En 2023, la liberté dans le monde a reculé pour la 18e année consécutive, indique le rapport annuel de l’organisation américaine Freedom House. Selon le groupe de recherche financé par Washington, « les droits politiques et les libertés civiles » ont été réduits dans 52 pays, tandis que seuls 21 pays ont enregistré des améliorations. « Toutes les régions ont enregistré un déclin », relève Yana Gorokhovskaia, corédactrice du rapport. « La détérioration est assez généralisée », souligne-t-elle.
« Le pluralisme est attaqué mais reste une source de force pour toutes les sociétés », conclut le rapport. Le rejet de la coexistence pacifique de personnes ayant des idées politiques, des religions ou des identités ethniques différentes par des dirigeants autoritaires et des groupes armés a engendré la répression, la violence et une forte baisse de la liberté globale en 2023. De quoi créer un environnement défavorable à la démocratie au moment même où le monde entre dans une année électorale importante, souligne Freedom House. Une tendance qui n’est pas une fatalité : « En tirant leur force de la diversité, en protégeant la dissidence et en construisant des coalitions internationales pour soutenir leurs propres normes et valeurs, les forces démocratiques peuvent encore inverser le long déclin de la liberté dans le monde. »
Le rapport a modifié la classification de deux pays. Il en va ainsi pour l’Equateur passé du statut de « pays libre » à celui de « pays partiellement libre », à cause de la perturbation des élections par des groupes criminels violents, notamment l’assassinat du candidat présidentiel anticorruption Fernando Villavicencio à la suite d’un discours de campagne.
C’est le Haut-Karabakh qui a subi la plus forte baisse de liberté enregistrée au cours de l’année et est passé de la catégorie « partiellement libre » à « non libre » après qu’un blocus et une offensive militaire du régime azerbaïdjanais ont entraîné la capitulation de son gouvernement séparatiste et l’expulsion de facto de sa population d’origine arménienne. Le rapport pointe aussi la poursuite de l’invasion de l’Ukraine qui a dégradé encore les droits fondamentaux dans les zones occupées et provoqué une répression plus intense en Russie même. Mais aussi le conflit entre Israël et le Hamas, la guerre civile découlant du coup d’État militaire de 2021 en Birmanie et les combats brutaux entre factions militaires et paramilitaires rivales au Soudan.
Les forces militaires ont également chassé le gouvernement élu du Niger, entraînant la deuxième plus forte baisse de score de l’année (18 sur l’échelle de 100 de Freedom in the World) et ajoutant un nouveau cas à la vague de coups d’État – le Burkina Faso, Tchad, Guinée, Mali et Soudan – dans la région du Sahel en Afrique qui a débuté en 2020. Les libertés ont également continué à se détériorer au Burkina Faso, qui a subi deux coups d’État en 2022. Les élections au Nigeria, au Zimbabwe et à Madagascar ont été entachées de violences politiques et d’accusations de fraude, tandis que les conflits au Soudan et en République démocratique du Congo (RDC) ont donné lieu à des violations dévastatrices des droits de l’homme. Dans ce contexte, note le rapport, les élections réussies au Liberia et un certain nombre de décisions de justice protégeant les droits des personnes LGBT+ au Kenya et en Namibie ont été les points forts de l’année.
Le rapport fait état d’efforts déployés par les dirigeants en place « pour contrôler la concurrence électorale, gêner leurs adversaires politiques ou les empêcher d’accéder au pouvoir » au Cambodge, en Turquie au Zimbabwe, au Guatemala et en Pologne.
Freedom House rappelle également les restrictions de liberté subies par les habitants de territoires contestés, tels que le Tibet, Hong Kong, dans le giron chinois.
La Thaïlande vu son statut amélioré, passant de « pays non libre » à pays « partiellement libre », grâce à des élections compétitives, même si les forces de l’establishment ont empêché le jeune progressiste Pita Limjaroenrat, dont la formation progressiste Move Forward a remporté le plus grand nombre de sièges, de devenir Premier ministre.
La plus forte progression sur l’échelle de 100 points de Freedom House a été enregistrée par les Fidji qui ont gagné sept points. Ces iles classées comme « partiellement libres », ont organisé des élections sous tension en décembre 2022, au cours desquelles les électeurs ont évincé Frank Bainimarama, qui dirigeait l’archipel du Pacifique depuis un coup d’État en 2006.