Aux premières heures de jeudi, le parquet a confirmé l’interpellation et le placement en garde à vue de Fouad Abdelmoumni, coordinateur de l’Instance marocaine de soutien aux prisonniers politiques. Un tour de vis répressif justifié par la « diffusion de nombreuses fausses informations » sur les réseaux sociaux. Dans ce sens, une enquête judiciaire a été ouverte, notamment pour « signalement d’un crime notoirement fictif dont il sait l’inexistence ».
Le procureur du roi près le tribunal de première instance de Casablanca a signalé que la juridiction se chargeait de « gérer l’ensemble des procédures de l’enquête menée par la Brigade nationale de la police judiciaire dans le cadre de cette affaire, et veillera à prendre les mesures légales nécessaires, à la lumière des résultats de l’enquête, une fois achevée ».
Dans la nuit de mercredi à jeudi, l’Instance marocaine de soutien aux prisonniers politiques a annoncé l’arrestation de son coordinateur, à Rabat. Dans un communiqué, elle a qualifié l’action de « nouvel acte autoritaire » visant l’ancien détenu politique. La même source ajoute que cette figure de l’activisme associatif a été interpellé sur son chemin pour une réunion de l’instance. Il a été conduit au siège de la BNPJ à Casablanca.
Peu avant cette interpellation, F. Abdelmoumni a publié un commentaire sur les réseaux, évoquant les relations entre le Maroc et la France, l’affaire Pegasus, ainsi que la précédente crise diplomatique entre les deux pays. Sa réaction est intervenue dans le contexte de la visite d’État du président français Emmanuel Macron, du 28 au 30 octobre.
L’Instance marocaine de soutien aux prisonniers politiques a fustigé une « arrestation arbitraire », qui « s’inscrit dans une série de harcèlements visant Abdelmoumni ». le communiqué produit à cette occasion a dénoncé une démarche contre les « prises de position audacieuses » de l’associatif, « en faveur de la liberté d’expression et des droits humains ».
Plus, l’instance a qualifié cette arrestation de « tentative de limiter » le « rôle central » assumé par F. Abdelmoumni, « en tant que coordinateur de l’Instance marocaine de soutien aux prisonniers politiques, où il est connu pour sa lutte incessante pour la justice et les droits au Maroc ». Et souligné qu’à la veille de cette interpellation, certains médias avaient diffusé des informations annonçant que le parquet avait ordonné d’enquêter sur les propos de l’intéressé.
Selon la structure, il s’agit ainsi d’une « escalade supplémentaire dans la politique de répression menée par les autorités contre les militants des droits humains et les acteurs politiques dans le pays ». Dans son communiqué, elle exige « sa libération immédiate ».
La Fédération de la gauche démocratique (FGD) a exprimé ses « préoccupations », à la suite de l’arrestation de F. Abdelmoumni, en tant que membre de la commission éthique du parti, « connu pour son audace de révéler les dossiers de corruption et de dilapidation des deniers publics ». Précédemment, l’associatif a été secrétaire général de l’ONG Transparency Maroc.
Cette action « constitue une nouvelle escalade dans le cadre d’une campagne systématique, qui vise les militants engagés pour les causes de liberté, de justice sociale et des droits humains », a fustigé la FGD. Selon la même source, il s’agit aussi d’« une violation grave de la liberté d’opinion et d’expression, contre ceux qui font front face à la corruption et à l’arbitraire ».
Le bureau central de l’Association marocaine des droits humains (AMDH) a dénoncé « une arrestation arbitraire », tout en exigeant la relaxe immédiate de F. Abdelmoumni. Rappelant que ce dernier est un ancien président de l’ONG, ancien membre de son comité administratif et membre de sa commission consultative actuelle, la structure estime que « cette interpellation est due aux activités politiques, associatives et intellectuelles» du concerné, ainsi que «son rôle dans la dénonciation des détentions politiques et son soutien » aux victimes.
Al Adl Wal Ihsan a également réagi en déplorant « une violation flagrante des droits humains qui prive un militant de sa liberté d’expression, qui cible son activité et qui tente de le réduire au silence, dans un contexte d’intimidations ».
L’Instance marocaine de soutien aux prisonniers politiques a fait savoir que F. Abdelmoumni devrait être déféré devant le procureur du roi, vendredi 1er novembre 2024 à Casablanca. Jour au cours duquel l’ensemble des avocats marocains observent une grève totale pour protester contre une réforme judiciaire qui menace la défense des justiciables. Des avocats étrangers étaient contactés, jeudi, pour assurer en urgence la défense de l’activiste.