« À bas la France », « Non aux sanctions », « Halte à l’intervention militaire » de la Cédéao… Ce sont quelques-uns des slogans scandés par les manifestants réunis place de la Concertation à Niamey. Ils ont brandi des drapeaux russes et nigériens, certains avaient également des drapeaux chinois et indiens.
Leur message : que la France quitte le Niger. Mais pas que… Les États-Unis le sont aussi désormais. À Agadez, au centre du pays, des centaines de personnes se sont en effet réunies près de l’aéroport où se trouve la grande base US, pour demander le départ des soldats américains.
Washington dispose d’une force de 1 300 hommes au Niger, et sa base militaire à Agadez est l’une des plus importantes sur le continent africain. Pour l’instant, le Pentagone a annoncé le maintien de ses contingents au Niger, nécessaires selon lui pour lutter contre les groupes jihadistes dans la région.
Si les chefs d’état-major de la Cédéao se déclarent prêts à intervenir, le général Tiani, à la tête de la junte militaire qui a renversé le président Bazoum le 26 juillet, a pris la parole samedi à la télévision nigérienne pour dérouler la feuille de route politico-institutionnelle.
« La Cédéao s’apprête à agresser le Niger en mettant sur pied une armée d’occupation en collaboration avec une armée étrangère », a indiqué le général Tiani sans citer de pays. « Ni le Conseil national pour la sauvegarde de la patrie, ni le peuple nigérien ne veulent d’une guerre », « mais si une agression devait être entreprise, elle ne sera pas la promenade de santé à laquelle certains croient », a-t-il prévenu : « les forces de défense » nigériennes « ne se déroberont pas », soutenues par le Burkina Faso, le Mali et la Guinée, a-t-il dit. « Notre ambition n’est pas de confisquer le pouvoir », a-t-il également promis. Pour cela, un dialogue national inclusif se fera avec toutes « les forces vives de la nation ». « Le gouvernement est déjà instruit » pour le mettre en place « dans un délai de 30 jours ». Objectif : formuler des « propositions concrètes » en vue de poser « les fondements d’une nouvelle vie constitutionnelle ». La transition « ne saurait aller au-delà de trois ans », a-t-il assuré.
En présentant sa feuille de route, le général cherche donc à tout prix à tourner la page M. Bazoum. C’est notamment pourquoi, il se dit en même temps prêt au dialogue.
Le général Tiani a de nouveau dénoncé des « sanctions d’une ampleur sans précédent », « illégales » et « inhumaines » de l’organisation ouest-africaine, qui « visent à nous priver de ressources financières indispensables » et à « entraver notre vie quotidienne ».
Une délégation de la Cédéao, arrivée à Niamey samedi à la mi-journée, a été accueillie à l’aéroport par le Premier ministre nommé par la junte, Mahamane Lamine Zeine. Menée par Abdulsalami Abubakar, ancien président du Nigeria, la délégation de l’organisation ouest-africaine a pu rencontrer le président renversé le 26 juillet.
Cette rencontre s’est faite en présence du Premier ministre nommé par la junte et d’un autre membre de la junte. Cette visite a été brève, elle a duré 10 minutes. Il n’y a pas eu beaucoup d’échanges, les émissaires de l’organisation sous-régionale étaient venus voir les conditions dans lesquelles est détenu le président renversé.
Cette délégation avait rencontré plus tôt des membres de la junte, dont le général Tiani. Elle était porteuse d’un message : le retour à l’ordre constitutionnel au Niger. Une autre rencontre avec l’ancien président du Niger a été inscrite au programme. La délégation comprenait notamment le président de la Commission de la Cédéao. C’est cette même délégation qui avait effectué à Niamey un premier déplacement après le coup d’État. Elle avait été mal reçue et n’avait d’ailleurs pas quitté l’aéroport. Faure Gnassingbé, président togolais, a joué un rôle discret pour que Niamey ouvre, cette fois-ci, grandement ses portes aux envoyés de la Communauté économique des États de l’Afrique de l’Ouest.
A Washington, l’alarme a déjà retenti. Le département américain de la Défense parle pour le moment « d’élaboration de plans par précaution ». Le général James Hecker, commandant de l’US Air Force en Afrique, rappelle d’ailleurs qu’aucune décision n’a encore été prise à ce sujet par l’administration Biden. Et il n’envisage pas d’évolutions avant des semaines, voire davantage.
Mais selon les autorités US, plusieurs scénarios sont imaginés. Elles planchent ainsi sur un départ en douceur qui pourrait durer. Autre possibilité : un départ précipité sous pression de la junte où seuls les éléments les plus sensibles seraient emportés.
Pour les États-Unis, le Niger représente un allié solide dans la lutte contre le terrorisme au Sahel. Les deux principales bases américaines dans la zone se trouvent en effet dans la capitale Niamey et à Agadez.
Enfin, interrogé sur les possibles pays de redéploiement en cas de retrait du Niger,J. Hecker n’a pas donné de détails. « Nous venons tout juste de commencer à regarder les options », explique-t-il avant de préciser « savoir où nous aimerions déplacer nos bases mais ce sera davantage à la diplomatie d’agir »…