Selon les résultats de la commission électorale, M. Muizzu, 45 ans, a obtenu 54,06% des suffrages face au désormais ex-président de 61 ans, qui a aussitôt concédé sa défaite en adressant ses « félicitations » à son rival, sur X.
L’élection pourrait déboucher sur un rapprochement avec Pékin, dans une région hautement stratégique. Haut lieu du tourisme de luxe, cet archipel de l’océan Indien se situe sur l’une des routes maritimes les plus fréquentées du monde, dans une zone où l’Inde et la Chine rivalisent d’influence. Le Parti progressiste des Maldives (PPM) du nouveau président était entré dans l’orbite de Pékin pendant le mandat de son mentor Abdulla Yameen (2013-2018).
Comme ministre, M. Muizzu a notamment promu un projet de pont financé par la Chine, pour un coût de 180 millions d’euros, reliant la capitale au principal aéroport du pays. Comme président, il pourrait œuvrer au rapprochement avec Pékin ; il est partisan des crédits accordés par la Chine dans le cadre des « nouvelles routes de la soie », gigantesque projet chinois d’investissements dans les pays en développement. Un projet dont les Maldives ont profité.
Pour l’Inde, grand voisin et rival asiatique de la Chine, cette élection n’est pas une bonne nouvelle. Pour le nouveau président, l’influence politique et économique de l’Inde est trop importante sur l’archipel. Le premier tour de la présidentielle avait déjà donné une confortable avance à M. Muizzu (46,1% contre 39,1%) face au président sortant I. M. Solih, qui s’est efforcé, pendant son mandat, d’améliorer les relations tendues avec New Delhi. Il reprochait justement à son prédécesseur d’avoir poussé le pays dans le piège de la dette chinoise en empruntant massivement pour les infrastructures.
Pour M. Muizzu, l’influence de l’Inde sur la nation musulmane s’assimile à une ingérence. Durant la campagne, il a organisé plusieurs manifestations contre la présence indienne. Narendra Modi, Premier ministre indien, l’a néanmoins félicité dimanche pour son élection.
En concédant sa défaite, M. Solih a tenu « à féliciter la population qui a participé à un processus démocratique et pacifique ». Le taux de participation s’est établi à 85% au second tour, pendant lequel l’organisme de surveillance Transparency Maldives a relevé quelques incidents de « violence électorale ». La police a annoncé avoir arrêté 14 personnes pour violation des règles électorales. En 2018, M. Solih avait remporté une victoire surprise à la présidence en succédant à Abdulla Yameen, qui purge actuellement une peine de 11 ans de prison pour corruption et blanchiment. Il avait reproché à son prédécesseur d’avoir poussé le pays dans le piège de la dette chinoise en empruntant massivement pour les infrastructures. À l’époque, le virage du gouvernement d’Abdulla Yameen au profit de Pékin avait alarmé New Delhi, qui partage les inquiétudes occidentales face à l’affirmation croissante de la Chine dans l’océan Indien. À son arrivée au pouvoir, M. Solih a rapidement agi pour rétablir les relations de l’archipel avec New Delhi, en invitant N. Modi à assister à son investiture et en permettant de renforcer sa petite présence militaire. Pendant la campagne pour sa réélection, il a cherché à rallier des soutiens en faisant campagne sur des questions locales telles que le logement.
Le parti de Mohamed Muizzu avait, lui, centré le débat sur la diplomatie en critiquant le rapprochement de M. Solih avec l’Inde, pays au poids politique et économique démesuré aux Maldives et objet d’une désaffection ancienne. Son parti du PPM et des groupes militants ont régulièrement organisé des manifestations exigeant une réduction de l’influence indienne dans la nation musulmane. Pendant la campagne, les alliés de M. Muizzu ont même affirmé que son élection contribuerait à débarrasser le pays de toute ingérence étrangère.
Mohamed Muizzu a pourtant ouvertement fait part de ses projets de suivre la ligne pro-Pékin de son mentor Yameen. « Nous sommes impatients de revenir au gouvernement en 2023 (…) pour écrire un nouveau chapitre de liens forts entre nos deux pays », avait-il déclaré lors d’une réunion avec des membres du Parti communiste chinois l’an dernier. Pendant la campagne, Ahmed Shaheed, ex-ministre des Affaires étrangères, avait toutefois assuré à l’AFP que le prochain président « devra trouver un équilibre, les intérêts de l’Inde et de la Chine », avant de prévenir : « Vous ne pouvez pas rejeter l’Inde et survivre ».