Présenté comme une « étape qualitative et exceptionnelle » dans la modernisation du système judiciaire marocain, ce projet vise à concilier la protection de l’ordre public et la garantie des droits et libertés individuelles, tout en intégrant les engagements constitutionnels et internationaux du Royaume.

Dans son discours, A. Ouahbi a souligné que cette réforme ne constitue pas une simple mise à jour, mais un véritable « code constitutionnel de la justice pénale ». Parmi les avancées majeures, le renforcement des garanties légales durant l’enquête préliminaire, avec la consécration du principe de présomption d’innocence et la non-considération du silence comme un aveu implicite, la protection accrue des victimes de traite des êtres humains, conformément aux standards internationaux, la dématérialisation des procédures, avec un élargissement de l’usage des moyens numériques, l’encadrement strict de la détention provisoire, limitée aux cas strictement nécessaires ou encore l’amélioration des mécanismes de réinsertion, via des mesures facilitant la réhabilitation et le paiement des amendes.

Le projet, qui a fait l’objet de 1384 amendements en commission Justice, a intégré une partie des propositions des députés. Toutefois, certaines suggestions ont été écartées, notamment pour des raisons de « cohérence avec les fondements du texte » ou de « contraintes techniques et logistiques », a précisé le ministre.

Cette réforme s’inscrit dans une stratégie globale, incluant la loi sur les peines alternatives et la réorganisation des établissements pénitentiaires, visant à moderniser la justice pénale marocaine. Une étape décisive, selon le gouvernement, pour renforcer la confiance des justiciables et lutter plus efficacement contre la criminalité.

Le ministre a rejeté les amendements proposés par certains parlementaires concernant les articles 3 et 7 du projet de loi sur la procédure civile, visant à empêcher les organisations de la société civile de poursuivre les personnes accusées de corruption. A Ouahbi a choisi de surfer sur l’affaire controversée de la vente de diplômes de master à l’université Ibn Zohr d’Agadir en révélant que le professeur universitaire impliqué dans ce scandale avait précédemment signé un accord de partenariat avec un ancien ministre de la Justice, dans le cadre d’une association engagée dans la lutte contre la corruption. Concernant « le scandale survenu à l’université d’Agadir, j’ai un accord au ministère de la Justice signé par le président de cette association (faisant référence au professeur accusé) et un ancien ministre de la Justice pour combattre la corruption », a-t-il affirmé devant les parlementaires. A. Ouahbi a également exprimé sa disposition à rendre public cet accord de partenariat, comme il l’a indiqué aux membres du parlement.

Cette déclaration s’inscrit dans le cadre de la promotion des nouvelles dispositions du projet de loi, interdisant aux associations de déposer des plaintes pour des crimes liés aux fonds publics, une mesure qui a suscité un vif débat au sein du parlement.

Alerte à la manipulation

Mohamed El Ghalloussi, président de l’Association marocaine pour la protection des deniers publics, a tiré une fois de plus la sonnette d’alarme face à ce qu’il considère comme un recul dangereux dans la lutte contre la corruption. Critiquant vigoureusement les articles 3 et 7 du projet de Code de procédure pénale, estimant qu’ils cherchent à museler la société civile en l’écartant du processus de signalement des actes de mauvaise gestion ou de malversations.

Pour cet activiste, les plaintes adressées à la justice ne sont pas une finalité, mais un outil parmi d’autres. Elles visent à mettre en lumière les dysfonctionnements dans la gestion des affaires publiques et à dénoncer l’impunité dont jouissent certains acteurs. « Nous ne sommes ni des amateurs ni des professionnels de la plainte pour la plainte. Ce n’est pas cette obsession qui nous motive à nous opposer aux articles 3 et 7. Contrairement à ce que certains pourraient croire, nous ne vivons pas de ces plaintes, elles ne sont ni notre raison d’être ni notre oxygène. Ce sont là des illusions, des tentatives de manipulation et de brouillage des pistes pour discréditer le travail associatif sérieux et indépendant. Nous considérons les plaintes comme un simple mécanisme parmi d’autres pour signaler des soupçons de corruption, des détournements de fonds publics et pour dénoncer la mauvaise gestion des services publics », a-t-il précisé dans une publication sur les réseaux sociaux.

Son inquiétude est d’autant plus grande qu’il observe, selon lui, une forme de consensus politique autour de ces dispositions, qui limiteraient gravement la capacité des associations à jouer leur rôle de veille et de dénonciation. Dans une publication récente, il alerte contre une éventuelle banalisation de l’enrichissement illicite et de la corruption systémique, encouragée par ce qu’il qualifie de « hypertrophie de la corruption », une emprise tentaculaire du phénomène.

Le militant a insisté sur le fait que ces plaintes ne visent aucune personne en particulier et ne comportent aucune accusation dirigée contre qui que ce soit, car cela ne relève pas des missions des associations. L’objectif, selon lui, est de participer modestement, aux côtés d’autres acteurs, à l’amélioration des services publics, dans le respect de la loi, de l’égalité, de la transparence et de l’égalité des chances. Comme il a souligné que les articles 3 et 7, contrairement à ce que certains essaient de faire croire, visent fondamentalement à isoler la société, individus comme groupes, du combat contre la corruption. Ils visent à neutraliser tous les mécanismes civils et sociétaux qui participent à cette lutte, pour mieux consolider la corruption, la rente, la fraude et l’enrichissement illégal.

A ses yeux, ces articles instaurent une mainmise sur les institutions, approfondissent les pratiques de corruption et offrent protection et impunité à une poignée d’individus. Le militant avance le fait que le projet de loi cherche à affaiblir le parquet, le plaçant à la merci du pouvoir exécutif, en l’empêchant de lancer des enquêtes ou des poursuites judiciaires sauf en respectant des conditions restrictives imposées par l’article 3 du projet.

M. El Ghalloussi a annoncé que l’association qu’il préside est en train de mettre en œuvre une série de décisions pour dénoncer cette orientation autoritaire, qu’il qualifie d’attaque contre le peuple et appelé à une prise de conscience collective pour faire face à ce projet mené avec une précipitation inédite, et avec une instrumentalisation flagrante de l’institution législative, dans le but de porter atteinte aux acquis en matière de droits humains, de justice et de Constitution.

Enfin, il a regretté que même les institutions constitutionnelles en charge de la bonne gouvernance, bien qu’ayant émis un avis favorable au respect de la Constitution et des conventions internationales concernant les articles en question, n’aient pas réussi à freiner cette dérive.

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