Devant le Conseil de sécurité, un autre cri de détresse a retenti mardi. « Allez-vous agir, de façon décisive, pour empêcher un génocide » à Gaza ?, a lancé le chef des opérations humanitaires de l’ONU, décrivant les conditions « inhumaines » imposées « sans la moindre gêne » par Israël dans le territoire palestinien. « Israël impose délibérément et sans la moindre gêne des conditions inhumaines aux civils du territoire palestinien occupé », a décrit Tom Fletcher dans un discours mettant le Conseil devant ses responsabilités.

« Je peux vous dire, pour avoir visité moi-même ce qui reste du système de santé de Gaza (avant la fin du cessez-le-feu, ndlr) que la mort à cette échelle a un son et une odeur qui ne vous quittent pas. Comme une infirmière l’a décrit: +des enfants qui crient pendant qu’on arrache le tissu brûlé de leur peau+ », a-t-il poursuivi. « Et pourtant nous entendons dire +nous avons fait tout ce qu’on a pu+ ».

« Nous avons informé ce Conseil en détails sur le mal fait de façon extensive aux civils dont nous sommes témoins chaque jour: mort, blessure, destruction, faim, maladie, torture, autres traitements cruels, inhumains ou dégradants, déplacements répétés à large échelle », a-t-il ajouté. « Nous avons décrit l’obstruction délibérée des opérations humanitaires et le démantèlement systématique de la vie des Palestiniens et de ce qu’il en reste à Gaza ».

« Vous avez les informations », a-t-il insisté.

« Pour les morts et ceux dont les voix sont réduites au silence, de quelles preuves supplémentaires avez-vous besoin ? Allez-vous agir, de façon décisive, pour empêcher un génocide et assurer le respect du droit humanitaire international ou direz-vous à la place +nous avons fait tout ce que nous avons pu+ ? ».

La Cour internationale de Justice est saisie d’une accusation de génocide contre Israël, « mais ce sera trop tard », a-t-il prévenu. « Pour ceux qui ne survivront pas à ce qui, nous le craignons, se profile à la vue de tous, ce ne sera pas une consolation de savoir que les futures générations nous tiendrons nous, dans cette salle, pour responsables », a-t-il encore lancé.

La guerre génocidaire israélienne contre Gaza a déjà fait 52.908 martyrs, en majorité des femmes et d’enfants.

« Ce que fait aujourd’hui le gouvernement de Benjamin Netanyahu (à Gaza) est inacceptable », « c’est une honte », a affirmé mardi 13 mai Emmanuel Macron, en considérant par ailleurs que « ce n’est pas à un président de la République de dire +Ceci est un génocide+, mais aux historiens ».

Le président français a rappelé lors d’un entretien sur TF1 qu’il avait été « l’un des seuls dirigeants à aller à la frontière » entre l’Egypte et Gaza, « l’une des pires choses qui (lui) aient été données de voir », déplorant que « toute l’aide que la France et d’autres pays acheminent » soit « bloquée par les Israéliens ». Il a également estimé que la question d’une révision des « accords de coopération » entre UE et Israël était « ouverte ». Les Pays-Bas ont demandé à la Commission européenne de voir si le gouvernement israélien respectait l’article 2 de cet accord d’association avec Israël qui stipule que les relations entre l’UE et Israël sont basées sur le respect des droits humains et des principes démocratiques, en vue d’une potentielle révision. « C’est une demande légitime et j’invite la Commission européenne à l’instruire », a souligné plus tôt mardi Jean-Noël Barrot à l’Assemblée.

« Nous nous sommes battus sans relâche pour arrêter ce conflit. Et aujourd’hui, on a besoin des États-Unis d’Amérique », a par ailleurs dit E.Macron, en estimant que le président américain Donald Trump était « celui qui a le levier ».

Le 18 mars, après une trêve de deux mois, l’armée d’occupation israélienne avait repris sa guerre génocidaire contre le territoire palestinien, où elle bloque aussi depuis le 2 mars toute entrée d’aide humanitaire. Et le 5 mai, Israël a annoncé une nouvelle campagne militaire prévoyant la « conquête » de Gaza et nécessitant le déplacement interne de « la plupart » de ses 2,4 millions d’habitants.

Dans ce climat, les Brigades al-Qassam, branche militaire du Hamas, ont diffusé des images d’une embuscade complexe menée par ses combattants contre les forces d’occupation israéliennes à l’est de Rafah, dans le sud de la bande de Gaza, dans le cadre de la série d’opérations Portes de l’enfer. Un clip vidéo publié mercredi documente le moment où l’embuscade a été menée à l’est de Rafah, plus précisément dans le quartier d’Al-Tannour. Les images montrent l’utilisation de diverses méthodes de combat, notamment des détonations à distance, des tirs d’obus antichars et l’utilisation de mitrailleuses à courte portée, entraînant des morts et des blessés parmi les forces israéliennes.

L’embuscade comprenait deux opérations simultanées le 8 mai. La première visait une force de génie israélienne composée de 12 soldats qui s’était retranchée dans une maison pour mener une opération de bombardement. Un certain nombre d’obus antipersonnel et antichars ont été tirés sur eux. Le deuxième a visé une force d’infanterie composée de sept soldats avec un engin explosif hautement explosif à proximité de la mosquée Omar ben Abdul Aziz dans le quartier d’al-Tannour.

Al-Qassam a confirmé que « les deux opérations ont entraîné des pertes directes et que ses combattants ont observé les restes dispersés d’un certain nombre de soldats d’occupation ».

L’armée d’occupation a reconnu la mort du sergent Yishai Elyakim Oriach du 605e bataillon du génie de l’unité Barak (188) et du sergent Yam Farid de la brigade du Golan, dans les deux embuscades Qassam dans la ville de Rafah. Les médias israéliens ont décrit cette journée comme « l’une des plus difficiles pour les forces israéliennes à Gaza ».

Dans un développement connexe, le média militaire des Brigades Al-Qods, aile militaire du mouvement Jihad islamique, a diffusé des images du bombardement d’Ashdod, Ashkelon, Sderot et des colonies dans l’enveloppe de Gaza avec des tirs de roquettes mardi soir, en réponse aux « massacres commis par l’occupation israélienne contre le peuple palestinien ». Dans les images, les Brigades ont rendu un hommage direct au peuple yéménite, avec les mots Dédié au peuple yéménite libre et courageux écrits sur les roquettes. L’un des hommages a également été rendu à Nour al-Bitawi, commandant du bataillon des Brigades de Jénine, qui a été martyrisé vendredi dernier lors d’un affrontement avec les forces d’occupation israéliennes dans la ville de Naplouse, dans le nord de la Cisjordanie.

L’un des combattants des brigades a rendu un hommage particulier au chef du mouvement yéménite Ansarullah, Sayyed Abdul-Malik al-Houthi, au porte-parole militaire des forces armées yéménites, Yahya Saree, et à tous les peuples libres du monde qui soutiennent la cause palestinienne.

Ces opérations interviennent dans un contexte d’escalade continue dans le sud de la bande de Gaza, où la résistance palestinienne cherche à entraver une incursion terrestre et à infliger les plus grandes pertes possibles aux forces israéliennes.

Exodus

En Palestine occupée, les Israéliens sont installés dans le doute. Selon un article publié par le quotidien de gauche Haaretz lundi dernier, une étude de la société Ci Marketing indique que 40% des israéliens envisagent de quitter le pays. Ce chiffre reflète un sentiment croissant de malaise attribué à plusieurs facteurs : la guerre en cours à Gaza, les tensions politiques internes, l’instabilité économique et les préoccupations sur l’avenir de la démocratie israélienne. L’article précise que 60 000 israéliens ont quitté le pays en 2024 sans revenir, soit plus du double du nombre de l’année précédente, avec une majorité de jeunes (25-44 ans) et de familles.

Au sein de la société israélienne, la politique du gouvernement actuel creuse le fossé. Notamment pour avoir renoncé aux 59 captifs israéliens encore détenus à Gaza. La libération du captif israélo-américain Alexander grâce à une médiation américaine l’a exacerbé. La crédibilité du Premier ministre Benjamin Netanyahu est plus écorchée que jamais.

Lors de la manifestation qui a eu lieu samedi dernier, leurs proches scandaient : « Tout le pays sait que Bibi est un escroc », selon Times of Israel. Shaï Mozes, dont les parents, Margalit et Gadi Mozes, ont été enlevés le 7 octobre 2023, puis relâchés, a déclaré samedi soir que « le véritable ennemi d’Israël n’est pas le groupe terroriste palestinien du Hamas, mais le Premier ministre Benjamin Netanyahu, qui détruit Israël en tant qu’État juif et démocratique ».

L’avenir de la nature du régime qui s’établit inquiète aussi au fur et à mesure que l’extrême-droite impose sa mainmise sur la vie politique. Elle s’inscrit dans la continuité de la crise des amendements juridiques qui avait éclaté en 2023, avant la guerre. Les visées messianiques de plus en plus manifestes dans les discours des religieux et de la droite israélienne exacerbent l’incertitude sur cet avenir.

Alors que la plupart des partis haredi refusent sans relâche d’obéir aux décisions prises par la Cour suprême exigeant l’enrôlement des hommes ultra-orthodoxes et menacent de faire tomber le gouvernement. Force est de constater le désintérêt à l’égard du sort des Palestiniens dans le discours des Israéliens récalcitrants.

Dans la bande de Gaza, la stratégie de l’armée d’occupation pour la seconde phase de l’agression consiste à affamer la population en vue d’un nettoyage ethnique et de son déplacement. Et le sort réservé aux Palestiniens de la Cisjordanie semble être similaire. Des milliers de familles ont été déplacés du nord. Mais de plus en plus de voix s’élèvent pour réclamer la fin de la guerre, voire une solution à deux Etats.

Vendredi dernier, des milliers d’Israéliens se sont rassemblés dans la ville sainte d’al-Qods, « pour un rare rassemblement en faveur de la paix » organisé par une coalition de 60 organisations locales.

En France aussi certaines personnalités juives connues pour leurs affinités pro israéliennes ont opéré un virage après avoir défendu Israël pendant des mois, ignorant le génocide qu’il commet dans la bande de Gaza. C’est le cas de la rabbine et directrice de la revue Tenoua Delphine Horvilleur. Dans une tribune, elle dénonce la « déroute politique » et la « faillite morale » d’Israël. Elle parle de son « amour » pour ce pays, mais appelle à un « sursaut de conscience » face à la « tragédie endurée par les Gazaouis ». La journaliste Anne Sinclair aussi a publié un post Instagram où elle se dit « meurtrie » et « déchirée » par l’action d’Israël à Gaza. Elle appelle désormais à un cessez-le-feu et à la levée du blocus humanitaire. En octobre 2024, sur le plateau de BFM TV, la journaliste n’a pas hésité à déclarer que les 50 000 morts à Gaza ne constituaient pas un génocide, mais que l’attaque du Hamas du 7 octobre 2023, elle, avait « des relents de génocide ».

Cette « rupture de silence » est certes considérée comme « extrêmement tardive » par Rony Brauman, qui a été l’une des rares voix juives à avoir dénoncé le génocide dès le début. Il fustige ces « personnalités » qui « ouvrent les yeux » seulement quand la cruauté devient impossible à nier. Or, pour l’ancien président de MSF, cette cruauté serait fatidique pour Israël. Il prédit la disparition de l’entité sioniste d’elle-même car « c’est un projet diabolique et destructeur ».

Comments are closed.

Exit mobile version