L’aviation turque a mené dans la journée de samedi quatre raids aériens contre des positions, à Ain Issa près de Raqqa, des Forces démocratiques du salut (FDS), faction kurde appuyée directement par les Américains et en sous-main par Israël. Ces opérations interviennent après les combats acharnés qui opposent toujours l’Armée syrienne libre (ASL) soutenue par Ankara dans la région de Manbij. Une quarantaine de morts, en majorité des membres de l’ASL, ont été signalés au cours de ces dernières heures. En parallèle, dans les régions nord et est de la Syrie, ce sont les Américains qui renforcent leur présence militaire. En effet, parallèlement aux convois terrestres qui se dirigent vers Al Cheddadi et la ville de Hassaké en provenance de l’Irak voisin, des avions chargés de matériel militaire ont été vus dans la zone livrer des équipements militaires au contingent US déployé en Syrie sous le couvert de lutte contre Daech. Plus au sud, dans la région de Deraa, c’est l’armée israélienne qui parade en toute liberté. Des travaux de fortification et de mise à niveau ont été menés par l’armée sioniste dans la caserne Al-Jazeera. Des bulldozers de l’armée israélienne ont été vus terrasser la zone après avoir pris d’assaut Jabal El Cheikh, position stratégique qui, depuis les hauteurs du plateau du Golan, dominent les zones qui s’étendent vers Al Cham, Damas, la Jordanie et les zones frontalières avec le Liban.
La destruction des capacités de l’armée syrienne, menée par Israël, avec le soutien des USA, rend vulnérable le pays désormais entre les mains de HTC et de ses acolytes. D’ailleurs, pas une protestation n’a été signalée à ce propos. Le nouveau pouvoir semble plus enclin à charmer les pétromonarchies pour qu’elles lui viennent en aide. Le ministre des Affaires étrangères intérimaire du gouvernement de facto de la Syrie, Asaad Hassan al-Shibani, a annoncé le 3 janvier que l’Arabie saoudite est disposée à « participer à la renaissance de la Syrie et à soutenir son unité et son intégrité territoriale ». Le cofondateur de l’ex-branche d’Al-Qaïda en Syrie (front al-Nosra) a déclaré avoir transmis aux responsables saoudiens « l’idéal national de Hayat Tahrir al-Cham (HTC), qui consiste à mettre en place un gouvernement fondé sur le partenariat et l’efficacité, incluant toutes les composantes syriennes ».
A.H. Shibani et le ministre intérimaire de la Défense de la Syrie, Murhaf Abu Qasra, commandant de longue date de l’aile militaire de HTC, ont rencontré le ministre saoudien de la Défense, le prince Khaled ben Salman, à Riyad jeudi. À la suite de cette visite, l’agence de presse saoudienne (SPA) a cité le ministre des Affaires étrangères, le prince Faisal Ben Farhan, qui a déclaré que le royaume est déterminé à défendre « la souveraineté, l’indépendance et l’intégrité territoriale de la Syrie » tout en insistant sur les mesures visant à « instaurer la sécurité, la stabilité et la prospérité pour le peuple syrien ».
Les pays du Golfe et les pays occidentaux se sont empressés de rétablir les liens avec la Syrie dans le sillage du coup d’État dirigé par HTC qui a fait tomber le gouvernement de Bachar el-Assad et a consacré l’arrivée au pouvoir d’A. al-Charaa.
« Notre visite à Damas se veut un signal de l’Union européenne sur la possibilité d’amorcer un nouveau lien politique avec la Syrie […]. Les Syriens peuvent reprendre en main le destin de leur pays après la fin du douloureux chapitre de la gouvernance d’Assad », a déclaré la ministre allemande des Affaires étrangères, Annalena Baerbock, à l’issue de son entrevue avec M. Charaa.
Ce remue-ménage diplomatique survient alors que la violence confessionnelle fait rage dans le pays nouvellement « libéré » du joug du pouvoir baasiste. Depuis la chute de Damas, les extrémistes alliés à HTC se sont livrés à des attaques et des exécutions ciblant les alaouites, ainsi qu’à des actes de vandalisme sur les lieux saints, notamment les églises et les cimetières chrétiens. Les fonctionnaires nommés par HTC ont également engagé des réformes radicales du programme national, auparavant laïc, apportant des modifications significatives aux enseignements religieux et historiques, supprimant notamment des événements clé de l’histoire syrienne, et effaçant le contenu relatif au lien historique entre la Syrie et les civilisations et empires polythéistes.
Des pans entiers de l’histoire syrienne vont aussi être occultés, notamment la période comprise entre la fin de l’Empire ottoman et l’élection de Shukri Quwaitli à la présidence en 1943. L’expression « Guerre de libération de 1973 », qui fait référence à la guerre israélo-arabe de 1973, sera remplacée par « La guerre de 1973 ». L’expression « ceux qui ont encouru la colère » sera remplacée par « ceux qui se sont écartés du chemin du bien », en spécifiant que ce sont les chrétiens et les juifs.
Le nouveau chef de la diplomatie syrienne a déjà établi un programme pour la semaine à venir. Il compte se rendre à Doha, Abu Dhabi et Amman.
Ali Larijani, conseiller principal du Guide de la Révolution et de la République islamique d’Iran, a déclaré mercredi soir que l’interaction de l’Iran avec le nouveau pouvoir en Syrie « dépend de son comportement à l’égard de Téhéran », ajoutant que « son pays n’a aucun problème d’avoir des liens avec lui ».
« Si le nouveau pouvoir en Syrie dit que nous défendons l’unité de nos terres, que nous voulons donner les droits à tous les Syriens et que nous voulons établir une structure démocratique dans le pays, alors l’Iran le soutiendra », a-t-il encore relevé tout en qualifiant les réunions politiques qui se tiennent aujourd’hui à Damas sont pour la plupart des « gestes politiques »
A. Larijani s’est interrogé: « Est-ce qu’ils (le nouveau pouvoir en Syrie) tiendront leurs paroles ? Nous espérons que la Syrie deviendra un État islamique démocratique qui se défendra contre Israël ». Il a ajouté « qu’Israël estime qu’il peut soumettre avec une main de fer les peuples de la région », soulignant que « la conscience du peuple syrien se renforcera et qu’il s’opposera au comportement oppressif israélien ». Il a aussi affirmé que « la société syrienne est aujourd’hui une société instable. C’est un pays dans lequel un autre Etat prend une part, et un autre pays contrôle également son pétrole », soulignant « qu’il y a différentes composantes en Syrie qui ont leur mot à dire et veulent leurs droits. »
Plus tôt, Ali Akbar Ahmadian, secrétaire du Conseil suprême de sécurité nationale iranien, avait condamné « les attaques de l’entité sioniste contre la Syrie », notant « qu’après l’occupation des terres syriennes par l’entité sioniste, une nouvelle résistance émergera en Syrie dans les prochains années ».
L’Iran a confirmé à plusieurs reprises qu’il cherchait à assurer la sécurité, la stabilité et l’intégrité territoriale en Syrie, appelant au respect de toutes les religions et à la formation d’un gouvernement syrien global.