’une contre-offensive ukrainienne contre les forces russes, en raison de problèmes de formation et de ravitaillement. Un document examiné par l’AFP fait état des préoccupations des Etats-Unis à propos de la capacité de l’Ukraine à continuer à se défendre contre les frappes russes.
Des dizaines de photos de ces documents ont été relayées sur Twitter, Telegram ou Discord ces derniers jours, certains ayant sans doute circulé sur internet depuis des semaines, sinon des mois, avant d’attirer l’attention de la presse.
Les autorités américaines n’ont toutefois pas publiquement confirmé l’authenticité de ces documents publiés en ligne, et elle n’a pas encore été vérifiée de manière indépendante. Le Pentagone a néanmoins affirmé que cette affaire posait un risque « très grave » pour la sécurité nationale.
Outre le sujet ukrainien, certains documents semblent par ailleurs indiquer une collecte de renseignements opérée par les Etats-Unis et ciblant certains de leurs alliés, comme Israël et la Corée du Sud. Washington tente depuis de les rassurer.
De nombreux documents ne sont plus disponibles là où ils avaient été publiés, et selon la presse, les autorités les auraient fait supprimer. Les retombées de cette fuite apparente pourraient être importantes, mettant potentiellement en danger les sources de renseignement des Etats-Unis, tout en donnant à leurs ennemis des informations précieuses.