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Enseignement de la shoah : Abou Dhabi à l’épreuve de la complexité de l’Histoire

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L'enseignement annoncé de la Shoah dans les écoles publiques des Emirats arabes unis rapproche le riche Etat du Golfe de son nouveau partenaire israélien, mais certains regrettent une instrumentalisation de l'histoire par Israël et affirment que cela ne changera pas le soutien populaire aux Palestiniens.
Enseignement de la shoah

Les Emirats arabes unis ont normalisé leurs relations avec Israël en 2020 dans le cadre des accords dits d’Abraham négociés par les Etats-Unis. Depuis, le pays, qui investit énormément pour son image de marque, a renforcé ses relations avec l’Etat hébreu et organisé divers événements avec des communautés juives.  Le 5 janvier, l’ambassade émiratie à Washington a annoncé l’inclusion de l’Holocauste « dans le programme des écoles primaires, des collèges et des lycées », sans plus de détails. « Il est important d’introduire l’enseignement de l’Holocauste dans la région […]. Si nous voulons que les gens compatissent avec nous, nous devons compatir avec les autres », confie à l’AFP Ahmed Obaid Al-Mansoori, fondateur du musée du Carrefour des civilisations à Dubaï.
Les Emirats ont déjà accueilli plusieurs conférences de rescapés de la Shoah, l’entreprise d’extermination des juifs d’Europe menée par l’Allemagne hitlérienne pendant la Seconde Guerre mondiale. Ils ont aussi inauguré, en 2021 au musée du Carrefour des civilisations, une exposition permanente commémorant les six millions de victimes juives de ce génocide. Il s’agit de la seule exposition permanente dans le monde arabe consacrée à cette tragédie.

Si le fait est rare dans l’éducation publique d’un Etat arabe, les horreurs commises par les nazis en Europe sont toutefois souvent enseignées dans les écoles privées. Le ministère émirati de l’Education a consulté l’Institut pour le suivi de la paix et de la tolérance culturelle dans l’éducation scolaire, qui analyse les programmes scolaires afin de promouvoir les normes de l’Unesco. « L’Holocauste ne représente qu’une toute petite partie du programme, mais on y travaille actuellement », déclare à l’AFP Marcus Sheff, directeur général de cet institut établi à Londres et à Tel-Aviv. « Notre rôle était de suggérer des façons de l’enseigner et d’en parler », dans le contexte de l’histoire européenne mais aussi de l’histoire du Proche-Orient, explique-t-il. 

Les Emirats travaillent également avec Yad Vashem, le mémorial israélien de la Shoah. « Les juifs vivant aux Emirats ne peuvent que se dire fiers », confie à l’AFP Alex Peterfreund, leader de la communauté juive arrivé en 2014 dans ce pays du Golfe où les citoyens émiratis ne représentent qu’environ un dixième d’une population de plus de neuf millions d’habitants. Pour ce Belge de 56 ans, dont les grands-parents paternels ont été tués par les nazis, les Emirats cherchent à enseigner le danger d’une situation où des communautés « n’arrivent pas à vivre ensemble ».  La création en 1948 de l’Etat d’Israël, et les tragédies qu’elle a provoquées pour les Palestiniens, ont largement crispé l’enseignement de l’Holocauste dans la région, la population reprochant à Israël d’instrumentaliser l’histoire pour justifier ses politiques de colonisation illégale, régulièrement condamnées par l’ONU et des ONG. Certaines réactions embarrassées remplissent le livre d’or de l’exposition commémorative de Dubaï. « Je suis arabe, je suis musulman et je dis que ceux qui ont souffert d’une injustice ne devraient pas agir injustement » à leur tour, peut-on y lire en arabe, allusion au traitement des Palestiniens par Israël.   « Détruisez Israël » ou « à bas l’impérialisme sioniste », ont écrit d’autres visiteurs. Abdelkhaleq Abdallah, professeur émirati de sciences politiques, craint que l’enseignement de la Shoah n’élude « la cause palestinienne et la violence commise par Israël aujourd’hui ».  « L’Holocauste est un fait historique mais il est politisé par Israël qui l’instrumentalise au gré de ses propres visées politiques », déclare à l’AFP ce critique de la normalisation avec l’Etat hébreu. « Nous ne devrions pas tomber dans ce piège ». Mais l’enseignement du génocide des juifs ne va pas entraîner plus de sympathie envers Israël, assure au même média Hind Al-Ansari, chercheuse au centre de réflexion Wilson Center, situé à Washington. Pour cette spécialiste des réformes sociales et éducatives dans le Golfe, « la cause palestinienne reste sacrée dans le monde arabe, y compris chez la grande majorité des Emiratis »

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