Les faits rapportés par la presse espagnole évoquent un début d’altercation à la suite d’une tentative supposée de vol de téléphone portable attribuée à la victime. Le policier municipal, accompagné d’un retraité, aurait poursuivi Abderrahim avant de le maîtriser au sol. C’est à ce moment-là qu’il aurait utilisé la technique d’étranglement arrière dite du « mataleón », largement critiquée pour ses conséquences mortelles. Le jeune homme est décédé quelques instants plus tard dans l’ambulance, malgré les tentatives de réanimation des secouristes.
Des témoins ont décrit une scène insoutenable : des passants auraient tenté de raisonner le policier, lui demandant en vain d’arrêter de comprimer le cou de l’homme à terre. Le policier aurait continué à exercer une pression, tout en ordonnant d’appeler les forces de l’ordre.
L’affaire a immédiatement été prise en charge par les autorités espagnoles. Un juge d’instruction a été saisi, ordonnant l’ouverture d’une enquête judiciaire. Le policier mis en cause a été arrêté, privé de son passeport et placé sous enquête pour homicide involontaire. Par ailleurs, un examen médico-légal approfondi a été demandé afin de déterminer la cause exacte du décès : asphyxie, arrêt cardiaque ou autre facteur contributif.
La mairie de Madrid a également réagi en suspendant temporairement l’agent de ses fonctions. Une procédure disciplinaire a été lancée, et la juge chargée du dossier a décidé de sa mise en liberté provisoire, sous conditions : obligation de se présenter chaque semaine aux autorités compétentes et interdiction de quitter le territoire.
Face à la version des autorités espagnoles, la famille d’Abderrahim dénonce une injustice flagrante. Son père, effondré, a déclaré que son fils souffrait de troubles psychiques, était sous traitement médical, et ne représentait aucun danger. « Il avait besoin d’aide, pas de violence », a-t-il déclaré aux médias. Certains membres de la famille ont même suggéré que le policier pourrait avoir agi sous l’influence de l’alcool au moment des faits.
La nouvelle du décès d’Abderrahim a rapidement provoqué l’indignation de la communauté marocaine établie en Espagne. L’information selon laquelle le policier et son accompagnateur auraient été dans un « état inhabituel » a attisé la colère et ravivé des tensions autour du traitement réservé aux migrants. Plusieurs dizaines de personnes se sont rassemblées samedi 21 juin sur la Plaza de España à Torrejón pour une manifestation pacifique. Les slogans « Justice pour Abderrahim » et « Non au racisme » ont été scandés par les participants, parmi lesquels figuraient les membres de la famille du défunt.
Au cours de la manifestation, plusieurs voix se sont élevées contre l’utilisation de techniques policières telles que le « mataleón », qualifiées de « dangereuses et potentiellement mortelles », surtout lorsqu’elles sont appliquées à des civils sans armes. « Le cas d’Abderrahim n’est pas isolé », a déclaré un manifestant, notant « qu’il s’inscrit dans une logique plus large de répression visant les migrants ».
L’association SOS Racismo a critiqué la décision de mise en liberté provisoire du policier et appelé à une enquête rigoureuse. Pour l’organisation, les faits s’apparentent à une agression raciste grave et nécessitent une réaction ferme de la justice espagnole. Quant au collectif local Corridor en Lucha, engagé contre les discriminations, il a annoncé une nouvelle mobilisation, appelant à la constitution d’une coordination chargée de suivre le dossier. « Non aux pratiques policières meurtrières, oui à la justice et à la responsabilité », pouvait-on lire sur leurs banderoles.