Vladimir Poutine, absent de ce sommet, a adressé par vidéo un message clair quant à la position de la Russie, un peu plus d’un mois après le retrait de Moscou de l’accord sur l’export des céréales ukrainiennes. Visé par un mandat d’arrêt émis par la Cour pénale internationale (CPI), V. Poutine n’a pas fait le déplacement en Afrique du Sud pour ce 15e sommet des Brics. Une absence qui évite à Pretoria une situation délicate, car l’Afrique du Sud, membre de la CPI, aurait dû théoriquement arrêter le chef du Kremlin. N’empêche, le président russe s’est exprimé à travers un message à l’ouverture du sommet. « La Russie, a-t-il dit, est délibérément entravée dans l’approvisionnement en céréales et en engrais à l’étranger. Et en même temps, on nous accuse hypocritement d’être responsables de la situation de crise actuelle sur le marché mondial. Cela s’est clairement manifesté dans la mise en œuvre du soi-disant accord sur les céréales, conclu avec la participation du secrétariat de l’ONU. »
« Aucun des termes du soi-disant accord, concernant le retrait des sanctions des exportations russes de céréales et d’engrais vers les marchés mondiaux, n’a été mis en œuvre, estime le président de la Fédération russe. Les demandes de la Russie à cet égard ont tout simplement été ignorées, même entravées. Le libre transfert des engrais minéraux a été bloqué dans les ports européens. » L’essentiel, pour V. Poutine, était de rappeler que la Russie reste membre à part entière de l’organisation, et de souligner encore et toujours sa position sur les sanctions prises dans le sillage de son offensive en Ukraine. Elles sont, a-t-il encore répété, « illégales », et ont « de graves conséquences sur l’économie mondiale ».
Le maitre du Kremlin tient, surtout, à démontrer que même à distance, il n’est pas seul. Et d’insister, donc, sur le poids des Brics. Majorité de la population mondiale, ascension des investissements, augmentation du pouvoir d’achat… Pour lui, voilà un bloc largement en mesure de rivaliser avec le G7, instance dont la Russie a été exclue en 2014, après l’annexion de la Crimée.
Les représentants des cinq pays ont par ailleurs évoqué, ce jour à l’assemblée, des questions très économiques, puisque le forum des affaires des Brics devait s’achever dans la soirée de mardi. Le président brésilien Lula a tenu à mettre l’accent sur le dynamisme que représente pour lui un bloc comme les Brics pour l’avenir. « Depuis le premier sommet des chefs d’État et de gouvernement, notre part au sein de l’économie globale n’a cessé d’augmenter, a-t-il rappelé. Selon les prévisions, les marchés émergents et en développement seront ceux qui connaîtront le plus de croissance au cours des prochaines années. »
« Selon le Fonds monétaire international, alors que les pays industrialisés devrait passer d’une croissance de 2,7% en 2022, à 1,4% en 2024, les pays développés devraient, eux, passer à une croissance de 4% sur cette même période, anticipe Lula. Cela montre que le dynamisme des économies du Sud global et des Brics est une force motrice. Sur le plan multilatéral, les Brics veulent se distinguer en étant une force qui travaille en faveur d’un commerce global plus juste, prévisible et équitable. »
Ce sommet se veut un appel du pied en direction des autres pays du Sud, encouragés à se rapprocher du bloc, de son orbite, et les dirigeants réunis à Johannesburg ne se sont pas privé de le marteler, invitant tous les autres à entendre leur vision du monde. Narendra Modi, Premier ministre indien, y voit également son intérêt, puisqu’il estime que son pays sera bientôt la locomotive en termes de croissance mondiale.
À noter que si l’idée d’une monnaie commune n’est plus évoquée chez les Brics, les pays du bloc poussent pour que les échanges entre eux se fassent de plus en plus en monnaies locales, dans un vaste processus de « dédollarisation » dont V. Poutine se réjouit.
Enfin, le président chinois Xi Jinping n’était quant à lui pas présent sur la scène du centre de conférence, mardi. Il était représenté par son ministre du Commerce, qui a mis en garde contre le risque d’une nouvelle guerre froide. En revanche, il a fait son apparition plus tôt ce jour à Pretoria, lors de sa visite d’État auprès de son homologue sud-africain C. Ramaphosa.
En fin de journée, les dirigeants des Brics se sont retirés dans une résidence de luxe de la ville pour un temps à huis clos. Les discussions de mercredi devraient concerner le sujet incontournable du sommet, à savoir la fameuse question d’une éventuelle expansion de l’organisation et des critères d’entrée.
De l’autre côté de l’Atlantique, le président américain souhaite que les capacités de financement du Fonds monétaire international et de la Banque mondiale soient musclés. C’est ce qu’il va plaider lors du prochain sommet du G20, les 9 et 10 septembre en Inde, a fait savoir mardi Jake Sullivan, conseiller à la sécurité nationale. Joe Biden veut « vraiment consacrer beaucoup de son énergie à la modernisation des banques de développement multilatérales, y compris la Banque mondiale et le FMI », a assuré J. Sullivan lors d’un échange avec la presse.