Attac souligne dans son étude que le Maroc ne parvient pas à assurer son autosuffisance alimentaire pour les produits de base. Il importe massivement des céréales essentielles telles que l’orge, le maïs, le blé tendre et le blé dur. Les exportations agricoles, principalement composées d’agrumes et de tomates, ne permettent de couvrir qu’une faible part des importations, renforçant le déficit de la balance commerciale alimentaire.
La pêche, autre secteur primaire, devrait normalement jouer un rôle majeur dans l’approvisionnement alimentaire national. Cependant, l’étude révèle que la majorité des captures halieutiques est tournée à l’export, notamment vers l’Europe et l’Asie, au lieu de nourrir la population locale.
Le Maroc possède l’une des plus grandes zones de pêche au monde, avec des prises annuelles largement supérieures aux besoins alimentaires de sa population. Pourtant, une large part des Marocains peine à accéder au poisson, dont les prix ont grimpé ces dernières années. Ce paradoxe s’explique par une politique de pêche largement orientée vers l’exportation intensive, privant le marché local d’une ressource qui devrait être accessible.
L’étude d’Attac dénonce une situation où pêcheurs et marins voient leurs conditions de travail se dégrader tandis que les entreprises exportatrices réalisent d’importants profits. Les ports marocains sont devenus des plateformes d’expédition vers l’étranger, où sardines, anchois et d’autres espèces prisées quittent le pays en grande quantité, laissant sur place une offre réduite et des prix inabordables pour une partie de la population.
Au-delà des conséquences économiques et sociales, cette politique a des répercussions environnementales dramatiques. L’étude met en garde contre la surpêche, qui épuise progressivement les stocks de poissons et menace la biodiversité marine. Certains stocks, comme ceux des mollusques, sont déjà en situation critique, et les petits pélagiques, qui constituent une part essentielle des captures marocaines, sont à leur tour menacés.
L’étude relève aussi les effets du changement climatique sur les écosystèmes marins. La hausse des températures de l’océan modifie les habitats naturels, tandis que la pollution issue de l’agriculture intensive et des activités industrielles dégrade la qualité des eaux côtières. Ces phénomènes cumulés menacent non seulement l’équilibre environnemental mais aussi l’avenir du secteur halieutique marocain.
L’étude d’Attac critique ouvertement le programme Halieutis, présenté comme une stratégie de développement durable du secteur. Selon l’association, ce programme a surtout accentué la tendance à l’exportation massive, au détriment de la souveraineté alimentaire nationale et de la préservation de l’environnement. L’introduction de l’aquaculture, censée répondre aux besoins du marché, représente elle aussi une menace supplémentaire pour les écosystèmes marins marocains.
Face à ces constats, l’étude appelle à une refonte en profondeur de la politique de pêche au Maroc. L’association prône une gestion plus équitable des ressources halieutiques, en mettant l’accent sur la consommation locale plutôt que sur l’exportation. Elle insiste également sur l’urgence de mesures de conservation pour préserver les stocks de poissons et garantir une exploitation durable. Ceci est d’autant plus vrai que la situation actuelle révèle un profond paradoxe : un pays aux ressources maritimes exceptionnelles où l’accès au poisson reste un privilège. La réforme de cette politique devient une nécessité pour assurer une sécurité alimentaire durable et un avenir plus juste pour les générations futures.