Safieddine Boudali, membre du bureau politique de la Fédération, a critiqué le gouvernement pour avoir mis en œuvre les menaces proférées par Abdellatif Ouhabi, ministre de la Justice, à l’encontre des associations qui militent en faveur de la protection des deniers publics.
En effet, depuis son entrée en fonction au sein du gouvernement, le ministre a insisté sur le fait que ces associations n’ont pas le droit de porter plainte auprès du procureur général en matière de corruption financière, arguant que cela relève exclusivement de la compétence de l’État. S. Boudali a également révélé que cette attitude provient de l’agacement des conseillers face à l’activisme de ces associations, craignant que cela ne perturbe les processus électoraux futurs.
Ce cadre de la FGD qui préside aussi aux destinées de l’Association marocaine de protection des deniers publics à Marrakech a soulevé des questions dans un rapport publié sur le site officiel de la Fédération. Il s’interroge sur le timing de cette réforme du Code de procédure pénale alors que de nombreux parlementaires et conseillers communaux sont actuellement poursuivis pour corruption, détournement de fonds publics, et falsification. A ses yeux, cette modification constitue une « mesure préventive » du gouvernement visant à empêcher les associations de poursuivre leurs actions. Ceci est d’autant plus vrai que la majorité des accusés appartiennent à la coalition gouvernementale.
Il a également pointé du doigt la plupart des membres du gouvernement et de la majorité, qu’il accuse de continuer à accumuler illicitement des richesses par le biais de la corruption, du détournement de fonds publics, de l’évasion fiscale, de la rente et du blanchiment d’argent.
Face à cette situation, Boudali déplore que « les associations de la société civile, qui s’opposent à ces pratiques et à l’impunité, soient combattues au lieu d’être soutenues dans la lutte contre la corruption ».
Le militant a également rappelé que les actions du gouvernement vont à l’encontre de la Constitution de 2011, laquelle garantit, dans ses articles 12 à 15, le rôle de la société civile dans la moralisation de la vie publique et le droit des citoyens à présenter des pétitions aux autorités publiques. Il estime que cette mesure s’apparente à une « atteinte grave à la légitimité constitutionnelle ».
De plus, il souligne que cette initiative est en contradiction avec la Convention des Nations Unies contre la corruption, ratifiée par le Maroc en 2007, qui exige, dans sa première partie, la mise en place de législations favorisant la transparence, la surveillance et les contrôles, compliquant ainsi les pratiques des corrompus. La deuxième partie de la convention insiste sur la nécessité de criminaliser et d’appliquer des sanctions dissuasives contre les principales infractions de corruption, telles que le détournement, l’abus de pouvoir et l’enrichissement illicite, tout en mettant en place des mécanismes pour poursuivre efficacement les auteurs, sans entraves telles que les immunités ou le secret bancaire.
En adoptant cette modification controversée du Code de procédure pénale, S. Boudali affirme que le gouvernement a pris une mesure en contradiction avec la Constitution et les lois internationales.
L’objet du déni
Le projet de loi du Code de procédure pénale, adopté par le Conseil du gouvernement le 29 août 2024, a déclenché une polémique, notamment concernant son article 3. Celui-ci stipule qu’« il ne peut être mené d’enquêtes ou engagé de poursuites publiques concernant des crimes portant atteinte aux deniers publics que sur demande du procureur général du Roi près la Cour de cassation, sur la base d’une saisine de la Cour des comptes ou d’autres organes autorisés par la loi ».
Cette modification a été dénoncée par l’Association marocaine de protection des deniers publics comme un « recul des droits et de la Constitution », empêchant la société civile de jouer son rôle de vigie contre la corruption.
A. Ouahbi, ministre de la Justice, a, à plusieurs reprises, exprimé son refus de voir les associations de protection des deniers publics déposer des plaintes auprès du ministère public contre des élus et des personnalités impliquées dans des affaires de corruption, qualifiant leurs actions de règlements de comptes politiques.
Ses accusations d’extorsion proférées à l’encontre de ces associations ont suscité une vive indignation, et jamais été prouvées, tombent à l’heure où nombre d’élus sont poursuivis et condamnés sur la base des plaintes déposées par ces mêmes associations. Comme quoi, il y a quelque chose de pourri dans le Royaume…
L’article 3 du projet de loi portant modification du Code de procédure pénale, qui devrait être approuvé par le Conseil du gouvernement ce jeudi, stipule que « les enquêtes et l’exercice de l’action publique concernant les crimes portant atteinte aux deniers publics ne peuvent être engagés que sur demande du procureur général près la Cour de cassation en sa qualité de président du ministère public ». Le même article ajoute que l’exercice de cette action est effectué « sur la base d’un renvoi de la Cour des comptes, ou sur demande accompagnée d’un rapport de l’Inspection générale des finances, de l’Inspection générale de l’administration territoriale, des inspections générales des ministères ou des administrations concernées, ou sur la base d’un renvoi de l’Instance nationale de probité, de prévention et de lutte contre la corruption ou de tout autre organe expressément habilité par la loi à cet effet ».
Contrairement aux cas mentionnés dans le paragraphe précédent, le texte indique que « le ministère public compétent peut engager des enquêtes et exercer l’action publique d’office pour les crimes mentionnés ci-dessus en cas de flagrant délit ». L’article 3 du projet de loi poursuit en précisant que « lors de l’exercice de l’action publique, les principes d’impartialité, de validité et de légalité des procédures doivent être respectés, tout en veillant aux droits des parties conformément aux règles définies par cette loi ». et relève que « le représentant juridique du Royaume doit également être informé de toute action publique concernant des atteintes aux fonds ou aux biens publics, ou aux objets destinés à l’usage public, ou des agressions contre des fonctionnaires publics dans l’exercice ou à l’occasion de l’exercice de leurs fonctions ».
En ce qui concerne les plaintes impliquant des suspects qui sont des fonctionnaires ou des membres des collectivités territoriales, le même article indique que « l’action publique intentée contre l’un de leurs fonctionnaires ou un membre de leurs conseils ou organes, ou lorsque l’action publique concerne une atteinte aux fonds ou aux biens appartenant à ces collectivités territoriales ou à leurs organes, doit être portée à la connaissance du représentant juridique des collectivités territoriales ».